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« Così fan tutte », une éducation sentimentale à l’université

A voir, Les critiques, Lyon, Opéra
Marie-Ève Signeyrole met en scène Così fan tutte de Mozart
Marie-Ève Signeyrole met en scène Così fan tutte de Mozart

Photo Paul Bourdrel

À l’Opéra de Lyon, la metteuse en scène Marie-Ève Signeyrole prend au mot le sous-titre de la pièce de Mozart (L’École des amants) et transpose son action sur les bancs d’une fac d’art où les héros mozartiens comme des spectateurs volontaires font l’expérience déroutante du réapprentissage de l’amour.

C’est dans les gradins de l’amphithéâtre d’un cours d’art que se joue l’intrigue de cette nouvelle production de Così fan tutte. Le dernier opéra de Mozart et Da Ponte est transformé par Marie-Ève Signeyrole en expérience pédagogique aussi émancipatrice que potentiellement destructrice. Elle est malignement menée par Alfonso, réinventé en professeur d’esthétique et de philosophie, avec la complicité de Despina, qui n’est plus une simple servante, mais une étudiante déniaisée. Dès les premières mesures de la pétillante ouverture, c’est sous l’empire d’un ardent désir propre à la jeunesse que l’on découvre ses camarades, Guglielmo, Ferrando, Fiordiligi et Dorabella, se pressant de se déshabiller et de s’embrasser fougueusement. Non sans désinvolture, ils assistent dans la foulée à un cours magistral où ils devront disserter sur l’amour et confronter l’optimisme de Spinoza au désenchantement d’Aragon, à la faveur d’une scène parlée comme plusieurs ont été ajoutées aux récitatifs d’origine. En suivant un programme hebdomadaire composé de plusieurs tests avec mises en situation, les étudiants se mettent à l’épreuve de la déconstruction de leur idéal et de leurs certitudes en matière de fidélité amoureuse.

Cette étonnante relecture, qui se place évidemment aux antipodes d’une lecture moraliste, fonctionne de bout en bout tant elle se montre totalement en phase avec l’œuvre. À la fois grave et frivole, son argument prend lui-même la forme d’une expérience telle qu’en raffolaient le siècle des Lumières et le théâtre de Marivaux. Dans ce nouveau contexte contemporain, s’ajoutent aux personnages mozartiens de nombreux figurants et une vingtaine de couples de spectateurs, volontaires et différents à chaque représentation, dont le rôle conféré oscille entre observation et participation. Toutes et tous forment une bande de jeunes gens bien peu innocents que l’on suit en classe de théorie comme en travaux pratiques avec, notamment, l’incontournable cours de dessin pour lequel de sémillants modèles nus s’offrent à portraiturer. L’œil du public, aiguillé par la caméra, capte à loisir des moments d’introspection et d’intimité profondes. Dans les ateliers et jusque dans les toilettes ou le dortoir du campus, les étudiants vont se séduire, se provoquer, parfois déraper, se confronter à l’errance du sentiment et à la pluralité du désir. L’homosexualité et le polyamour ne sont pas absents du propos. La mise en scène tire un portrait finalement drôle, tendre et osé de leur parcours sexuel et existentiel, plein d’enthousiasme et de fébrilité.

En bon meneur de jeu, le baryton Simone Del Savio endosse le rôle de Don Alfonso avec une stature professorale et pas mal d’espièglerie. Ses principaux cobayes sont de jeunes chanteurs audacieux qui n’ont pas froid aux yeux. S’ils font montre d’une forte aisance et d’engagement dans le jeu, la prestation est un petit peu plus discutable sur le plan du chant. Disons que se déploient d’évidentes qualités, mais que le soin et l’élégance apportés au style, au phrasé, à l’intonation, peuvent sembler un brin fluctuants. Campée par Giulia Scopelliti, Despina est un peu débraillée, mais prône la jouissance insolemment. En Ferrando, le ténor Robert Lewis déploie une douce musicalité, tout en passant pour un peu prudent, voire précautionneux, notamment dans Un’aura amorosa. Ilya Kutyukhin fait un Guglielmo de solide prestance vocale et scénique quoiqu’un peu trop monochrome. La Dorabella de Deepa Johnny est plus colorée et d’une séduisante suavité. Enfin, Tamara Banješević fait l’effet d’une véritable tornade lorsqu’elle se lance crânement, quitte à forcer le trait, dans les périlleux écarts de notes qui la font passer d’un extrême à l’autre du registre dans les deux grands airs de Fiordiligi. Dans cette production où le corps, le désir et la révolte occupent une place si importante, on pouvait s’attendre à une direction musicale plus empreinte de chair, de sensualisme et d’arrogance. C’est une version vivante et animée, mais un poil trop modérée, qu’a défendue l’orchestre en fosse sous la direction du chef Duncan Ward.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Così fan tutte
de Wolfgang Amadeus Mozart
Livret Lorenzo Da Ponte
Direction musicale Duncan Ward
Mise en scène et vidéo Marie-Ève Signeyrole
Avec Tamara Banješević, Deepa Johnny, Robert Lewis, Ilya Kutyukhin, Simone Del Savio, Giulia Scopelliti
Orchestre, Chœurs et Studio de l’Opéra de Lyon
Décors et costumes Fabien Teigné
Lumières Philippe Berthomé
Dramaturgie Louis Geisler
Chef des Chœurs Benedict Kearns

Durée : 3h35 (entracte compris)

Opéra de Lyon
du 14 au 24 juin 2025

16 juin 2025/par Christophe Candoni
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