À partir d’un album photo retraçant la vie d’une Allemande née en 1933, Benoît Faivre et Tommy Laszlo créent un bel objet théâtral hybride. Entre road movie et enquête historique. Entre documentaire et fiction.
Au célèbre marché aux puces de la place du Jeu de Balle à Bruxelles comme dans tout vide grenier, les souvenirs s’exposent en plein jour. Ils se marchandent avant d’entamer une nouvelle vie. En s’y promenant en septembre 2015, Tommy Laszlo est attiré par l’un d’eux : un album à la couverture rouge et à la reliure dorée. Il l’ouvre, y croise le regard d’une petite fille, tourne quelques pages et le repose. Il s’éloigne de quelques pas, puis il revient à l’objet. Quelque chose l’a frappé. L’élégance de la mise en page sans doute, et la beauté des dessins qui accompagnent les photographies.
Racontée par l’artiste lui-même au début de Vies de papier, cette genèse du spectacle renseigne d’emblée sur le statut de l’objet pour la Compagnie La Bande Passante, fondée en 2007 par Benoît Faivre : détourné de ses fonctions initiales, il devient la base d’une réflexion sur les liens entre passé et présent. Le point de départ d’une passionnante enquête théâtrale à la croisée des disciplines. Tandis qu’ils construisent et filment en direct un journal de bord de leur aventure, des projections donnent à voir les méthodes employées par les deux complices pour décoller photos et cartes postales et élaborer des hypothèses de départ.
Archéologues d’eux-mêmes, Tommy Laszlo et Benoît Faivre placent ainsi leur confrontation avec la matière au centre de leur travail. Tout en accordant une place importante au récit et en s’inspirant des codes du roman policier pour ménager un suspens autour de l’identité de la femme qui les occupe, dont on apprend qu’elle se prénomme Christa, qu’elle est née en 1933 en Allemagne et s’est mariée en Belgique. Sur la place du Jeu de Balle, on ne brade pas seulement la petite histoire mais aussi la grande. La terrible.
Pour suivre les traces de leur inconnue, les deux hommes se rendent en Allemagne puis en Belgique. Des voyages mis en scène de la même manière que les premières étapes de l’enquête, avec un subtil mélange de légèreté et de gravité dont ne se départissent pas les artistes lorsqu’ils en viennent à aborder leur histoire personnelle. Tout en déroulant leur road movie, Tommy Laszlo et Benoît Faivre en éclaircissent en effet peu à peu les motivations d’abord mystérieuses de leurs démarches. À savoir les origines hongroises et allemandes de leurs grand-mères respectives, et les secrets familiaux liés à ce passé.
Humble bien qu’hybride, la forme choisie accompagne avec une poésie concrète les nombreux questionnements éthiques, historiques et artistiques formulés tout au long de Vies de papier. Manipulation de photos, théâtre traditionnel de papier, vidéos et théâtre ne s’opposent jamais. Au contraire, ils convergent d’une manière harmonieuse qui suggère la possibilité de refermer les blessures de l’Histoire.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Vies de papier
Direction artistique : Benoit Faivre, Tommy Laszlo
Interprétation : Benoit Faivre, Tommy Laszlo
Écriture et réalisation : Benoit Faivre, Kathleen Fortin, Pauline Jardel et Tommy Laszlo
Regard extérieur : Kathleen Fortin
Prises de vues : Pauline Jardel
Création musicale : Gabriel Fabing
Lumière : Marie Jeanne Assayag-Lion
Costumes : Daniel Trento
Régie et petite construction : Marie Jeanne Assayag-Lion, David Gallaire, Thierry Mathieu et Daniel Trento
Construction décor : La Boîte à Sel
Coproduction : Théâtre Gérard Philipe – SC de Frouard (54) ; MarionNEttes – festival international de Neuchâtel en Suisse ; CCAM – SN de Vandoeuvre (54) ; La Méridienne – SC pour les écritures croisées de Lunéville (54) ; Espace Jéliote – SC de l’art de la marionnette d’Oloron Sainte-Marie (64) ; Le Carreau – SN de Forbach (57) ; Mil Tamm – projet culturel du pays de Pontivy (56) ; le CREAM – Dives-sur-Mer (14) ; Moselle Arts Vivants (57) ; Ville de Bruxelles – Nuit Blanche ; Ville de Metz – services patrimoine, Archives, médiathèques (57) ; Metz Métropole – Musée de la Cour d’Or (57)
Soutiens : Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette (Paris 5e ) ; l’Arc – SN du Creusot (71) ; Espace Jéliote – SC art de la marionnette d’Oloron Sainte-Marie (64) ; Festival Perspectives, Sarrebruck (Allemagne) ; Théâtre Massalia – Marseille (13)
Aides : Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Grand Est (aide à la production dramatique) et DRAC Grand Est / Agence culturelle d’Alsace (aide à la résidence). Le texte est lauréat de la Commission nationale d’aide à la création des textes dramatiques – ARTCENA Remerciements : Ville de Metz (57).
Durée • 1h20
Off 2019
11 Gilgamesh
5 – 26 JUILLET À 15H10
Relâches les 10, 17 et 24
Salle 1
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