Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
Au long d’un thriller choral crée au Festival d’Avignon, Baptiste Amann s’empare d’une multitude de sujets de société pour faire valoir la singularité des individus derrière les archétypes. Sans y parvenir.
C’est une pièce dans l’air du temps qui évoque les séries télé actuelles. Un récit choral aux intrigues enchevêtrées, ponctué par une multitude d’effets « waouh ! ». Une histoire à sujets de société, d’actualité, polémiques : l’extrême droite, l’immigration, la liberté d’expression, les violences faites aux femmes, le militantisme féministe… Tout y est – à part peut-être le conflit israélo-palestinien. Au départ, il y a la mort d’une femme provoquée par une défenestration, laquelle a été préalablement victime d’une multitude de coups et blessures ; ensuite, il y a le suspect numéro 1 : un jeune homme présent au moment du décès. Immédiatement, le fait divers prend une tournure politique parce que la victime est la fille d’une personnalité politique d’extrême droite et le suspect d’origine étrangère. Pourtant, ces personnages resteront hors champ. Dans Lieux Communs, créé au Festival d’Avignon, Baptiste Amann s’intéresse davantage à l’onde de choc provoquée par ce drame sur les protagonistes. Ce sont un frère, une sœur, une metteuse en scène, un flic, une journaliste.
Toutes et tous se révèleront autres que celles et ceux que l’on imaginait au départ. Parce que la réalité est plus complexe que les archétypes imposés par nos sociétés ultra-polarisées, nous explique l’artiste. Parce qu’il est peut-être possible de dépasser ces antagonismes pour essayer de vivre dans un espace commun où l’on s’écoute à nouveau, où l’on partage les mêmes belles valeurs, où l’on dénonce d’une seule voix le vrai mal qui gangrène le vivre-ensemble : la violence patriarcale. En gros.
Sur scène, les acteurs évoluent autour d’une grande structure noire et symétrique, qui servira de loge, de coulisses, d’atelier, de salle d’interrogatoire. Baptiste Amann, reconnaissons-le, parvient à mettre en mouvement ses personnages, donnant une impression de fluidité toute cinématographique – laquelle nous évoque le LACRIMA de Caroline Guiela Nguyen découvert cette même année au Festival d’Avignon. Et puis, il sait nous divertir. Et puis, les acteurs ne sont pas mauvais, loin de là. Et puis, la musique noisy de Léon Blomme est vraiment chouette. Et puis, certaines scènes visant à se moquer de la figure de l’intello pédant sont quand même assez drôles. Et pourtant…
Et pourtant, comme pour son précédent spectacle, Salle des fêtes, nous restons imperméables à ce théâtre. Lequel a beau cocher toutes les cases. Parce que ces sujets sociétaux passent avant l’histoire, les archétypes – bien que renversés – avant les personnages, le genre – thriller télé – avant la singularité. Comme si l’ensemble avait été généré par une intelligence artificielle. Ainsi formulé, le constat est cruel. Parions que Baptiste Amann ne s’est pas encore trouvé. Parions qu’il y parviendra.
Igor Hansen-Løve – sceneweb.fr
Lieux Communs
Texte et mise en scène Baptiste Amann
Avec Océane Caïraty, Alexandra Castellon, Charlotte Issaly, Sidney Ali Mehelleb, Caroline Menon-Bertheux, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Pascal Sangla
Scénographie et lumière Florent Jacob
Son Léon Blomme
Costumes Estelle Couturier-Chatellain, Marine Peyraud
Collaboration artistique Amélie Énon
Assistanat à la mise en scène Balthazar Monge, Max Unbekandt
Traduction pour le surtitrage Elizabeth Hewes (anglais)
Construction des décors Ateliers de la Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national
Régie générale Philippe Couturier
Régie plateau François Duguest
Régie lumière Clarisse Bernez-Cambot Labarta
Régie son Léon BlommeProduction L’Annexe
Coproduction La Comédie de Béthune Centre dramatique national, Théâtre public de Montreuil Centre dramatique national, La Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national, Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, Le Zef Scène nationale de Marseille, Théâtre + Cinéma Scène nationale Grand Narbonne, Le Parvis Scène nationale Tarbes-Pyrénées, Festival d’Avignon, Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine, Le Méta Centre dramatique national de Poitiers Nouvelle-Aquitaine
Avec le soutien du Fonds d’insertion de l’éstba financé par la Région Nouvelle-Aquitaine, Ministère de la Culture Drac Nouvelle-Aquitaine et pour la 78e édition du Festival d’Avignon : Spedidam, Institut français du Royaume-Uni / Cross-Channel Theatre pour la traduction en anglais.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National (Paris)Baptiste Amann est associé à la Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France, au Méta CDN de Poitiers Nouvelle-Aquitaine ainsi qu’au Théâtre public de Montreuil, Centre dramatique national (2022-2025). Il est également artiste compagnon du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
L’Annexe est conventionnée par le ministère de la Culture Drac Nouvelle-Aquitaine, subventionnée par la Ville de Bordeaux, le Département de la Gironde et la Région Nouvelle-Aquitaine.Lieux Communs de Baptiste Amann est publié aux éditions Actes Sud.
Durée : 2h30
Festival d’Avignon 2024
L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène
du 4 au 10 juillet (sauf le 77), à 11hThéâtre Public de Montreuil, Centre dramatique national
du 24 septembre au 10 octobreLe Zef, Scène nationale de Marseille
les 16 et 17 octobreLa Comédie de Béthune, Centre dramatique national
du 27 au 29 novembreThéâtre national de Bordeaux en Aquitaine
du 5 au 8 févrierThéâtre de l’Union, Centre dramatique national du Limousin, Limoges
les 13 et 14 févrierLa Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national
du 18 au 21 février
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