Rituel pour une métamorphose, est la première pièce écrite en langue arabe à entrer au répertoire de la Comédie-Française. Elle est l’œuvre du syrien Saadallah Wannous, décédé en 1997. Une pièce audacieuse qui nous transporte dans le Damas de la fin du 19ème siècle. Une histoire prenante mais proposée dans une mise en scène bien sage.
L’entrée de Saadallah Wannous au répertoire de la Comédie-Française est un évènement. La pièce a été créée au Théâtre du Gymnase dans le cadre de Marseille-Provence 2013 – capitale de la culture avant de poursuivre sa carrière dans la salle Richelieu. En France on connaît peu son œuvre. Cet hiver le metteur en scène franco-syrien Fida Mohissen avait adapté une autre pièce Le Livre de Damas et des Prophéties au Théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine. Wannous a beaucoup compté dans le monde arabe. Mais Rituel pour une métamorphose n’a jamais été montée en Syrie. Et l’on comprend pourquoi. Dans cette pièce, il bouscule des tabous : la sexualité, la religion et le pouvoir.
Les jeux de pouvoir sont au centre de Rituel pour une métamorphose. Le Mufti (Thierry Hancisse parfait dans le rôle), symbole de l’ordre religieux, règne en maitre sur la ville et impose sa loi aux policiers, aux politiques et à l’armée. Ce Mufti tend des pièges successifs, tout d’abord au prévôt des marchands, Abdallah (Denis Podalydès) surpris en flagrant délit avec la courtisane Warda, puis au chef de la police (Laurent Natrella) qui se fera torturé par ses collègues. Ce Mufti est amoureux de Mou’mina (Julie Sicard), la femme du prévôt, autre personnage central de pièce. Mou’mina est une femme moderne qui déjoue la domination des hommes en choisissant de devenir courtisane. Elle est le symbole des mouvements d’émancipation de la femme dans le monde arabe. Dans la pièce il est aussi question d’homosexualité avec l’histoire d’amour entre Afsah (Näzim Boudjenah) et Abbas (Eliott Jenicot) et la présence du travesti Soumsom (Louis Arène) qui tapine dans les souks.
On est transporté par cette histoire et par tous ces personnages attachants et par l’écriture et la poésie de Wannous (dans une belle traduction moderne de Rania Samara). On a plus de réserve sur la mise en scène du koweïtien Sulayman Al-Bassam, un peu trop sage par rapport à l’écriture corrosive de Wannous. La scénographie évolue vers la fin du spectacle. Le décor – une maison damascène – se craquelle pour laisser place à un plateau nu, éclairé par quelques rayons lumineux. La folie s’empare alors des personnages. La dernière image, la mort de Mou’mina exécutée par son frère, est très forte. Saadallah Wannous a écrit une pièce émouvante, nécessaire et toujours d’actualité.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
RITUEL POUR UNE MÉTAMORPHOSE
SAADALLAH WANNOUS – SULAYMAN AL-BASSAM
texte Saadallah Wannous
mise en scène et version scénique Sulayman Al-Bassam
traduction et collaboration à la version scénique Rania Samara
avec La troupe de la Comédie-Française
Thierry Hancisse, Sylvia Bergé, Denis Podalydès, Laurent Natrella, Julie Sicard, Hervé Pierre,
Bakary Sangaré, Nâzim Boudjenah, Elliot Jenicot, Marion Malenfant, Louis Arene
production Comédie-Française coréalisation Théâtre du Gymnase [Marseille]
avec Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture.
La pièce est publiée aux éditions Actes Sindbad / Sud-Papiers.
DU LUNDI 29 AVRIL AU MARDI 7 MAI À 20h30
relâches le mercredi 1er mai et le dimanche 5 mai
à la Comédie-Française, Salle Richelieu, du 18 mai au 11 juillet 2013
Je souhaite préciser que cette pièce est également à lire, elle est publiée aux éditions Sindbad / Actes Sud-Papiers.