La metteuse en scène suisse réussit son pari : nous faire plonger dans les années 50, le polar et le jazz avec cette adaptation d’une pièce méconnue de Marcel Aymé jouée pour la première fois par les comédiens de la Comédie-Française. On se régale !
Il faut remercier Daniel Pennac d’avoir fait découvrir à Lilo Baur ce polar politico-judiciaire haletant. Nous sommes dans un pays imaginaire (la Poldavie) et le procureur Maillard (Nicolas Lormeau) vient de faire condamner l’innocent Valorin (Laurent Laffite) à la peine de mort. Derrière le côté rocambolesque des situations (Marcel Aymé a écrit une pièce de divertissement) se cachent des thèmes très profonds avec en premier lieu la peine de mort. On imagine assez les débats qui ont du entourer la sortie de la pièce en 1952. C’est aussi une critique subtile des rapports insidieux entre la Justice, l’Etat, et la Mafia. La fin de la pièce met en scène l’excellent Serge Bagdassarian dans le rôle d’un financier véreux (Alessandrovici) qui contrôle toute le pays dans son canapé en cuir. « Dans la politique, dans l’administration, comme dans la presse, il y a plein de fripouilles » dit-il. La société décrite par Marcel Aymé n’a pas trop changé : il y a toujours autant de fripouilles !
Adultère, trahison, mensonges, les rôles féminins sont aussi au cœur de la pièce dans des représentations opposées. Il y a la femme au foyer (Véronique Vella) et la femme volage (Florence Viala) mais toutes les deux sont possédées par le charme dévastateur de Valorin. Un Valorin incarné par Laurent Laffite qui sort ainsi de ses rôles facétieux, il a d’ailleurs un peu de mal à trouver le ton juste.
Lilo Baur opère une savante reconstitution de la société bourgeoise des années 50 en utilisant tous les codes du cinéma noir de ces années là. Les femmes semblent sorties d’un film hollywoodien. Florence Viala (la femme du procureur Bertolier) porte une magnifique perruque blonde et ressemble à Scarlett Johansson dans « Le Dahlia noir » de De Palma. Le côté nanar est totalement assumé, le côté polar aussi avec les nombreuses gifles que se donnent les comédiens et les révolvers pointés les uns sur les autres. Le jazz vient bercer l’espace grâce à une très belle création sonore de Mich Ochowiak (ex-membres de Négresses Vertes). Lilo Baur réussit à nous faire voyager intelligemment dans une époque rêvée.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Tête des autres
Marcel Aymé
mise en scène Lilo Baur
Avec
Véronique Vella, Juliette Maillard
Alain Lenglet, le Procureur Bertolier
Florence Viala, Roberte Bertolier
Serge Bagdassarian, Alessandrovici
Nicolas Lormeau, le Procureur Maillard
Clément Hervieu-Léger, Lambourde
Félicien Juttner, Gorin et Louis Andrieu
Laurent Lafitte, Valorin
et
Laure-Lucile Simon, Renée Andrieu et Luisa
Mich Ochowiak, Dujardin
Scénographie, Oria Puppo
Costumes, Agnès Falque
Lumières, Gwendal Malard
Création sonore, Mich Ochowiak
Maquillages et coiffures, Catherine Bloquère
Assistante mise en scène, Katia Flouest
Pour la première fois à la Comédie-Française
Durée: 1h50
du 8 mars au 17 avril 2013 à 20h
Le Dimanche à 16h
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !