Les salariés du CDN – Théâtre des Quartiers d’Ivry souffrent. Ils le font savoir dans un communiqué dont nous publions de larges extraits. Le metteur en scène, Jean-Pierre Baro, qui a pris la direction du théâtre le 1er janvier 2019 a été entendu fin 2018 par la justice dans une affaire sexuelle datant de 2011, classée sans suite après enquête et confrontation par le parquet de Paris. Des faits révélés par Médiapart (dans le blog de Jean-Pierre Thibaudat). Les conséquences sont lourdes pour l’image du CDN et pour le travail au quotidien des salariés qui lancent un cri d’alarme. Certains artistes de la saison 19/20 ont déjà annoncé leur retrait de la programmation, comme Myriam Saduis et le collectif Eskandar.
« Nous, salarié·e·s du T.Q.I., souhaitons rendre notre parole publique« . Ainsi débute le communiqué de l’ensemble des salariés du TQI pris en tenaille entre une affaire privée de leur directeur, dont les faits remontent bien avant sa prise de fonction et les conséquences au quotidien sur leur travail. « Les faits reprochés à la personne de Jean-Pierre Baro entachent l’image du Théâtre des Quartiers d’Ivry et, par extension, nuisent aux conditions de travail des salarié·e·s. Nous ne l’acceptons pas » écrivent-t-ils.
Ils ont alerté dans un courrier la Direction Générale de la Création Artistique et le Maire de la Ville, Philippe Bouyssou, qui a reçu une délégation la semaine dernière. Ils ont expliqué les difficultés rencontrées dans leur travail au quotidien et ont tenu à exprimer leur « attachement à ce lieu et à son histoire et à réaffirmer (leur) vocation à travailler pour les publics avec nos partenaires sur le territoire. »
Nous avons joint les délégués du personnel du théâtre, qui nous ont confirmé le malaise de toute l’équipe. Les salariés sont en souffrance. Il est impossible pour eux de travailler sereinement. La situation impacte aussi leurs vies personnelles. « Cette situation renvoie au public une image opposée à nos valeurs professionnelles et personnelles » poursuit leur communiqué. « Cela va à l’encontre de notre éthique et nous pose un cas de conscience. Nous respectons le principe de la présomption d’innocence, nous ne sommes pas juges de ces accusations, et nous condamnons toutes les violences faites aux femmes, qu’elles soient morales, physiques ou sexuelles. »
En alertant les tutelles et le public à travers ce communiqué, le personnel du TQI lance un vrai cri d’alarme. « Nous continuerons tant que nous le pourrons à travailler au service des missions portées par le Centre Dramatique National du Val-de-Marne, pour notre public, dans un esprit d’ouverture, de respect et de partage. »
Jean-Pierre Baro que nous avons joint nous a confié qu’il allait se défendre et reconnait que « les salariés souffrent de la médiatisation de cette plainte classée sans suite« . Il va apporter un démenti au billet de Jean-Pierre Thibaudat par voie de presse et demande à Mediapart la publication d’un droit de réponse.
Myriam Saduis qui devait présenter en mai Final Cut dans le cadre de la saison 2019/2020 y renonce. Elle explique dans un communiqué avoir pris connaissance des faits dans l’article sur Médiapart. « En tant que femme, en tant membre du collectif F(s), collectif féministe regroupant 1500 femmes du secteur culturel en Belgique, dont je suis une des membres fondatrices, je marque ma solidarité et mon soutien à la personne qui a eu le courage de prendre la parole et de déposer plainte. Pour ces raisons, en accord avec mon équipe, et dans un souci de précaution et de protection qui m’incombent en tant que metteure en scène et directrice artistique, je refuse la programmation en 2019/2020, sous cette direction« .
Même position pour le collectif Eskandar, dont la direction artistique est assurée par Samuel Gallet qui devait présenter en mai, Visions d’Eskandar et qui y renonce. « Nous ne pouvons pas accepter que notre travail puisse être amalgamé à des comportements contre lesquels nous avons toujours lutté tant dans nos sphères intimes que sur les scènes politiques artistiques et pédagogiques » explique le collectif. « En écho au communiqué de l’équipe du théâtre des quartiers d’Ivry, il est anormal que nous devions choisir entre travailler ou renoncer à du travail pour ne pas être associés à ces agissements supposés. »
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
C’est dommage de nommer un viol » une affaire sexuelle », car les faits portent un nom, or ne pas nommer ou mal nommer c’est ne pas faire exister.
Par ailleurs, l’article de Thibaudat ne parle pas seulement des faits de la plainte pour viol en 2011, il relate également les témoignages de deux autres femmes victimes de tentatives d’abus sexuels, qui n’ont pas porté plainte. Cela ajoute au malaise…
Quelle triste affaire …quel triste personnage
Dans la mesure où l’affaire a été (en reprenant votre sous-titre) « classée sans suite après enquête et confrontation par le parquet de Paris », je trouve hallucinants les communiqués de Myriam Saduis et du Collectif Eskandar. Quant à d’autres histoires, racontées sous le couvert de l’anonymat et qui n’ont donné lieu à aucune enquête, on aimerait bien en connaître un peu plus. Quelle haine et quelle vengeance se cachent donc derrière tout cela ?
Ainsi denoncer des agressions sexuelles ne seraient dues qu’ à la haine ou un désir de vengeance.!!!!
2019… et le machisme le plus primaire a encore de beaux jours pour lui.