Lina Prosa présente au Vieux-Colombier à Paris, un triptyque autour des naufragés de Lampedusa. Un travail commencé bien avant la catastrophe d’octobre dernier qui a fait 366 morts. Il s’agit de 3 pièces autour des réfugiés de Lampedusa. Lorsqu’au printemps dernier, Christian Benedetti met en scène Lampedusa Beach au Studio de la Comédie-Française, tous les spectateurs sont saisis pas l’histoire de Shauba, une migrante africaine qui se noie près des côtes de l’île italienne. Quelques mois plus tard c’est l’horreur avec le naufrage de cette embarcation qui fait 366 morts le 3 octobre 2013. Devant le succès remporté par la pièce l’année dernière, Muriel Mayette-Holz, l’Administratrice de la Comédie-Française lui a passé commande de deux autres pièces. Rencontre avec la dramaturge.
On vous connaît en France depuis la mise en scène de Christian Benedetti de Lampedusa Beach. Et voici au Vieux-Colombier le triptyque du naufrage.
La trilogie est née l’année passée. Le public a beaucoup aimé Lampedusa Beach. Et Muriel Mayette m’a demandé d’écrire d’autres textes. La surprise c’est que là je dois les mettre en scène ! J’ai sentie un poids sur mon dos mais j’ai dis oui. Pour moi c’est comme l’aventure d’Ulysse. Je suis sicilienne alors la question du voyage est importante dans mon travail. Le voyage mental, le voyage de l’âme. Le mythe d’Ulysse en Méditerranée c’est la façon de voir la contemporanéité comme un voyage. Nous avons beaucoup de problèmes à surpasser et nous avons besoin du mythe pour aller au delà de la réalité.
Le destin de ces humains qui arrivent à Lampedusa est tragique
Oui c’est tragique. Le 3 octobre 2013 il y a eu cette tragédie avec la mort de 366 réfugiés clandestins. Tout le monde à le droit et le devoir de faire quelques chose. L’écriture est un moyen pour moi de changer la réalité. Dans les trois pièces je donne un nom aux clandestins ce que ne font pas les médias qui parlent toujours de la masse. Il est bon que la littérature puisse leur donner des noms. Car quand nous avons un nom, nous retrouvons de la dignité et nous avons le droit d’être comme les autres.
Et dans ces pièces vous racontez ces destins humains de ces hommes et de ces femmes qui quittent l’Afrique et qui rêvent d’un eldorado
Ils ne connaissent pas leur destin. C’est un grand problème. On ne peut pas savoir si les nouvelles leur arrivent en Afrique et si on leur raconte la vérité sur la difficulté d’arriver jusqu’en Europe et ensuite de trouver du travail. J’ai fait un chois dans mon écriture: c’est à nous de demander l’asile politique. Le monde a construit son histoire sur l »immigration Chacun a le désir d’aller chercher son destin ailleurs. Je suis née en Sicile, c’est une île. Je suis habituée à regarder le monde au delà de la mer. Je dis merci aux clandestins car ils me donnent la possibilité d’interroger ma condition. Qui suis-je ? Où je vais ? Qui est l’autre ?
En octobre, tous les médias ont beaucoup parlé de Lampedusa. Aujourd’hui les caméras sont parties et c’est tout l’intérêt du théâtre de ne pas les oublier.
La culture, l »art et la littérature ont le devoir de prolonger le sentiment et la pensée autour de la tragédie. Mais surtout les écrivains doivent être en avance sur l’histoire grâce à la parole poétique pour avoir une vision de la réalité au delà des préjugés et d’une réalité prisonnière de la politique et du système économique. L’écriture doit être libre.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
Lina Prosa, auteur de théâtre, vit à Palerme où elle dirige le Teatro Studio Attrice /Non, espace de recherche théâtrale dans le cadre du Progetto Amazzone (Mythe – Science – Théâtre), réalisé avec la collaboration d’Anna Barbera.
Son écriture en mouvement traverse les zones d’ombre de la contemporanéité à la recherche d’une poésie de la condition humaine qui dépasse les limites, les frontières et les homogénéisations culturelles. Dans sa dramaturgie c’est la parole qui invente la scène dans laquelle prime parfois le monologue choral, parfois le dialogue.
Ses choix de rencontres se portent sur des acteurs et des metteurs en scène sensibles à la recherche de langages innovants, comme Massimo Verdastro, avec qui elle conduit notamment le projet Cantiere Euripide/Ecuba&Company (Palerme, 2012) et écrit l’épisode final de sa pièce Satyricon una Visione Contemporanea (Nell’anno di grazia post naufragium, représenté au Teatro Il Vascello de Rome, au Piccolo Teatro de Milan, au Teatro Goldoni de Venise). Elle a également collaboré avec Giancarlo Cauteruccio qui a dirigé Filottete e l’infinito Rotondo (Palerme en 2004), texte faisant partie de la collection « Migrazioni » publié en Italie aux éditions della Meridiana.
Depuis quelques années le théâtre français est très attentif à ses textes, traduits par Jean-Paul Manganaro et publiés aux Solitaires Intempestifs. Certains de ses textes ont déjà été mis en scène en France sous des formes variées. Lampedusa Beach a été lu par Marie-Sophie Ferdane au Théâtre du Vieux-Colombier en 2011 et sera mis en scène par Christian Benedetti au Studio-Théâtre en avril 2013). En Italie, ce texte a reçu le prix national Annalisa Scafi pour le théâtre engagé (à Rome en 2005) et le prix national Anima pour le théâtre (à Rome en 2007). Programme Penthésilée / Entrainement pour la bataille finale a été lu par Léonie Simaga au Studio-Théâtre en 2008, et a été mis en espace au Brésil dans la traduction de Laymert Santos par Rejane Reinaldo (à Fortaleza en 2009). Cassandre on the Road a été lu par Valérie Lang à l’Odéon-Théâtre de l’Europe dans le cadre de Face à face / Paroles d’Italie pour les scènes de France en 2009.
Plusieurs de ses textes font l’objet de discussions et de réflexions dans les universités de Pavie, de Barcelone, de Sienne, à la Sorbonne, à l’ESAD, à Paris X-Nanterre, et Lille-III.
Triptyque du naufrage: Lampedusa Snow
31 janvier à 20h – 1er février à 17h – 4 février à 19h.
Lampedusa Snow parle d’un naufrage en montagne, la victime est un homme, Mohamed, peut-être le frère de Shauba – la femme de Lampedusa Beach. Ce texte a été écrit à partir d’un fait divers : il y a trois ans, cent migrants africains ont débarqué à Lampedusa et ont été transférés vers les Alpes à mille huit cents mètres d’altitude, laissés là, dans l’attente de démarches bureaucratiques d’identification. Si Lampedusa Beach requiert une actrice capable de descendre sous l’eau en apnée, Lampedusa Snow est écrit pour un acteur dont le souffle doit lui permettre de résister à une très haute altitude.
Mise en scène Lina Prosa
Avec
Bakary Sangaré
Assistante à la mise en scène : Angela de Lorenzis
Décor et lumières : Yves Bernard
Triptyque du naufrage: Lampedusa Beach
1er février à 15h – 2 février à 20h – 3 février à 19h.
Des sinistres faits divers que la presse nous rapporte des plages de Lampedusa, Lina Prosa tire une pièce bouleversante sur le parcours d’une femme, Shauba. Migrante comme tant d’autres, naufragée comme beaucoup, avalée par la mer, elle s’accroche à quelques centaines de mètres de la plage à sa paire de lunettes de soleil – dernière bouée avant la descente dans les flots. À travers ce monologue traversé d’une fulgurance poétique, l’auteure italienne nous entraîne dans le naufrage de ceux qui rêvent d’accoster une terre d’espérance.
Mise en scène Lina Prosa
Avec
Céline Samie
Assistante à la mise en scène : Angela de Lorenzis
Décor et lumières : Yves Bernard
Triptyque du naufrage: Lampedusa Way
1er février à 19h – 2 février à 18h – 5 février à 20h.
Lina Prosa poursuit son écriture du naufrage avec Lampedusa Way, dernier volet de son triptyque. Cette pièce, en cours d’écriture, est créée dans une mise en scène de l’auteure à l’occasion des Rendez-vous contemporains qui présentent les trois pièces, que vous pouvez découvrir indépendamment ou en intégrale. Cette fois, ce sera un duo. Les parents de Shauba et Mohamed peut-être, partis à la recherche de leurs enfants. Trois textes différents dans une même conscience de l’errance, de l’espoir et de la folie des hommes.
Mise en scène : Lina Prosa
Avec
Cécile Brune : Mahama
Gilles David : Saïd
Assistante à la mise en scène : Angela de Lorenzis
Décor et lumières : Yves Bernard
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