Pendant cette période électorale, le Collectif artistique de la Comédie de Valence propose quatre tribunes rassemblant des discours politiques, des poèmes, des chansons. La première s’est déroulée le 18 novembre 2011 sur le thème « La paix a ses chances ». Samedi 28 janvier 2012 à 20h au Théâtre de la Ville, les artistes de la Comédie de Valence (Norah Krief, Eric Massé accompagnés de Pio Marmaï et Frédéric Fresson au piano) proposent une tribune autour du rêve. La tribune du 10 mars sera consacrée à la Culture et celle du 31 mars à la Femme. Rencontre avec Richard Brunel, le directeur de la Comédie de Valence.
Quel est le principe de ces tribunes ?
C’est de faire réentendre des grands discours du 20ème siècle dans une année électorale. C’est important de replacer certains discours dans leur contexte et de regarder comment aujourd’hui il peuvent avoir des échos. On a donc défini quatre soirées avec le collectif autour de quatre thématiques : le paix/la guerre, l’utopie/le rêve, l’art/la culture, la femme/la parité.
Dans quels discours allez vous piocher ?
Je peux vous parler de ce qui a été fait. Dans la tribune 1 on a utilisé le discours des trois Prix Nobel de la Paix attribué à trois femmes ( ), mais également des discours de Jaurès ou de Rabbin. Ce sont des hommes et des femmes qui ont eu une parole dynamique qui a mis en mouvement la société. Et notre défi est faire entendre ces discours en tant que parole. Comment par l’émotion peut-on obtenir le mouvement de celui qui l’écoute ? C’est la question du théâtre et de l’acteur : comment mettre en mouvement la pensée ?
Comment se déroule la préparation ?
On passe quelques jours à choisir les textes, puis une semaine avec les artistes à travailler le spectacle. Et comme il n’y a pas que des discours, mais aussi des chansons – qui quelque fois sont plus politiques que certains discours – il y a des invités surprises.
La prochaine tribune sera consacrée au rêve, justement est-ce que les candidats à la Présidentielle vous font rêver ?
(rires, puis silence) Vous voyez le silence est éloquent ! Je ne sais pas s’ils me font rêver, je vais les inciter ! Une des questions fondamentales du scrutin c’est le lien social. Quelle est la place de la culture et de l’art dans la société, quelle est la place du langage et de l’éducation ? C’est notre travail au quotidien dans une maison comme la notre. Je veux que les projets circulent à la Comédie de Valence que les gens soient ensemble et voient des projets différents. Cela crée du débat. On a pour cela développer beaucoup de projets en itinérance à Valence et dans la Région.
Vaclav Havel sera l’un des auteurs au cœur de la tribune du 28 janvier. Est-ce que l’on a besoin de politiques comme lui aujourd’hui pour élever notre pensée ?
Sa disparition brutale nous a amené à relire des textes que j’avais mis de côté. Notamment un très beau texte sur l’attente. Il parle de la manière dont la patience et la détermination sont nécessaires. Vaclav Havel est d’abord pour moi un artiste. Je l’ai pratiqué comme auteur de théâtre. On va aussi poser des questions dans cette tribune en utilisant les questions les plus vivantes du questionnaire de Proust. Quel rêve de bonheur on peut faire ? Dans quel pays voudrions nous vivre ? Et on va y répondre par des discours et des chansons, et donner aussi la possibilité au public de répondre en amont sur une petite feuille, pour que cette soirée soit un dialogue énigmatique et solidaire.
Ce sont des questions que vous pourriez poser également aux candidats !
Exactement. Vous ne donnez une idée. A l’issue de cette tribune on va peut être les interpeller ! Il y a des questions très concrètes sur la dimension économique. Les politiques disent que la culture coute cher. Mais ce n’est pas grand-chose dans le budget global de l’Etat. Quand Martine Aubry avait proposé d’augmenter le budget, on avait regardé les conséquences on se rend compte que cela représente 0,02% du budget global de l’Etat. Les artistes ont une conscience de notre responsabilité. On tire notre légitimité du public. Ce n’est pas juste de dire qu’il y a un échec de la démocratisation culturelle. Vilar dit tout public est l’artisan de son théâtre. Et je pense vraiment que l’on peut donner au public les moyens de s’approprier le théâtre.
Il a dit aussi : la société à le théâtre qu’elle mérite !
Exactement. On a aussi le Président que l’on mérite ! Le théâtre est vraiment un lieu de débat, d’exigence. C’est le lieu du conflit solidaire. On peut ne pas être d’accord, l’exprimer avec force et avec diversité.
Et si on rêvait que la culture soit au centre de la campagne ? C’est de l’utopie, non ?
Oui l’utopie c’est ce qui n’a pas de lieu. Il y a des enjeux plus importants aux yeux des politiques. Mais par la culture on peut tisser du lien et sortir de nos solitudes, de nos manières étriquées de penser. Il y a quelque chose qui relève de la solidarité dans la culture. Il ne s’agit pas de faire une rêve « cucu » à la Walt Disney. Il s’agit de formuler des désirs pour essayer de changer. Faire un rêve, c’est plus réaliste que de formuler une utopie.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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