Pour pallier l’absence de son équipe, l’Italien Marco Augusto Chenevier monte un spectacle de danse avec le public. Le résultat est aussi technique que jubilatoire.
On l’écrit à longueur d’articles, en marge des critiques : dans la culture, l’heure est à la crise ; au théâtre, l’heure est à la crise ; au sein des compagnies, l’heure est à la crise… La faute au désengagement budgétaire des pouvoirs publics, à l’inflation, à l’extrême droitisation de certains esprits, aux clivages accrus dans une société qui ne dialogue plus. Aujourd’hui plus qu’hier, et demain moins qu’aujourd’hui. Ainsi, la diète s’impose en coulisses et sur scène avec ses conséquences tangibles : moins de spectacles à l’affiche et moins d’artistes au plateau. La dégringolade se poursuit, et il faudra continuer à la documenter. Face à ce constat, l’Italien Marco Augusto Chenevier a trouvé un positionnement idéal : le dénoncer, s’en servir et en rire ; positionnement tout à la fois courageux, malin et plaisant, avec une autodérision réjouissante, somme toute bien peu française.
Ainsi déboule-t-il, pieds nus, sur un plateau sans décor, arborant les couleurs de sa péninsule natale, un sac de voyage à la main et quelques explications sur le spectacle de danse contemporaine, Quintetto, qu’il est venu défendre dans la Cité des papes. Au départ, nous précise-t-il, celui-ci mettait en scène quatre partenaires et une équipe de techniciens. Las, en découvrant le prix de la location des salles avignonnaises, le chorégraphe est tombé des nues. Il a tenté de faire financer sa pièce par une cagnotte en ligne, mais l’initiative a fait pschitt. Le voilà donc seul, empêché… Mais volontaire. Parce que le garçon veut faire un spectacle, coûte que coûte, et il a trouvé une astuce : faire appel au public, pour gérer les lumières, choisir et diffuser la musique, donner les tops, le vêtir, puis le dévêtir de son costume, et l’accompagner à la danse. On est à Avignon, l’assistance joue le jeu et ne se fait pas prier pour monter sur scène. Certains commencent à faire les intéressants, mais l’artiste reste maître de son plateau.
Ainsi décrite, l’affaire peut paraître participative, et elle l’est dans une certaine mesure : chaque jour, spectateurs et spectatrices proposent des morceaux imprévus, dansent autrement, se plantent à des instants inédits pour l’allumage des projecteurs. Mais l’impression que donne Marco Augusto Chenevier s’apparente surtout à une performance de jonglage : à mesure que les participants le rejoignent et se démultiplient, ces derniers lui complexifient sa tâche. Il doit faire preuve de toujours plus d’énergie et de dextérité pour mener au bout son projet. On assiste à un spectacle burlesque en train de se faire. La gouaille et la technique du danseur font mouche. Les nouveaux venus restent à leur juste place, et celles et ceux qui ont préféré les gradins rient comme des baleines. Il paraît que Marco Augusto Chenevier a l’intention d’expatrier sa compagnie de ce côté-ci des Alpes, prions pour qu’il y parvienne : la France a besoin de lui.
Igor Hansen-Løve — www.sceneweb.fr
Quintetto
Chorégraphie, texte et interprétation Marco Augusto Chenevier
Co-direction artistique Alessia Pinto
Accompagnement chorégraphique Christine Bastin
Costumes Ignazio Iannarino
Lumières Sébastien Lamy
Collaboration artistique Francesca d’ApolitoProduction Cie Les 3 Plumes
Soutien Région Autonome Vallée d’Aoste (IT)Durée : 1h
Théâtre du Train Bleu, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 23 juillet 2025, les jours impairs, à 17h05
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