En 1972, Luc Bondy présente une première mise en scène des Chaises à Nuremberg. Près de quarante ans plus tard, Luc Bondy revient donc sur les traces d’un auteur qu’il a très bien connu, adolescent dans les années 60.
« Ionesco était très ami avec mon père. Il travaillait pour une revue que dirigeait ce dernier, qui s’appelait « Preuves ». A 17 ans, je savais déjà que je voulais faire du théâtre et de la mise en scène. Il s’avère que Ionesco mettait en scène pour la première fois une pièce intitulée Victime du devoir à Zürich. Il avait besoin d’un traducteur et c’est ainsi que j’ai pu l’accompagner dans son travail pendant plusieurs semaines. C’était je crois en 1968, car je me souviens qu’il était très « remonté » contre la révolte de 68.. Je garde le souvenir d’un personnage très ludique, il était à la fois celui qui écrivait ses pièces mais était aussi en partie le personnage de ses pièces. C’était un homme qui avait un mélange d’intelligence, d‘intuition et de grande naïveté, quelque chose de presque enfantin par moments, un grand créateur qui a inventé un monde, comme on peut le dire de Beckett, même si ces deux mondes n’étaient pas proches, du moins d’après la définition qu’en donne Essling dans « Le Théâtre de l’absurde » qui me semble aujourd’hui très approximatif. Ionesco affirmait d’ailleurs que « son théâtre est un théâtre de la dérision. Ce n’est pas une certaine société qui me parait dérisoire. C’est l’homme. »
J’ai toujours aimé la pièce Les Chaises. A l’époque, elle s’inscrivait dans une forme de théâtre assez novatrice, même si elle a été écrite bien avant les années soixante-dix. Il s’agissait de s’interroger sur comment jouer et jusqu’où aller avec ce qu’on appelle l’imaginaire. Aujourd’hui c’est la solitude de ce vieux couple qui m’intéresse (vu mon âge naturellement !). La dérision de l’écriture me parait soudainement « réaliste » : quoi de plus normal que d’imaginer une fête ? La dernière fête avant de se suicider ? Il est peut être bien difficile d’exprimer l’Orateur aujourd’hui, car d’une certaine manière, nous avons surmonté (ou peut-être pas) l’idée didactique du message final. C’est bien sûr l’anti-brechtien Ionesco qui parle à ce moment-là. Il faut donc réfléchir à rendre « l’anti » de cette époque pas trop vieillot et satisfaisant.
C’est mon désir de distribuer deux acteurs en France que j’aime beaucoup – Micha Lescot et Dominique Reymond – qui m’a poussé à mettre à nouveau en scène cette pièce. D’abord parce qu’ils correspondent à la didascalie de Ionesco, c’est-à-dire de choisir des acteurs jeunes pour jouer des vieux. Enfin, ce sont deux acteurs avec un humour incontestable et une intelligence de jeu nécessaires à faire vivre sur le plateau ceux qui n’existent pas. La proposition de Ionesco doit être complètement crédible dans sa folie : on devrait pouvoir deviner aussi tous les acteurs que j’aimerais distribuer mais qui ne sont ici que les invités imaginaires de la pièce. Ils doivent savoir jouer physiquement ces « autres » qui ne sont pas là ». Luc Bondy, mai 2010
LES CHAISES – FARCE TRAGIQUE
D’Eugène Ionesco
Mise en scène de Luc Bondy
Dramaturgie Dieter Sturm
Décors et lumières Karl-Ernst Hermann
Assistant décor Claudia Jenatsch
Costumes Eva Desseker
Maquillage et coiffure Cécile Kretschmar
Son et musique André Serré
Collaborateur artistique Geoffrey Layton
Avec
La Vieille Dominique Reymond
Le Vieux Micha Lescot
L’Orateur En cours
Le texte Les Chaises est publié aux Editions Gallimard.
Production : Théâtre Vidy-Lausanne
Co-Production : Equinoxe, scène nationale de Châteauroux / Wiener Festowochen
Coréalisation : Théâtre Nanterre-Amandiers / Festival d’Automne à Paris
Avec le soutient de l’Adami.
Durée : 1h30
Du mercredi 29 septembre au samedi 23 octobre 2010
Théâtre Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo-Picasso
92022 Nanterre
RER Nanterre-Préfecture (ligne A)
Navette assurée par le théâtre avant et après la représentation
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