
Photo Christophe Raynaud de Lage
Jérôme Thomas revisite la première partie de son spectacle « HIC HOC » créé il y a plus de vingt ans. Impressionnant d’esthétisme et de technicité, Magnétic manque pourtant l’objectif poétique qu’il s’était fixé.
Et Jérôme Thomas remit l’ouvrage sur le métier. Une vingtaine d’années après la création de « HIC HOC », le maître européen du jonglage contemporain a choisi d’en revisiter la première partie. Pour cette recréation, l’artiste a réuni un nouveau quartet, composé de quatre jongleuses venues d’Allemagne, d’Italie et de France – Gaëlle Cathelineau, Audrey Decaillon, Viola Ferraris, Chloé Mazet, Ria Rehfuss ou Nicoletta Battaglia. Toutes impressionnent et éblouissent par leur impeccable maîtrise d’une matière qui exige finesse et habilité.
A mi-chemin entre le jonglage et la magie, Magnétic n’est pas de ces spectacles qui cherchent à en mettre plein la vue, à emporter l’adhésion du public par des tours aussi spectaculaires que farfelus. Portée par l’excellente composition musicale de Wilfried Wendling et par l’impeccable création lumière de Bernard Revel, la démarche de Jérôme Thomas est plus souterraine, plus progressive, capable de créer des images d’une beauté qu’il était a priori difficile de soupçonner.
Dans une atmosphère sombre et lourde, sous le poids d’une menace aussi constante qu’inconnue, les jongleuses utilisent le pouvoir des ondes, gravitationnelles ou électromagnétiques, pour créer des tableaux où les effets et illusions d’optique déchaînent une tornade hypnotique. Au milieu de ce plateau nu, elles n’ont pourtant à leur portée que quelques balles, des élastiques, des pendules et des plaques de polystyrène. Autant d’éléments apparemment simples qui, sous leur impulsion, font des merveilles esthétiques. Sous ses airs de ne pas y toucher, « Magnétic » est une réelle prouesse de technicité.
Et pourtant, tels des alexandrins finement ciselés mais dépourvus d’âme, le spectacle ne réussit pas à atteindre l’objectif poétique qu’il s’était fixé. Aussi subtils soient-ils, jamais les tableaux ne parviennent à émouvoir, ni même à toucher. Si subjugation il y a, elle n’est que temporaire. Dans sa construction dramaturgique, Jérôme Thomas a pris le parti d’exploiter sur une longue durée chacune de ses images, au risque de les user jusqu’à la corde et de leur faire perdre une partie de leur attractivité. Magnétic se transforme alors en un monstre froid, bâti par des jongleuses au langage corporel volontairement robotique. Impressionnant techniquement mais manquant de générosité ; habile esthétiquement mais très autocentré. Comme ces œuvres d’art qui, malgré leurs proportions parfaites, ne possèdent pas ce « petit je ne sais quoi », creuset de tous les charmes.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Magnétic
Un projet de Jérôme Thomas
Interprétation du quartet Gaëlle Cathelineau, Audrey Decaillon, Viola Ferraris, Chloé Mazet, Ria Rehfuss ou Nicoletta Battaglia
Musique Wilfried Wendling
Création lumière Bernard Revel
Création accessoires et costumes Emmanuelle Grobet
Direction de production Agnès Célérier
Production ARMO – Cie Jérôme Thomas
Coproduction IRCAM Centre Pompidou
Avec le soutien de La Muse en Circuit – Centre National de Création Musicale, Théâtre Mansart – CROUS de Dijon, de la Ville de Dijon, de l’ARTDAM Bourgogne – Franche-Comté et de l’Académie FratelliniLe 104
du mardi 13 février au samedi 17 février 2018
Puis, du 8 au 11 mars et du 15 au 18 mars 2018 au Monfort, Paris
Le 13 avril au Théâtre Le Rive Gauche, Saint Etienne du Rouvray
Le 4 mai à Fontenay-en-Scènes, Fontenay-sous-Bois
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