Aux Plateaux Sauvages, Damien Rondo dirige un trio entre musique et théâtre pour donner à entendre les voix de Françoise Hardy.
Le 11 juin dernier, la chanteuse Françoise Hardy est morte à l’âge de 80 ans. Celle qui fut l’une des icônes des yéyés, et dont certains succès ont fait – et font encore – danser des personnes de tous âges, est au cœur du spectacle imaginé par Damien Rondo. Le jeune homme, qui travaille notamment comme chef décorateur et directeur artistique – sur des clips comme des longs métrages –, signe ici sa première création théâtrale, nourrie – dixit le dossier de presse – des échanges qu’il a pu avoir avec l’artiste entre 2018 et 2024. Pour autant, le spectacle aurait pu tout aussi bien se fonder sur les matériaux disponibles au tout-venant, des livres sur (et par) l’artiste aux nécrologies fort nourries, la proposition ne dessinant guère un portrait en profondeur.
C’est plutôt une esquisse nimbée de nostalgie, et d’une position hagiographique qui ne dit pas son nom, qu’offre Le temps de l’amour – la création ne faisant jamais mention de certaines positions réactionnaires (ou de droite décomplexée, selon la formule que l’on préfère) de Françoise Hardy. Un portrait, en tous les cas, musical et, du titre du spectacle jusqu’au final, l’ensemble est baigné de certaines des compositions parmi les plus célèbres de l’artiste. Pour porter cette proposition, Damien Rondo réunit trois artistes au plateau. Outre l’autrice, compositrice et interprète Armelle Pioline – qui signe la création musicale et livre une interprétation sensible et maîtrisée –, les deux jeunes comédiens Céleste Brunnquell et Benjamin Siksou – qui chantent également certains morceaux – incarnent Françoise Hardy et son ami de jeunesse.
C’est sur une scène occupée à jardin par Armelle Pioline et ses instruments – clavier et guitares –, au centre par un fauteuil et un tabouret au design digne des sixties, et à cour par une table de cuisine, deux chaises et une table basse tulipe, que l’homme arrive. Ce vieil ami, qui n’a pas revu Françoise Hardy depuis soixante ans, lui rend visite chez elle. Des motivations de ce visiteur, nous ne saurons rien ; de celles de Françoise Hardy, nous ne saurons rien non plus. Ce postulat fictionnel est l’occasion pour le duo, à travers leurs retrouvailles, d’évoquer les positions de l’interprète et compositrice, de dessiner par petites touches un portrait entre suavité et rugosité. La douceur est dans le dispositif, dans la création lumières comme musicale, ainsi que dans la façon dont les paroles sont énoncées. L’âpreté est chez l’artiste, dans ses positions tranchées, parfois raides, voire atrabilaires : la laideur des gens à Londres, la vulgarité des gens à New York… Il se joue ici un écart perpétuel entre l’interprétation que donne Céleste Brunnquell – qui reproduit Françoise Hardy jeune, avec cette diction si particulière, à sa façon très « nouvelle vague », entre langueur et désinvolture – et la dureté de ses positions, qui s’est renforcée avec l’âge. La direction d’acteurs venant, ici, temporiser les positions tranchées.
Cette femme misanthrope aimant peu sortir et au rythme de vie très réglé – auquel elle ne saurait déroger –, l’ancien ami l’interroge inlassablement. Et tout comme il va, assis dans le fauteuil, passer en revue ses vinyles – nous donnant à voir par les couvertures à son effigie les multiples transformations physiques au cours de sa carrière –, les sujets sont égrenés. Les films qu’ils aiment ou pas, son arrêt de la scène en 1968, ses complexes physiques et intellectuels, sa passion pour l’astrologie… Le résultat est un drôle d’objet un peu flottant et à l’atmosphère compassée, balançant entre saillies de l’artiste et musiques mélancoliques, tentative de construire une sorte d’échappée fictionnelle et représentation mimétique de la chanteuse telle qu’elle était dans sa jeunesse, lecture – les comédiens avaient le texte en main lors de la première – et théâtre. Reste, pour les inconditionnels de Françoise Hardy, comme pour les autres, la possibilité de (ré)entendre ses paroles et musiques.
caroline châtelet – www.sceneweb.fr
Le temps de l’amour
Texte et mise en scène Damien Rondo
Création musicale Armelle Pioline
Mise en espace Damien Rondo, Nicolas Goletto
Avec Céleste Brunnquell, Armelle Pioline, Benjamin Siksou
Création sonore et lumière Johan Droit
Collaboration artistique Compagnie 2052 / Mélanie LerayProduction Compagnie 2052 / Transversal
Coproduction Communauté d’Agglomération Mont Saint Michel – Normandie
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux SauvagesLa Compagnie 2052 est conventionnée par le Ministère de la Culture – DRAC Bretagne.
Durée : 55 minutes
Les Plateaux Sauvages, Paris
du 3 au 8 octobre 2024
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