« Chaque jour, depuis le 14 janvier 2015, je danse comme on manifeste, pour œuvrer à une poésie vivante, déplacer les lignes, faire basculer le plan ou osciller la norme, danser la vie qui passe et qui vibre dans les interstices du quotidien. Je procède simplement, sans montage, avec les moyens du bord, dans les états et les lieux dans lesquels je me trouve, sans technique, ni mise en scène, ni vêtement ou maquillage particulier, rien d’autre que ce qui est là, et je poste la danse en ligne le jour-même. Les danses ont lieu à l’intérieur ou à l’extérieur, dans des espaces publics ou privés. Dans la circonstance ce n’est pas tant la danse en elle-même qui est importante, mais la relation qu’elle permet, ce qui se crée, ce qui est mis en jeu : une circulation entre les cases, les catégories, les corps.
Ce projet performatif est un acte de résistance poétique.
Chaque jour, tout recommence à zéro.
Danser chaque jour, une minute et quelque. Danser le quotidien, les environnements, les matériaux, les circonstances, parfois l’évènement. Parfois seulement.
Danser quelles que soient l’humeur ou la forme, danser par toutes les météos du corps. Se contenter de peu. Avoir certains jours la surprise de présents du présent, la joie indescriptible et simple d’un agencement inattendu. Danser chaque jour, même ceux où l’on ne veut pas d’image, où l’on voudrait être invisible, danser, y aller. Rencontrer le monde immédiat. Manifester. Œuvrer tant bien que mal pour une poésie des interstices. Danser seule ou avec d’autres. Connecter, être vivant dans la matière. Être en mouvement. Ne pas céder à la tentation de faire, de chercher le spectaculaire. L’accueillir s’il s’invite, mais sinon : faire, défaire, décadrer, sentir, ressentir, vivre. Déplacer les lignes, faire basculer le plan, faire osciller la norme. Agir. Danser l’instant, l’éternité d’une seconde, le temps qui passe ou qui file. Chaque jour, tout recommencer à zéro, comme s’il n’y avait jamais eu aucune danse ; tout est à refaire, le corps, la danse ; tout est à danser, à redanser, pour une minute et quelque. Chaque nouvelle danse est comme la première, une page vide, de l’espace, de l’inconnu.
Danser la vie qui passe et qui vibre dans les intervalles entre les images brillantes qui prétendent nous tenir lieu de monde. »
Nadia Vadori-Gauthier
Mémoires partagées des 3000 derniers jours
Chaillot – Théâtre national de la danse
Sam 25 mars 2023 à 19h30
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