Jean Genet aurait eu 100 ans le 19 décembre 2010. Un anniversaire bien peu fêté en France. Alors que l’on ne compte plus les mises en scène de Tchekhov cette saison (pour le 150ème anniversaire de sa mort), le poète français ne fait malheureusement plus recette chez les créateurs français. Ils sont peu nombreux à s’emparer de son œuvre. Cédric Gourmelon a mis en scène « Le funambule » cet été, qui devrait être présenté au Paris Vilette en 2010, sinon pas une seule pièce à l’horizon. Heureusement Théâtre Ouvert a proposé une soirée le 6 novembre avec Fernando Arrabal, Pierre Constant, Hélène Martin, Robin Renucci, Frédéric Sonntag. Et l’Odéon s’apprête à fêter dignement Jean Genet avec des colloques, des lectures, et un concert exceptionnel avec Jeanne Moreau et Etienne Daho, une mise en musique du « Condamné à mort » la première œuvre de Jean Genet.
Colloque – « Jean Genet politique, une éthique de l’imposture »
Mardi 23 et mercredi 24 novembre de 10h à 17h
Colloque dirigé par Albert Dichy et Véronique Lane.
Comment aborder une œuvre qui se présente ouvertement sous le signe de l’imposture ? En affichant dès ses premiers livres son «goût profond» pour l’imposture, Jean Genet s’expose aux soupçons – qui n’ont pas manqué d’accompagner la réception de son œuvre – et leur échappe du même coup. Jusqu’au cœur de ses pérégrinations politiques, celui qui n’hésite pas à se considérer comme un «spontané simulateur» use de mille ruses, pour ne jamais se laisser appréhender de face et se soustraire aussi bien au jugement qu’à l’éloge. De cette dérobade infinie du poète, traître, voleur, vagabond, capable d’adopter à une vitesse prodigieuse les postures les plus antagoniques, une véritable éthique se dégage, paradoxalement.
Colloque organisé par l’Odéon-Théâtre de l’Europe et l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine, avec le soutien du McMahon Memorial Fund of Wesleyan University, avec : Hélène Cixous, Michel Corvin, Michel Deguy, Tahar Ben Jelloun, Francis Marmande, Évelyne Grossman, René de Ceccatty, Ginette Michaud, Mairéad Hanrahan, Patrice Bougon, Didier Eribon, Hadrien Laroche et Jean-Loup Rivière.
Colloque organisé par l’Odéon-Théâtre de l’Europe et l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine
Avec le soutien du McMahon Memorial Fund of Wesleyan University
Au salon Roger Blin (entrée libre sur réservation present.compose@theatre-odeon.fr / 01 44 85 40 44)
Lecture – L’atelier de Jean Genet
Mardi 23 novembre à 19h
Lecture par Daniel Mesguich
Soirée d’ouverture du cycle, avec lectures de textes rares inconnus ou inédits de Jean Genet, présentée par Albert Dichy (IMEC).
Jean Genet a cinquante ans lorsqu’il achève la rédaction des Paravents. Peu après, il renonce à toute publication d’oeuvre et entre dans un silence littéraire qui va durer vingt-cinq ans. Son dernier livre, Un Captif amoureux, paraîtra en 1986, un mois après sa mort. Qu’écrit un écrivain lorsqu’il choisit de se taire ? À travers des notes, des esquisses, des lettres, des brouillons extraits des archives Jean Genet à l’IMEC, cette lecture nous introduit pour un soir, avec l’accord exceptionnel de l’ayant droit de l’auteur, dans l’atelier de l’écrivain et dans les archives d’une vie : Genet y parle, comme à lui-même ou à ses proches, de ses amitiés, de ses amours, de ses voyages, des auteurs qu’il lit, des artistes qu’il aime, des mouvements qu’il soutient, mais aussi pêle-mêle de l’Amérique, de la mort, de la prison, du cirque et du théâtre.
Organisé par l’IMEC et l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
En Grande salle (tarifs de 6 à 18€)
« Lettres à Ibis »
Mercredi 24 novembre à 18h
Lecture par Matthieu Dessertine de la correspondance à paraître aux éditions Gallimard. Lettres à Ibis rassemble une vingtaine de lettres inédites datées du milieu des années trente et de la fin des années quarante. Elles sont toutes adressées par Genet à «Ibis», le pseudonyme d’Andrée Pragane, dont les réponses sont perdues.
Cet ensemble, de tout premier ordre, nous renseigne tout autant sur la biographie fort mal documentée du jeune Genet, que sur la naissance de son écriture et de son style. Ibis, à elle seule, est un personnage passionnant. Femme libre, indépendante, future danseuse et écrivain, elle enthousiasme Genet. Elle vient de fonder avec quelques amis un hebdomadaire : Jeunes, qui se dit pacifiste, féministe et anarchiste. Genet y travaille en qualité de démarcheur, nourrissant certainement l’espoir d’y collaborer. Ibis, on l’entrevoit dans ces lettres, a compris le talent de Genet, et l’encourage dans cette voie…
Au salon Roger Blin (tarif unique : 5€)
Colloque – Jean Genet – La censure dans la traduction littéraire
Jeudi 25 novembre de 10h à 17h
Par la fédération internationale des traducteurs (FIT).
avec Neil Bartlett, Patrice Bougon, Albert Dichy, Geir Uvsløkk (en cours)
Il s’agira de se concentrer sur Un captif amoureux dans ses différentes traductions, ainsi que sur d’autres textes et leurs réceptions dans différents pays. La censure telle que l’on peut la repérer dans les oeuvres de Jean Genet, et dans les représentations théâtrales et le défi que cela pose encore aujourd’hui : re-traductions et retour sur les sources.
Au salon Roger Blin (entrée libre sur réservation present.compose@theatre-odeon.fr / 01 44 85 40 44)
Conversation – Jean Genet en Palestine
Jeudi 25 novembre à 18h
Conversation avec Leïla Shahid.
La révolution palestinienne m’aurait donc échappé ? Tout à fait. Je crois l’avoir compris quand Leïla me conseilla d’aller en Cisjordanie. Je refusai car les territoires occupés n’étaient que du drame vécu seconde par seconde par l’occupé et par l’occupant. Leur réalité était l’imbrication fertile en haine et en amour, dans les vies quotidiennes, semblables à la translucidité, silence haché par des mots et des phrases.
Jean Genet, Un captif amoureux, Gallimard, 1986
Au salon Roger Blin (entrée libre sur réservation present.compose@theatre-odeon.fr / 01 44 85 40 44)
Lecture – « Elle » dirigée par Olivier Py
Jeudi 25 novembre à 20h avec Gilbert Beugniot (L’huissier), Frédéric Giroutru (Le photographe), Olivier Py (Le cardinal) … L’Huissier : Et cependant. Elle vient. À pas lents, hésitants, mais Elle vient. Ne vous raidissez pas. Demeurez souple. Ce ne sera pas terrible, vous savez. D’ailleurs Elle est encore très loin. J’ai entendu le bêlement de son agneau familier. Ce qui signifie que sa porte fut ouverte un instant : le temps qu’Elle en sorte.
Le Photographe : Elle a un agneau ? L’Huissier : Pour la légende. C’est le détail qui l’humanise et la rend accessible, présente et, visibles, sa douceur et sa bonté. C’est à partir de lui que nous pouvons rêver et nous emparer d’Elle. Elle, Jean Genet, Théâtre complet, Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, octobre 2002)
En coproduction avec France Culture.
En Grande salle (tarifs de 6 à 18€)
Lettres de théâtre à Roger Blin et à Jean-Louis Barrault par Serge Maggiani
Vendredi 26 novembre à 18h
Lettre à Roger Blin (31 décembre 1965)
Mon cher Roger,
Tous les vivants, ni tous les morts, ni les vivants futurs ne pourront voir Les Paravents. La totalité humaine en sera privée : voilà ce qui ressemble à quelque chose qui serait un absolu. Le monde a vécu sans eux, il vivra pareil. Une nonchalance politique permettra une rencontre aléatoire entre quelques milliers de Parisiens et la pièce. Afin que cet événement – la ou les représentations –, sans troubler l’ordre du monde, impose là une déflagration poétique, agissant sur quelques milliers de Parisiens, je voudrais qu’elle soit si forte et si dense qu’elle illumine par ses prolongements, le monde des morts – des milliards de milliards – et celui des vivants qui viendront (mais c’est moins important).
Je vous dis cela parce que la fête, si limitée dans le temps et l’espace, apparemment destinée à quelques spectateurs, sera d’une telle gravité qu’elle sera aussi destinée aux morts. Personne ne doit être écarté ou privé de la fête : il faut qu’elle soit si belle que les morts aussi la devinent, et qu’ils en rougissent. Si vous réalisez Les Paravents, vous devez aller toujours dans le sens de la fête unique, et très loin en elle. Tout doit être réuni afin de crever ce qui nous sépare des morts. Tout faire pour que nous ayons le sentiment d’avoir travaillé pour eux et d’avoir réussi.
Jean Genet, Théâtre complet, Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, octobre 2002)
Au salon Roger Blin (tarif unique : 5€)
Cinéma
Jean Genet en images
Vendredi 26 novembre à 20h
Projection en avant-première de Jean Genet, le contre exemplaire de Gilles Blanchard. Et en première partie projection de l’unique film de Jean Genet Un chant d’amour. En partenariat avec arte.
En Grande salle (tarif unique 8€)
Atelier de la pensée – Jean Genet et la prison
Samedi 27 novembre à 15h
À partir des écrits de Jean Genet, débat sur le monde carcéral aujourd’hui.
Avec Tayeb Belmihoub, auteur et comédien, a publié Tourisme pénitentiaire aux éditions Mélanges (2009), Cécile Brunet-Ludet, magistrat, chargée de mission à la Direction de l’Administration Pénitentiaire, en charge du dossier « Expression collective des personnes incarcérées », Philippe Combessie, professeur à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense et auteur de Sociologie de la prison paru à La Découverte, collection Repères (2009) et de Prisons des villes et des campagnes. Etude d’écologie sociale paru aux Editions de l’Atelier-Editions Ouvrières, Corinne Héron-Mimouni, agent pénitentiaire, auteur de Matonne ! Mémoires de Fresnes et d’ailleurs paru aux éditions Ramsay (2002) et de Matonne de jeunes paru aux Editions de L’Arbre (2010) et Dominique Lhuilier, professeur au CNAM, auteur de L’univers pénitentiaire-Du côté des surveillants de prisons aux éditions DDB (1997) et de Le travail incarcéré-Vues de prison aux éditions Syllepse (2009).
Modérateur : Bruno Michel.
«Pourquoi j’aimais retourner en prison, je vais essayer de vous donner une explication, qui vaut ce qu’elle vaut, je ne sais pas. J’ai l’impression que vers la trentaine, trente, trente-cinq ans, j’avais, en quelque sorte, épuisé le charme érotique des prisons, des prisons pour hommes, bien sûr, et si j’ai toujours aimé l’ombre, même gosse, je l’ai aimée peut-être pour aller en prison. Je ne veux pas dire que j’ai commis les vols pour aller en prison, bien sûr, je les ai commis pour bouffer. Mais enfin ça me conduisait peut-être intuitivement vers l’ombre, vers la prison.»
Jean Genet, Entretien avec Antoine Bourseiller, Ombre et lumière – L’ennemi déclaré (Gallimard, 1991)
Au salon Roger Blin (entrée libre sur réservation present.compose@theatre-odeon.fr / 01 44 85 40 44)
Lecture – Jean Genet par Christian Olivier et Têtes Raides
Samedi 27 novembre à 20h
lecture musicale par l’auteur et chanteur des Têtes Raides
Avec des extraits de Le funambule, Lettres au petit Franz, Le condamné à mort, Journal du Voleur. Christian Olivier, auteur et interprète au sein des Têtes Raides, fait entendre pour la première fois un choix de textes de Genet, à sa manière puissante et musicale, imposant ici l’évidence d’une rencontre.
Une soirée unique sur le grand plateau de l’Odéon en clôture du cycle consacré à Jean Genet.
En Grande salle (tarifs de 6 à 18€)
Bonjour, un petit mot en passant pour citer l’essai sur Jean Genet (Petite Mystique de Jean Genet, de Jean-Luc A. d’Asciano) paru aux éditions l’œil d’or. Et un lien sur Sitarmag qui en avait parlé lors de sa parution…
Cordialement.
CD (pour l’oeil d’or)
http://www.sitartmag.com/jgenet.htm
http://loeildor.free.fr/publications/petite-mystique-de-jean-genet-jean-luc-andre-d-asciano.html