Il y a un an Françoise Héritier nous quittait. Cette grande dame de l’anthropologie sociale et du féminisme laisse le témoignage d’une femme de son temps et nous invite à lutter contre ce qu’elle nomme « l’effacement du féminin ». Grâce à son insoumission, « cette petite fille bien sage et serviable » a su dépasser la pression familiale et sociale pour tracer la route qu’elle s’était choisie jusqu’à devenir professeure au Collège de France.
Si les femmes aujourd’hui investissent le devant de la scène dans différents domaines, beaucoup de chemin reste à parcourir. Des voix s’élèvent, parmi lesquelles celles de nombreux hommes, pour dire qu’il est temps de sortir du modèle patriarcal et machiste, et de laisser le féminin s’exprimer pour une société plus solidaire, plus juste, plus apaisée et peut-être plus créative…
Cette 41e édition fait donc la part belle aux femmes, qu’elles soient interprètes ou chorégraphes. Elles sont engagées comme Lia Rodrigues qui travaille au coeur des favelas au Brésil, Manon Avram qui s’appuie sur des ateliers menés avec de jeunes migrantes, Ligia Lewis qui livre une pièce d’amour et de colère. Issue de la jeune génération, Mercedes Dassy densifie le débat de l’émancipation des femmes, Tatiana Julien explore la notion du soulèvement, Nach exprime l’énergie et la puissance du Krump, tandis qu’Oona Doherty, performeuse hors pair, s’attaque aux stéréotypes de la jeunesse masculine irlandaise.
Il est aussi question de douceur avec la création de Mélanie Perrier, hommage discret à la psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle* ; ici, le mystère de la relation à l’autre ouvre un imaginaire en douceur, là, la danse sans artifice de la chorégraphe Meytal Blanaru dessine un paysage des souvenirs. On aime aussi la grande délicatesse de la proposition de Paul/a Pi qui questionne avec beaucoup de pudeur la représentation du masculin et du féminin.
Les hommes s’impliquent eux aussi dans cette quête d’équilibre entre masculin et féminin. Naïf Production, artistes associés au CDCN, donne à voir un groupe d’hommes solitaires, une petite communauté orpheline de la moitié d’elle-même. José Montalvo avec Carmen(s) porte sur scène l’archétype de la liberté féminine. Enfin, la présence époustouflante
de la danseuse Courtney Mey Roberston dans la pièce de Jan Martens met à mal le cliché de la fragilité féminine, tout comme les dix footballeuses que le chorégraphe Mickaël Phelippeau invite sur scène pour une proposition généreuse et sensible en clôture de cette édition.
Isabelle Martin-Bridot
Directrice
Les Hivernales 2019
Du 7 au 16 février 2020
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