Gérard Desarthe signe avec Les estivants de Gorki sa première mise en scène à Comédie-Française. Les rôles féminins sont parfaitement bien mis en valeur mais l’écriture scénique nous a paru trop lente.
Une image arrêtée: tous les personnages sont sur le plateau. Gérard Desarthe et Jean Badin ont choisi de travailler sur la base de la version scénique fragmentée de Peter Stein et Botho Strauss présentée en 1976 par la Schaubühne à Nanterre. Les deux gardiens de la datcha errent parmi les personnages dans une forêt de bouleaux dont les écorces sont des visages. Le sol est rosé et se fond dans le ciel bleuté au lointain. On navigue de petits groupes en petits groupes. Les personnages racontent leurs histoires et le spectateur est libre de se faire sa propre mise en scène et de picorer dans cette galerie de portraits au sein de cette micro société russe du début du 20ème siècle composée de médecins, d’écrivains, de révolutionnaires, de petits bourgeois qui nous livrent leurs réflexions sur la société et le monde.
Mais toute la première partie du spectacle est d’un calme assourdissant propre à plonger le spectateur dans une profonde léthargie. La pièce de Gorki est bavarde on le sait et l’ensemble manque de nervosité. On est très loin de la version remuante d’Eric Lacascade qui mettait bien en valeur l’esprit révolutionnaire de Gorki. On a eu beaucoup de mal à se passionner pour la vie de ces russes. Dans cette forêt si calme, certains mots prononcés dans la bouche de ces bourgeois tirés à quatre épingles résonnent cependant comme des couperets. Mais l’apparente tension qui est censée se dégager du texte s’évapore dans le ciel bleuté de la toile de fond.
Au deuxième acte la belle scène de la déclaration d’amour entre Maria Lwovna (Clotilde De Bayser) et Vlas (Loïc Corbery) donne de l’âme et de l’émotion sur le plateau. Les deux comédiens sont attendrissants dans cette nuit constellée d’étoiles filantes et de traînées de comètes. Puis dans l’acte du pique-nique, l’alcool aidant le groupe bascule. Les vérités commencent à se faire jour. Le groupe explose. On le sent, mais pas totalement encore dans la mise en scène, encore sage. Les mots de Gorki sonnent justes. On ne retire rien à sa vision du monde lorsque les deux gardiens lancent en ramassant les restes pique-nique: « Ils vont transformer notre terre en tas d’ordure ! »
Les femmes vont prendre le contrôle dans le dernier acte. La fin du spectacle est plus nerveuse. La vision machiste de la société saute aux yeux. Les femmes s’émancipent et quittent la scène et la salle. Et globalement ce sont les rôles féminins qui sauvent la fin de la pièce.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les Estivants de Gorki
Martine Chevallier: Olga Alexéevna – femme de Doudakov
Michel Favory: Doudakov, Cyrille Akimovitch – médecin
Thierry Hancisse: Souslov, Piotr Ivanovitch – ingénieur
Anne Kessler: Calérie – sœur de Bassov
Sylvia Bergé: Warwara Mikhaïlovna – femme de Bassov
Bruno Raffaelli: Doublepoint, Semione Semionovitch – l’oncle de Souslov
Christian Blanc: Poustobaïka – gardien
Alexandre Pavloff: Rioumine, Pavel Sergueïevitch
Céline Samie: Youlia Filippovna – femme de Souslov
Clotilde de Bayser: Maria Lwovna -doctoresse
Loïc Corbery: Tchernov, Vlas – frèrede Warwara
Hervé Pierre: Bassov, Serguei Vassilievitch – avocat
Samuel Labarthe: Chalimov, Yakov Petrovitch – écrivain
Pierre Hancisse: Zamyslov, Nicolas Petrovitch – adjoint de Bassov
Mise en scène : Gérard Desarthe
Assistant à la mise en scène : Jacques Connort
Dramaturge : Jean Badin
Scénographie : Lucio Fanti
Assistante du scénographe : Clémence Kazémi
Costumes : Delphine Brouard
Lumières : Michel Beuchat
Réalisation sonore : Jean-Luc RistordDurée: 2h55 avec entracte
Comédie-Française
Salle Richelieu
Du 7 février 2015 au 25 mai 2015
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