Avec Les secrets d’un gainage efficace, le jeune collectif part à l’assaut des tabous liés au corps féminin. Une performance aussi culottée que salvatrice.
Lorsqu’il est question d’égalité femme-homme, les sujets d’inégalité salariale, de répartition des tâches quotidiennes, qu’elles soient parentales ou ménagères, et de comportement dans l’espace public reviennent régulièrement sur la table. Souvent, la question du corps féminin, et des multiples tabous qui lui collent à la peau, est traitée en creux, mais jamais aussi directement que dans Les secrets d’un gainage efficace, livrés avec un certain culot par Les Filles de Simone.
Partant du constat que, comme le proclame une banderole installée en fond de scène, « la honte qui encombre notre intime est le reflet intérieur du mépris », les jeunes femmes ne reculent devant aucune audace pour libérer la parole. Prêtes à écrire un livre, elles ont constitué un groupe de travail, le groupe « Corps, » pour convoquer leurs histoires et partager leurs expériences. Dans un mélange d’autofiction, de références à des ouvrages historiques ou sociologiques, mais aussi d’articles glanés sur Internet ou dans la presse féminine, elles se lancent dans une liste à la Prévert, construite au plateau, qui ridiculise les préjugés, déconstruit les complexes, et analyse les malaises causés par les normes sociales et éducatives, décidément peu féministes.
Émergent alors, pêle-mêle, cette cellulite sur laquelle on ne complexait pas avant que les canons de beauté ne la pointent du doigt, ces règles présentées comme une « période d’impureté » par certains religieux, ce clitoris dont le fonctionnement, détaillé par le docteur Hélène O’Connell en 1998, a été éclipsé par la Coupe du Monde de football, ou encore ces intellectuels comme Freud ou Sartre avec une vision pour le moins phallocrate de l’appareil génital féminin. Adossés à un cours magistral sur l’hymen et à quelques discussions, piquantes, sur l’épilation intégrale, ces différents fragments forment un patchwork cruel, une cartographie presque intégrale du mal-être que certaines femmes peuvent développer par rapport à leur corps, aux arcanes trop souvent cachés, bien que superficiellement exposés dans certaines publicités.
Loin d’être cosmétique, le projet, sous ses airs de ne pas y toucher tant il évite les écueils moralisateurs ou castrateurs, prend un tout autre relief lorsque Les Filles de Simone le relie à des troubles plus profonds, comme l’anorexie ou la boulimie, qui peuvent ravager l’existence de certaines adolescentes. Avec le ton juste, et une bonne dose de sourires, voire d’auto-dérision, elles mènent un théâtre de combat, à la fois intime et collectif, personnel et universel, dans lequel les femmes se reconnaîtront à coup sûr, tandis que les hommes pourront prendre, ou reprendre, conscience de cette forme de domination masculine qui n’est jamais aussi clairement révélée que lorsqu’elle est frontalement exprimée.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Les Secrets d’un gainage efficace
Création collective Les Filles de Simone
avec Tiphaine Gentilleau, Cécile Guérin, Claire Méchin, Chloé Olivères, et Géraldine Roguez
Texte, Tiphaine Gentilleau et Les Filles de Simone
Direction d’actrices, Claire Fretel
Scénographie et costumes, Sarah Dupont
Lumières, Mathieu Courtaillier
Musique, Etienne Széchényi
Chansons, Claire Méchin
Regard chorégraphique, Jeanne Alechinsky
Production Les Filles de Simone ; Coproduction Ville de Champigny-sur-Marne ; Espace Germinal, Fosses
En partenariat avec Théâtre Paris-Villette ; Théâtre Gérard-Philipe, Champigny-sur-Marne ; La Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée, Noisiel ; Théâtre du Fil de l’eau, Pantin ; L’Agora, Scène Nationale d’Évry et de l’Essonne ; Les Théâtrales Charles Dullin ; Théâtre du Rond-Point, Paris ; Le Reflet, Vevey – Suisse ; Théâtre de Jouy-le-Moutier ; Ferme de Bel Ebat, Guyancourt ; MA Scène nationale – Pays de Montbéliard
Avec le soutien d’Arcadi-Ile-de-France, l’Adami, l’Aide à la création de la DRAC Ile-de-France-Ministère de la Culture et du département du Val de Marne
Le texte est édité chez Actes Sud-Papiers.Durée : 1h30
Théâtre 13/Glacière
du 29 mars au 8 avril 2022
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