Baisser le chauffage, réduire l’éclairage, changer les usages: les trois coups ont sonné pour la sobriété énergétique dans les salles de spectacle afin de diminuer de 10% la consommation, selon la consigne du gouvernement.
Du Zénith à l’Opéra de Paris, presque toutes les salles ont déjà changé, ou sont en passe de changer leurs ampoules classiques au LED. L’Opéra Comique et le Théâtre des Champs-Elysées vont accélérer le remplacement de leurs projecteurs scéniques halogènes, très énergivores, par des projecteurs LED. L’affaire est un peu plus complexe côté cinéma: la nouvelle génération de projecteurs, équipée d’une lumière laser qui consomme 4 à 7 fois moins d’électricité, a un prix prohibitif (40.000 euros environ par projecteur, pour un parc de 6.200). Le geste basique d’éteindre les lumières va par ailleurs être renforcé.
Dans la majorité des salles, dont les six théâtres parisiens de Jean-Marc Dumontet, des consignes ont été données pour inciter les salariés à des gestes vertueux. Les salles appliqueront la consigne du gouvernement d’abaisser la température à 19 degrés dans les bureaux et les espaces publics. « On a décidé de couper les lumières, y compris l’éclairage général dès minuit et chaque fois qu’il n’y a pas d’activité » explique à l’AFP Thibaud de Camas, directeur général adjoint de la Philharmonie. Dans de grands espaces comme la salle Pierre Boulez (2.400 places) à la Philharmonie de Paris, il nuance toutefois que la température n’est pas homogène, « avec 19 degrés au parterre et un peu plus au dernier balcon, car la chaleur monte ». La Philharmonie passera peut-être en majorité à de l’air recyclé pour diminuer l’apport d’air neuf, plus énergivore. Celui-ci avait été augmenté…durant la période Covid pour éviter les contaminations. En revanche, pas de baisse de la facture: depuis le printemps, c’est une hausse de 40% à la Philharmonie (400.000 euros de dépenses en plus sur 2022).
Autres exceptions: « Dans les studios de répétition des danseurs, par exemple, il peut être nécessaire d’assurer une température adaptée à la nature de leur activité, soit supérieure à 21 degrés », affirme Martin Ajdari, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris. Avec ses deux salles (le Palais Garnier et l’Opéra Bastille, soit 185.000 m2), l’Opéra consomme « de l’électricité telle une ville de 8.000 habitants », selon lui. La consommation a déjà été réduite de 15% de 2010 à 2020. Des détecteurs « Smart Impulse » qui surveillent les consommations d’énergie ont été installés à Garnier et en ce moment à Bastille.
Au Théâtre de Chaillot, une rénovation thermique a déjà été menée dans la Salle Gémier ces dernières années; avec les travaux de la Salle Jean Vilar qui commenceront en janvier (jusqu’en 2025) afin de moderniser les équipements, libérer des espaces et changer des centrales d’air vétustes, « il y aura un gain énergétique de plus 55% », selon Réda Soufi, l’administrateur général.
A terme, plusieurs salles espèrent investir dans d’autres projets pour réduire encore davantage la consommation. Ainsi à l’Opéra se pose la question des « passoires thermiques », à l’instar de la façade vitrée de l’Opéra Bastille, conçue dans les années 1980, ses toitures ou encore les fenêtres mal isolées du Palais Garnier qui nécessiteront un traitement spécifique puisqu’il s’agit d’un monument classé. « La facture d’énergie a plus que doublé, toutes nos charges augmentent avec l’inflation, notre public n’est pas encore revenu dans sa totalité, donc il y a un effet ciseaux difficile qu’il va falloir maîtriser tout en étant responsable », selon Martin Ajdari.
A la Comédie-Française, et notamment dans ses ateliers de décors à Sarcelles, des subventions avaient été obtenues pour isoler les bâtiments, mais d’autres seront nécessaires pour installer des panneaux solaires et surtout, pour la rénovation énergétique de la salle historique de Richelieu qui coûterait plusieurs millions d’euros (isolation des fenêtres, des toitures, etc.).
Rana Moussaoui – AFP
On reste tout de même étonné que le fait d’éteindre une lumière qui ne sert pas relève de l’exploit vertueux et citoyen aujourd’hui alors qu’il s’agit d’un geste d’une banalité et d’une normalité minimale depuis la crise énergétique des années 70. Quelle régression en 50 ans! Depuis que je travaille dans le spectacle, j’ai toujours reçu et appliqué les consignes évidentes d’économie d’énergie. C’est aussi basique et vital que de respirer.