Le célèbre film de Jacques Demy mis en musique par Michel Legrand, Les Demoiselles de Rochefort, est transposé sur la scène du Lido, à Paris. Tout en fidélité au format large et fastueux d’un univers enchanteur pop acidulé, le spectacle déploie des charmes aux airs follement grisants et gais.
Une bulle de bonheur contagieux et conjurant la morosité sans pour autant donner dans la facilité, c’est toute la force et tout le charme de la proposition filmique de Jacques Demy dans Les Demoiselles de Rochefort. C’est aussi ce qui continue de faire le succès irrésistible du film presque 50 ans après sa sortie. Ce film, dans lequel se déploie un enchevêtrement de trames narratives faussement simples et innocentes, mais dont la veine est vraiment romantique, souvent drôle, un peu triste, follement gaie, met en scène de savoureux jeux de l’amour et du hasard au moyen de quiproquos quasi vaudevillesques et d’imprévus chassés-croisés. L’action a beau se passer dans une ville de garnison, l’allégresse demeure. Alors, après le noir et blanc de Lola ou de La Baie des anges, et le mélo opératique des Parapluies de Cherbourg, les couleurs explosent. À cela s’ajoute la séduisante combinaison du jeu, du chant, de la musique et de la danse propre au genre de la comédie musicale américaine qui a beaucoup inspiré le réalisateur. Les ballets du film ont subi l’influence de chorégraphes tels que Busby Berkeley ou Gene Kelly.
L’entrain, la vitalité et l’ardent désir sont aussi bien les atouts du film que ceux du spectacle présenté sur la scène du Lido. Fidèle à l’œuvre originale, la proposition scénique joue autant la carte du clin d’œil et de la citation qu’elle tente de se livrer à une certaine réinvention du matériau. C’est typiquement le cas des costumes que signe Alexis Mabille, et notamment des robes jaune et rose des deux jeunes femmes. Une scénographie spectaculaire permet d’astucieux changements de décor, agrémentés de projections vidéos, pour faire passer sans temps morts dans les nombreux lieux de l’intrigue. Le chic appartement où vivent la blonde Delphine et la rousse Solange tourne sur lui-même, tandis que monte des sous-sols le café Garnier où l’habitué Maxence s’adonne à la rêverie amoureuse. Apparaît aussi la boutique du marchand de musique, Monsieur Dame, où se trouvera opportunément l’ami américain Andy Miller. Enfin, la centrale place Colbert, où s’affairent les forains, les marins, les soldats et les badauds, autant de figures à travers lesquelles Demy célèbre le nomadisme et l’évasion, n’est autre que, dans cette adaptation, la scène de music-hall elle-même. C’est devant un magnifique rideau lamé que s’installera la kermesse au cours de laquelle les demoiselles remplaceront les danseuses du « grand chabavanais » pour faire leur numéro à la volée. À la faveur de cette excitante mise en abyme, qui dévoile l’envers des coulisses et la magie de la scène, s’offre aux yeux un étourdissant ballet pailleté.
La partition musicale qui se réclame autant du répertoire symphonique que de l’univers du jazz et du swing, les nombreuses trouvailles de la mise en scène de Gilles Rico et le jeu bien enlevé, sans mièvrerie, des comédiens enthousiasment. Mais ce sont surtout les parties chorégraphiées et les fiévreux numéros de claquettes qui portent et survoltent l’ensemble. Les interprètes exaltent de dynamisme et de fraîcheur, même les rôles plus secondaires, comme celui de Boubou, le petit frère devenu grand adolescent, qui enchaîne les acrobaties. Bien sûr, les deux héroïnes abreuvées d’art – l’une enseigne la danse, l’autre compose au piano – et de rêves – monter à la capitale – sont en totale adéquation avec leurs rôles, spirituelles et sophistiquées, capables de donner de la voix et de se trémousser. À notre tour, on ressort de la salle avec une folle envie de chanter et de danser.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Demoiselles de Rochefort
d’après le film de Jacques Demy
Musique originale Michel Legrand
Mise en scène Gilles Rico
Avec Juliette Tacchino, Maïlys Arbaoui, Marine Chagnon, Sophia Stern, Valérie Gabail, David Marino, Paul Amrani, Arnaud Léonard, Victor Bourigault, Valentin Eyme, Aaron Colston, Lara Pegliasco, Aurélia Ayayi, Agathe Prunel, Alain Dion, Daniel Smith, Guillemette Buffet, Arcangelo Ciulla, Grégory Garell, Marine Villet, Georgia Clements, Bradley Perret, Clara Jackson, Tommy Wade-Smith
Orchestre du Théâtre du Lido
Scénographie Bruno de Lavenère
Chorégraphie Joanna Goodwin
Direction musicale Patrice Peyriéras
Costumes Alexis Mabille
Création lumières Tim Mitchell
Son Unisson Design
Vidéo Étienne Guiol
Assistant vidéo Thomas Ocampo
Metteur en scène associé résident Sébastien Duvernois
Assistante à la mise en scène Emma Bazin
Assistantes à la scénographie Margaux Maeght, Irène Vignaud
Directeur musical associé Benjamin Pras
Assistante costumes Marion Moinet
Chorégraphe associé Robbie McMillan
Associée lumières Sarah BrownDurée : 2h30 (entracte compris)
Théâtre du Lido, Paris
à partir du 2 octobre 2025
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