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Avec « Lopakhine danse à Paris », Liza Machover cherche à raviver la flamme

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Julien Moreau dans Lopakhine danse à Paris de Liza Machover
Julien Moreau dans Lopakhine danse à Paris de Liza Machover

Photo Philippe Le Roy

S’il chemine sur un fil, le seul en scène imaginé par Liza Machover, et interprété par Julien Moreau, tend, avec sensibilité, émotion et sincérité, à révéler le pouvoir de transformation de la rencontre théâtrale.

Julien Moreau s’est d’abord laissé emporter par la vague. Une vague en forme de vaguelette, puis de plus en plus grande, ample, fluide, à mesure que son geste se perfectionnait sur le bitume brûlant où, adolescent, il s’est exercé durant tout un été – quitte à s’y râper les coudes et les genoux. Originaire des alentours de Laval, en Mayenne, ce département qui, précise-t-il, comme le raconte la légende et l’atteste la réalité, « compte plus de vaches que d’habitants », le jeune homme d’alors pensait tout naturellement rejoindre l’usine où travaille son père et travaillait son grand-père. Il y a même fait son stage de 3e, qui s’était plutôt bien passé, et semblait bien parti pour s’inscrire dans la lignée ouvrière familiale. Mais, un soir, « le petit Moreau » tombe sur un prime time de la Star Academy. C’est là que, en voyant un danseur réaliser une vague sur le plateau du show télévisé, il vit une épiphanie et se met en tête de reproduire ce mouvement. Obsédé par cette quête, l’adolescent ne tarde pas à s’inscrire à un cours de breakdance dispensé dans une maison de quartier, et, de proche en proche, de battle en battle, devient breakdanseur, puis danseur contemporain, puis comédien, et bientôt les trois à la fois. Car, en parallèle, Julien Moreau n’oublie pas son grand rêve, trop longtemps remisé au placard : devenir un acteur américain, suffisamment riche pour racheter la maison de ses parents et leur offrir une retraite paisible.

Durant son itinéraire de formation, le danseur-acteur croise la route de Liza Machover. La jeune femme a, elle aussi, vécu une épiphanie, un « choc esthétique », comme elle le nomme, lorsque, à 17 ans, assise dans les gradins du Théâtre de Lenche – aujourd’hui dépendant du Théâtre Joliette –, elle voit Lopakhine se mettre à tourner sur lui-même, « comme un derviche », pour célébrer son acquisition de la Cerisaie dans la célèbre pièce de Tchekhov – probablement mise en scène par Ivan Romeuf. Sans comprendre pourquoi, Liza Machover fond en larmes devant la « danse d’émancipation » de ce fils et petit-fils de moujiks, et choisit de se plonger dans l’oeuvre du dramaturge, puis de monter à Paris pour étudier le théâtre. Après plusieurs collaborations avec Julien Moreau, notamment dans L’Île aux pères, elle décide de lui écrire un solo, Lopakhine danse à Laval, Carro, Saint-Denis, Vire, Granville, Paris – en fonction de la ville où le spectacle se joue –, pour raviver la flamme des débuts, retrouver le sens d’un acte de création qui, chemin chaotique faisant, peut facilement se perdre « dans la nuit noire », et tenter de réactiver la force de la rencontre théâtrale et artistique, capable, par un savant jeu d’identification-miroir entre un spectateur et un personnage, de faire bifurquer des trajectoires de vie.

Sur le petit plateau de la salle Christian-Bérard, où l’Athénée Théâtre Louis Jouvet poursuit sa saison Prémisses dédiée à la jeune création, Liza Machover empile les couches, de passé et de présent, de réalité et de fiction, de paroles, aussi, glanées auprès de son comédien et de spectatrices et spectateurs qu’elle a croisés en chemin, à Saint-Denis, à Caen et ailleurs. Une fois assemblés, ces éléments bâtissent un solo en équilibre, constamment sur un fil, entre danse et théâtre, moments vécus et projections fantasmées. De la reproduction d’anciennes battles de break à la rencontre orchestrée entre Julien Moreau, devenu ce fameux acteur américain jouant sous la direction de Christopher Nolan, et Lopakhine, qu’il incarne à l’occasion d’une version spatiale, aussi cocasse qu’inattendue, de La Cerisaie, la metteuse en scène trace un chemin émancipateur, tant pour son comédien, qui accède, par le truchement de la fiction théâtrale, à ses rêves les plus fous, que pour le personnage tchekhovien, débarrassé de son image de parvenu avide de richesse, qui tranche habituellement avec l’élégance mortifère dans laquelle se drape Lioubov – contrainte, dans le drame du dramaturge russe, de vendre le domaine familial.

Adressée à « tous les Lopakhines », ces transfuges de classe que leurs origines sociales ne programmaient pas à devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, cette composition à la logique quasi enfantine, tant elle pourra sembler idéaliste aux esprits les plus sceptiques, fait rougir les braises de l’affranchissement par l’art – et, en l’espèce, par le théâtre –, de sa capacité à agir concrètement dans les existences de chacune et de chacun – à l’image de cette ouvreuse qui prend une claque en découvrant le Political Mother Unplugged d’Hofesh Shechter. S’il peut parfois sembler fragile, s’il gagnerait sans doute à voir son propos s’approfondir et s’épaissir, ce seul en scène profite de la sincérité intellectuelle de sa conviction originelle – dont on sent qu’elle est réellement chevillée au corps de Liza Machover – et surtout du jeu sensible de Julien Moreau. Entre transmission par le corps et par les mots, le danseur-comédien est aussi captivant lorsqu’il raconte, tel qu’en lui-même, sa propre histoire qu’émouvant lorsqu’il se met, lui aussi, à tourner « comme un derviche » pour clore son récit. À une heure où l’écosystème théâtral, bouleversé par le régime sec qu’on lui impose, peut, sous les coups de boutoir de ses fossoyeurs, se mettre à douter de son utilité, Liza Machover répond de la plus délicate des manières.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Lopakhine danse à Paris
Conception et mise en scène Liza Machover
Collaboration artistique, jeu et chorégraphies Julien Moreau
Textes Liza Machover, Julien Moreau
Création sonore et régie Benjamin Möller
Dramaturgie Liza Machover, Carolina Rebolledo-Vera
Création lumières Paul Argis
Reprise lumières Maureen Sizun Vom Dorp
Regard chorégraphique Jann Gallois
Décors Florian Bessin
Vidéaste Alex Mesnil
Témoignages Les spectateurs-trices de Saint-Denis, de Caen et d’ailleurs

Production Superfamilles
Coproduction Le Préau, CDN de Normandie Vire ; L’Archipel, Granville ; L’Espace Marcel Carné, Saint-Michel Sur Orge
Soutiens DRAC Normandie ; Région Normandie ; Département du Calvados ; Ville de Caen ; Le Préau, CDN de Normandie Vire ; L’Archipel, Granville ; Le Studio 24, Caen ; Le Reflet Saint Berthevin ; Théâtre Gérard Philippe, CDN de Saint-Denis ; La Coopérative chorégraphique, Caen ; Le 104, Paris ; Le Point Éphémère, Paris, Le Château de Monthelon ; La Loge, Paris
Avec l’aide à la diffusion de la Ville de Paris et de l’ODIA Normandie

Ce spectacle s’inscrit dans la Saison Prémisses dédiée à la Jeune Création en Salle Christian-Bérard. Le Cercle de l’Athénée et des Bouffes du Nord et sa Fondation abritée à l’Académie des beaux-arts soutiennent la Saison Prémisses 24-25.

Durée : 1h

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
du 3 au 13 avril 2025

5 avril 2025/par Vincent Bouquet
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