Des danseurs qui se meuvent auprès de leurs avatars, une musique « immersive », des projections virtuelles dans un univers fantastique : dans la dernière création de la chorégraphe Blanca Li, le public, coiffé d’un casque de réalité mixte, vit un spectacle hybride inédit.
L’Ombre, ouverture ce vendredi 23 mai du festival ManiFeste à Paris, est une adaptation du conte de Hans Christian Andersen, qui raconte l’histoire d’un savant dont l’ombre prend son indépendance en usurpant son identité. À 16 mètres sous terre, dans l’espace de projection de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam), temple du son, les quelque 200 spectateurs, debout, armés d’un casque de réalité mixte (qui superpose du contenu virtuel à l’environnement réel) sont invités à bouger librement. En périphérie, le long des murs, des échafaudages disposés comme des coursives servent d’espace scénique sur lequel évoluent dix danseurs, accompagnés d’un percussionniste qui mêle ses rythmes live à de la musique électro.
Le public est plongé dans des mondes réalistes, puis fantastiques et futuristes : au milieu des toits d’une ville imaginaire, dans un grenier aux livres géants, au centre de grandes lettres de l’alphabet colorées, sous une pluie de parapluies tombant du ciel, ou sous l’imposante figure d’un homme inquiétant lançant des couteaux… Il y a la fois les couleurs des films d’un Pedro Almódovar, mais aussi le climat oppressant du cinéma expressionniste de Murnau dans cette création de Blanca Li qui a elle-même par le passé collaboré avec de grands noms du cinéma. Les danseurs, dont les avatars ont été intégrés aux images, donnent à voir un subtil jeu de réponses entre virtuel et réel, entre ombre et premiers plans.
« Répartir les sons »
« Ce spectacle est né de mon envie d’utiliser de nouvelles technologies pour raconter l’histoire d’Andersen d’une autre manière », explique la chorégraphe franco-espagnole, qui aime croiser les genres et les cultures et avait proposé, il y a trois ans, un Bal de Paris à 100% en réalité virtuelle. « Et surtout de créer de la danse sous d’autres formes », ajoute celle qui est aussi présidente de la Grande Halle de la Villette à Paris, rencontrée en amont de la première représentation.
L’œuvre est co-signée avec la compositrice Édith Canat de Chizy, qui compte plus de 120 œuvres (symphoniques, vocales, musique de chambre…) et a appris l’électronique au sein de l’Ircam. « Il fallait créer une musique immersive, une ambiance sonore qui prend toute la salle », détaille-t-elle. Pour cela, elle a utilisé des « résonances dans l’électro et dans le live du percussionniste ». Et, bien sûr, « la spatialisation » permise par cette salle, qui offre la possibilité de « répartir les sons » selon que l’on souhaite qu’ils soient « très précis ou qu’ils tournent autour du public ».
Autre envie pour ce spectacle : « que le public soit actif et choisisse à chaque fois ce qu’il veut voir, parce qu’il ne peut pas tout voir, affirme Blanca Li. Il peut mettre le casque ou l’enlever, il peut se déplacer ». Lors de la répétition générale, Adoté Mablé, 69 ans, s’est crue « dans un rêve émerveillé, les yeux ouverts ». Thomas Frachey, 27 ans, a « mis du temps à rentrer dans l’environnement ». « Le casque, c’est nouveau, on ne sait pas trop où donner de la tête », dit-il. Mais il a, au final, vu un spectacle « très original et créatif ».
Karine Perret © Agence France-Presse
L’Ombre
Inspiré par le conte de Hans Christian Andersen
Direction artistique et chorégraphie Blanca Li
Musique originale, commande de l’Ircam-Centre Pompidou Édith Canat de Chizy
Avec les danseurs de la compagnie de Blanca Li
Percussions Arthur Bechet en alternance avec Florent Jodelet
Direction visuelle Vincent Chazal
Projections vidéo Charles Carcopino
Lumières Pascal Laajili
Costumes Laurent Mercier
Réalisation informatique musicale Ircam Victor Bigand, Matéo Fayet, Serge Lemouton
Diffusion sonore Ircam Clément Cerles, Koré Préaud
Production Film Addict – Compagnie Blanca Li
Coproduction France Télévisions, Flash Forward Entertainment (Taïwan), Ircam/Centre Pompidou – Département culture et création
En partenariat avec le C-LAB Taiwan Sound Lab
Avec le soutien de Chanel, de Taicca, du Centre national du cinéma et de l’image animée, et d’AXA, grand mécène de l’Ircam
La compagnie Blanca Li est installée au sein du quartier culturel FAST (Fiminco Art Studios) à Romainville. Opération soutenue par l’État dans le cadre du dispositif « Expérience augmentée du spectacle vivant » de la filière des industries culturelles et créatives (ICC) de France 2030, opérée par la Caisse des Dépôts, projet Continuum.
Durée : 1h
Ircam, Paris, dans le cadre du festival ManiFeste
du 23 mai au 13 juin 2025
Après Paris, cette création partira en tournée à Madrid et Taïwan
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