Les jeunes pousses militantes de la Maison Maria Casarès
La Maison Maria Casarès, Centre culturel de rencontre dédié au théâtre en Charente limousine, mène tambour battant sa neuvième saison estivale. Toujours entre création, répertoire et jeune public.
Au pied de la terrasse entourant le logis où Maria Casarès vécut pendant 35 ans, cinq jeunes silhouettes se dessinent dans le jour qui tombe. Les murs, que l’immense comédienne et actrice a légués à la commune d’Alloue à sa mort, viennent d’achever d’être restaurés au printemps. La silhouette placée au centre de la terrasse décline son identité. Nom ? Principal. Prénom ? Personnage. Personnage Principal nous est décrit comme un jeune homme moyen, banal en tout point. Étudiant, il est évidemment concerné par la cause écologique, ne mange pas de viande, ne prend plus l’avion. Alors, quand on lui demande s’il veut participer à une action de désobéissance civile, il fonce : il faut bien aligner ses actes avec ses idées. Ce qu’il n’avait pas anticipé, c’est le coup de téléphone qu’il reçoit et qui lui annonce qu’il est convoqué pour être formé comme chef d’équipe dans une action d’envergure au retentissement national. Les choses s’emballent et débute alors une plongée savoureuse dans les rouages d’une organisation militante. Un peu perdu, ne se sentant pas du tout légitime dans les responsabilités que son nouveau statut implique, Personnage Principal est ballotté de réunion en briefing, sans bien comprendre ni les noms de code ni les outils de communication ni les enjeux exacts de ce qui se trame. Un délicieux ballet de personnages nous fait rencontrer des coordinatrices débordées, des teams leaders surentraînés, des militants dubitatifs, des responsables de pôle un peu lunaires. Le jour J, Personnage Principal s’élance à la tête de son équipe et, finalement, ce seront 2 000 militants qui occuperont simultanément les bâtiments de Total, d’EDF, de la Société Générale et du ministère de la Transition écologique du centre de La Défense afin de dénoncer « la République des pollueurs ».
Défini par son auteur et son jeune metteur en scène Grégoire Vauquois comme une « fiction-documentaire », le texte a été lu pour la première fois en 2019, puis publié aux éditions Tapuscrit – Théâtre Ouvert trois ans plus tard. Le spectacle a ensuite bénéficié du dispositif Jeunes Pousses de la Maison Maria Casarès, qui a accompagné pendant deux ans sa création, avant de le présenter dans sa neuvième saison estivale. C’est une pièce politique, bien entendu, et qui se définit comme telle, mais qui évite l’écueil du moralisme en se fondant sur une description très factuelle de l’organisation d’une action de désobéissance civile. Dans le même temps, elle contourne le piège du manichéisme en jouant avec habileté des nuances et contradictions qui animent les milieux militants : rendre compte de la joie du collectif tout en rappelant la fatigue et les désillusions, rendre hommage aux rouages puissants de la lutte non violente, mais ne pas oublier d’aborder les loupés et les couacs, évoquer les expulsions manu militari par la police, mais aussi les temps d’échanges presque amicaux entre les militants et les forces de l’ordre. Une proposition intelligemment menée et portée par de jeunes interprètes prometteurs.
La programmation de la Maison Maria Casarès est complétée par la nouvelle création de la compagnie du Veilleur, co-dirigée par Matthieu Roy et Johanna Silberstein, également à la direction du lieu. Après avoir mis en scène Prodiges de Mariette Navarro en 2020, Matthieu Roy se penche sur le dernier roman de l’autrice, Palais de verre, paru chez Quidam Éditeur en 2024. Aux prises avec les absurdités de son milieu professionnel, Claire « ne fait plus corps » avec ce qui l’entoure. Dans une tentative d’échappée, elle va, malgré elle, créer un petit séisme dans l’équilibre huilé de la grande institution, jamais nommée, dans laquelle elle évolue. Très resserrée par rapport au texte d’origine, la proposition effleure plus qu’elle ne plonge dans la complexité du personnage, ses paradoxes, ses contradictions, sa profondeur, et donc sa quête d’indépendance.
La journée est également agrémentée d’un spectacle jeune public : le désormais célèbre Prélude en bleu majeur de la compagnie poitevine Choc Trio, qui compte à son actif plus de 400 dates dans le monde entier. Monsieur Maurice est un clown très fatigué, enfermé dans un monde en noir et blanc mécanisé, semblable à une usine dans laquelle il s’évertue à remplir et à fermer des cartons. Une rencontre inopinée va l’inviter à ajouter un peu de couleur à son quotidien et, bientôt, c’est tout l’univers de Kandinsky, maître de l’art abstrait au XXe siècle, qui va éclabousser ses murs ternes. Au coeur d’un dispositif vidéo ingénieux, les allers-retours entre l’écriture clownesque subtile de Claude Cordier, l’univers sonore d’une grande précision de Gilles Bordonneau et la mise en scène tendre et poétique de Priscille Eysman nous plongent dans un univers sensoriel délicat et puissant. Entre répertoire de la compagnie du Veilleur, jeunes créations co-produites par le lieu et des succès garantis avec des pièces qui tournent depuis longtemps, la Maison Maria Casarès confirme ici la pertinence de sa formule et son implantation, qui n’est plus à prouver, sur le territoire comme auprès de la scène contemporaine théâtrale.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Prélude en bleu majeur
Texte, scénographie et interprétation Claude Cordier
Mise en scène et écriture Priscille Eysman
Création vidéo Christoph Guillermet
Musique et création son Gilles Bordonneau
Lumière Dominique Grignon
Mise en jeu et en cosmos Valery Rybakov
Regard chorégraphique Karine Maïna Brigeon
Costumes Coline DalleProduction Compagnie Choc Trio
Coproduction La Maison, Scène conventionnée Art en territoire en préfiguration de Nevers ; L’Alizé de Guipavas ; MPT d’Aiffres
Soutiens financiers Bourse à l’écriture musicale et soutien à deux résidences de l’OARA ; Département de la Vienne ; Département des Landes ; SPEDIDAM et avec l’apport d’IPCA (Insertion Poitou-Charentes Active).
Résidences Maison des Arts de Brioux sur Boutonne ; Maison Maria Casarès d’Alloue ; La Margelle de Civray ; Espace Agapit de St Maixent L’Ecole ; La Cascade, Pôle national Cirque de Bourg St Andréol ; La Maison Scène Conventionnée Art en territoire en préfiguration de Nevers ; CRABB de Biscarrosse ; La Passerelle de Fleury les Aubrais ; Centre des Arts de MeudonDurée : 55 minutes
Maison Maria Casarès, Alloue, dans le cadre du Festival d’Été 2025
du 26 juillet au 16 août 2025, à 16h30
Palais de verre
d’après le roman de Mariette Navarro (Quidam Éditeur)
Mise en scène Matthieu Roy
Avec Lara Boric, Savério Moreau, Johanna Silberstein
Lumières Manuel Desfeux
Costumes Charlotte Le GalProduction Veilleur®
Soutien Fonds d’Insertion de l’École Supérieure d’Art Dramatique de ParisVeilleur® est conventionné par le Ministère de la Culture (DRAC Nouvelle-Aquitaine) et subventionné par la région Nouvelle-Aquitaine et la ville de Poitiers.
Durée : 1h
Maison Maria Casarès, Alloue, dans le cadre du Festival d’Été 2025
du 26 juillet au 16 août 2025, à 18h30Scène Maria Casarès, Poitiers
du 21 février au 22 mars 2026
Timlideur, une histoire de militantisme
Texte et mise en scène Grégoire Vauquois
Avec Tristan Allam, Lucile Chikitou, Grégoire Vauquois, Claire-Lyse Larsonneur, Arthur Quelven
Collaboration artistique Lucile Chikitou
Scénographie Rachel Testard
Musique et création sonore Nicolas de Gélis
Création lumière Thibaut WojtkowskiProduction Compagnie Candolle
Coproduction La Maison Maria Casarès dans le cadre du dispositif Jeunes Pousses
Soutiens Théâtre Ouvert, Centre national des dramaturgies contemporaines ; ENSATT, École national supérieure des arts et techniques du théâtre ; Fondation Entrée en scène ; La Canopée / CC Val de CharenteDurée : 1h15
Maison Maria Casarès, Alloue, dans le cadre du Festival d’Été 2025
du 26 juillet au 16 août 2025, à 20h
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