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Un Bal masqué chambriste entre ombre et lumière

A voir, Agenda, Aubervilliers, Les critiques
Willy Vainqueur

© Willy Vainqueur

Dans son théâtre de La Commune à Aubervilliers, Marie-José Malis fait redécouvrir une pièce de l’écrivain russe Mikhaïl Lermontov qu’elle met en scène dans un spectacle subtilement mélancolique.

Écrit en 1835 , entré au répertoire de la Comédie-Française il y a plus de trente ans dans une mise en scène du maître russe Anatoli Vassiliev, Bal masqué demeure toujours à peu près inconnu en France. Remarquablement traduite en vers, empreinte d’autant de romantisme passionné que de réalisme cru, la pièce est pourtant absolument captivante tant elle porte en elle la beauté d’un poème et le souffle d’un roman. Montée par Meyerhold à Saint-Pétersbourg au début du siècle dernier, elle rivalisait de faste et d’opulence, multipliait les bals et les foules, pour traduire toute l’ivresse et la grandeur d’une société en train de s’éteindre à jamais. Comme un écho à cette représentation historique, Marie-José Malis fait entendre la musique de Glazounov, mais très justement, en sourdine, au loin, et là s’arrête l’hommage. Car la metteuse en scène s’écarte radicalement d’une pompeuse somptuosité. Elle place sa propre représentation aux antipodes du spectaculaire et adopte un geste délibérément peu figuratif, particulièrement essentialiste, qui manifestement ne laisse pas de place à l’artifice et lui préfère le dépouillement d’une véritable mise à nu de l’espace théâtral.

Le vaste plateau est ouvert à tous les vents et plein d’appels d’air. Il baigne dans une semi-obscurité que contrebalance la salle laissée continuellement éclairée. Aucun décor ou presque ne vient encombrer l’ensemble, si ce n’est quelques tentures changeantes et accrochées à vue sur une rampe qui descend des cintres et des commodités de style chaises ou banquettes. Le bal se place sous le signe d’une maigre fête qui s’anime sans excès d’euphorie. Ses figures affichent un rayonnement quasi fantomatique sous les étoffes de leurs costumes hors d’âge à l’image de la décadence de leur aristocratie ruinée.

C’est donc dans le vide que la metteuse en scène propulse ses personnages, à la rampe du plateau comme au bord d’un gouffre. Les corps prostrés mais les esprits échaudés s’exposent frontalement dans l’exiguïté d’un promontoire central sur lequel ils se livrent à nous, sondés, fouillés au corps et à l’âme. Las, ces personnages brûlent et se morfondent sous d’illusoires plaisirs et sous de mauvais vices, offrant leur douloureuse existence. Sans fard, la puissance d’un jeu économe, profondément concentré et intériorisé se laisse alors admirer. Chez Malis, les acteurs réunis jouent d’une manière radicalement différente de ce qu’on voit ailleurs. Celle du sombre Arbénine (Juan-Antonio Crespillo) passe par moments pour un peu trop affectée. Sa jeune épouse Nina (Sylvia Etcheto) est d’une étincelante intensité. Au Prince neurasthénique et nonchalant, Laurent Prache donne un côté vif et piquant à la fougue rentrée. A partir de la méprise causée par la perte accidentelle d’un bracelet aussitôt donné en gage d’amour par celle qui l’a trouvé, se déroule un drame dominé par le mensonge et la jalousie qui rendent sa fatale intrigue comparable à celle de l’Othello de Shakespeare.

Marie-José Malis ne renonce à aucun de ses incontestables principes qui font l’économie de tout effet et de facilité, notamment celui de l’extrême lenteur. Le temps passe, s’écoule, s’étire, ponctué d’autant de mots que de silences. En semaine, la pièce dure plus de 4 heures alors que ne sont présentés que ses trois premiers actes, conformément à la première version de Lermontov heurtée à la censure avec interdiction de jouer. La version complétée de son 4e acte dure 5 heures en tout et se laisse découvrir le week-end seulement. C’est sans doute bien excessif car les innombrables longueurs ne se justifient pas toutes, même pour donner à voir et à vivre intensément la déliquescence du monde que dépeint l’auteur et le vague à l’âme des figures qui le peuplent. Pour autant, cela se laisse contempler et éprouver non sans émotion et avec une sorte d’envoûtement tant l’implacable lucidité comme le profond mystère de la pièce attirent et retiennent l’attention.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Bal masqué
texte Mikhail Lermontov
traduction André Markowicz

mise en scène Marie-José Malis

avec Pascal Batigne, Virgine Colemyn, Juan-Antonio Crespillo, Sylvia Etcheto, Saliha Gaci, Olivier Horeau, Mahamadou Marega, Laurent Prache, Sandrine Rommel, Marc Susini

scénographie Jessy Ducatillon, Adrien Marès, Marie-José Malis
lumières Jessy Ducatillon
son Patrick Jammes

construction David Gondal, Adrien Marès et l’équipe de La Commune
costumes Zig et Zag

Nos plus vifs remerciements à l’Opéra de Paris pour son aimable contribution aux costumes du spectacle

production La Commune CDN d’Aubervilliers

Durée: 4 heures en semaine, et 5 h dans son intégralité le week-end

La Commune CDN d’Aubervilliers
DU 2 AU 17 FÉVRIER 2022
MAR 8 À 14H30, MAR 15, MER, JEU, VEN À 19H30, SAM À 18H, DIM À 16H

12 février 2022/par Christophe Candoni
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