A l’Opéra de Paris, le chorégraphe Pierre Lacotte fait du monument littéraire de Stendhal un ballet fastueux aux moyens pléthoriques.
Lorsqu’il paraît en 1830, Le Rouge et le Noir choque une large partie de la critique tant il ne ressemble à rien d’encore existant. C’est peut dire que cette œuvre majeure de la modernité littéraire à la postérité immense ne bousculera en rien le public d’aujourd’hui venu découvrir au Palais Garnier sa transcription dansée tant celle-ci se réclame du plus grand classicisme. Pour autant, le spectateur y trouvera ce qu’il est venu chercher : l’éblouissement que suscite un ouvrage de fort belle facture, raffinée, majestueuse, imaginé et réalisé par Pierre Lacotte qui, à 89 ans et après cinq années de travail acharné, en signe à la fois le livret, la chorégraphie, le choix des musiques, les décors, réalisés à partir de gravures d’époque reproduites sur toiles peintes en noir et blanc, de même que les costumes, à l’inverse très colorés. Pas moins de seize tableaux cossus – et autant de baissers de rideau – s’enchaînent (non sans heurter la fluidité de l’ensemble) et forment une sorte de géant album illustré.
Dans Le Rouge et le Noir, Pierre Lacotte s’est primordialement intéressé aux caractères des personnages Stendhaliens, et bien-sûr à celui de Julien Sorel, un héros ambigu, d’une grande complexité tant ses motivations et ses passions sont difficiles à cerner. Fils d’un charpentier, le héros ne peut se résoudre à sa condition modeste et à une existence qu’il voit trop limitée. Il veut quitter la scierie et connaît une ascension sociale irrésistiblement rapide mais dangereuse à Paris notamment grâce à l’intermédiaire des femmes qu’il séduit.
Florian Magnenet, danseur providentiel de la production après avoir remplacé au pied levé Mathieu Ganio blessé lors de la première, interprète Sorel avec beaucoup de finesse et de délicatesse. Il joue à fond la carte du héros romantique plein de mélancolie et de sensualité. Moins jeune loup dévorateur et calculateur qu’adolescent rêveur, il se présente comme un véritable bourreau des cœurs devant qui tous se pâment : la Madame de Rénal si noble et agile d’Amandine Albisson comme Mathilde de la Mole campée par Léonore Baulac avec une ingénuité fantasque. Elisa, la servante que défend Naïs Duboscq avec tempérament est elle aussi amourachée, comme enfin le très protecteur Abbé Chélan d’Audric Bezard.
A la trajectoire des protagonistes de l’intrigue s’adjoignent de perpétuels mouvements de foule au cours desquels toute la variété de la société est convoquée : des paysans aux bourgeois aux aristocrates. Le pavé des rues comme le velours des salons s’animent et s’illuminent. La danse ne s’attarde pas sur le peu de vertu de l’élite décrite avec beaucoup plus d’accents satiriques dans le roman, le haut clergé comme les séminaristes d’extraction populaire particulièrement visés par l’anticléricalisme du romancier paraissent ici comme d’étranges chauve-souris maléfiques dans leurs soutanes virevoltantes.
Le grand spectacle de Pierre Lacotte se fait assurément débordant, non dépourvu de longueurs ni de lourdeurs, il à la fois très théâtralisé et empreint d’un académisme assumé. Néanmoins, cette version ballet du Rouge et le Noir se laisse agréablement regarder tant elle est le travail d’un passionné complet.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le Rouge et le Noir
Ballet en trois actesMusique :
Jules MassenetLivret :
Pierre Lacotte – d’après le roman de StendhalChorégraphie :
Pierre LacotteDirection musicale :
Jonathan DarlingtonArrangements et adaptation musicale :
Benoît Menut
Éditions ArtchipelCostumes :
Pierre LacotteDécors :
Pierre LacotteCollaboration à la réalisation des décors :
Jean-Luc SimoniniAssistant aux costumes :
Xavier RonzeLumières :
Madjid HakimiLes Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra
Orchestre de l’Opéra national de ParisAvec le soutien exceptionnel de Aline Foriel-Destezet
Le Rouge et le Noir fait l’objet d’une captation réalisée par Julien Condemine, coproduite par l’Opéra national de Paris et Telmondis, avec la participation de France Télévisions, le soutien du CNC et de la Fondation Orange, mécène des retransmissions audiovisuelles de l’Opéra national de Paris. Ce spectacle sera retransmis en direct le 21 octobre avec le concours de Fra cinéma, dans les cinémas UGC, dans le cadre de leur saison Viva l’Opéra ! et dans des cinémas indépendants en France et en Europe, et sera proposé en différé dans le monde entier. Ce spectacle sera diffusé en direct sur Culture box le 21 octobre et ultérieurement sur une chaîne de France Télévisions.
Distribution
Julien Sorel :
Mathieu Ganio,
Mathias Heymann,
Germain Louvet,
Hugo MarchandMadame de Rënal :
Amandine Albisson,
Hannah O’Neill,
Dorothée Gilbert,
Ludmila PaglieroMathilde de la Môle :
Léonore Baulac,
Myriam Ould-Braham,
Bianca ScudamoreElisa :
Valentine Colasante,
Naïs Duboscq,
Roxane StojanovMonsieur de Rënal :
Stéphane Bullion,
Francesco Mura,
Marc MoreauL’Abbé Chélan :
Audric Bezard
Yannick Bittencourt
Florian MagnenetL’Abbé Castanede :
Pablo Legasa
Thomas Docquir
Antonio ConfortiLa Maréchale de Fervaques :
Héloïse Bourdon
Eve Grinsztajn
Naïs Duboscq
Camille BonLa Marquise de la Môle :
Émilie Cozette
Camille de BellefonLe Comte Altamira :
Yannick Bittencourt
Cyril MitilianLe Marquis de Croisenois :
Yann Chailloux
Mathieu ContatMadame Derville :
Anémone Arnaud
Ninon RauxPalais Garnier – du 15 octobre au 04 novembre 2021
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