Le Ministère de la Culture vient d’annoncer par communiqué qu’il relançait la consultation pour le poste de la direction à la tête du Théâtre National Populaire, Centre Dramatique National de Villeurbanne actuellement dirigé par Christian Schiaretti. « Au regard du très faible nombre de candidatures féminines reçues, l’Etat et les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de proposer une pré-sélection équilibrée en termes de parité. » Selon non informations, 19 candidatures ont été reçues, dont beaucoup de directeurs qui ont déjà occupé un poste de direction de CDN, et effectivement très peu de femmes.
Franck Riester, ministre de la Culture, en plein accord avec Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne, Myriam Picot, vice-présidente à la culture de la Métropole de Lyon et Florence Verney-Carron, vice-présidente à la culture de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a dont décidé de proroger jusqu’au 17 février le délai pendant lequel des artistes peuvent faire part de leur candidature à la direction du TNP.
Le Ministère explique dans son communiqué que « ce déséquilibre ne reflète pas la création d’aujourd’hui dans la diversité de ses talents, et qu’un tel recrutement doit nécessairement inclure l’examen de candidatures féminines au même titre que masculines (…) afin de favoriser une plus grande représentativité des candidatures reçues. »
Dans un communiqué publié le 5 février, le Syndeac explique avoir « pris note avec satisfaction de la décision ministérielle de prolonger l’appel à candidature pour le recrutement du directeur ou de la directrice du Théâtre National Populaire de Villeurbanne. La difficulté à constituer une liste courte paritaire est par ailleurs révélatrice des dysfonctionnements que le Syndeac a pointés dans sa contribution sur l’égalité entre les hommes et les femmes dans le secteur de la culture et de la création artistique. Il attire l’attention du Ministre sur la nécessité de définir en amont le nombre de candidats qui seront retenus dans le cadre de cette liste, élément qui devrait figurer dans l’appel à candidature. Il demande également à ce que les candidatures féminines qui seront encouragées par cette décision, soient mieux accompagnées dans leur parcours professionnel ; cette logique doit prévaloir également dans d’autres circonstances, pour les candidat.e.s qu’ils soient homme ou femme. »
De son côté Robin Renucci, président de l’Association des CDN explique dans un communiqué que « cette prorogation est un geste
symboliquement fort qui met en avant le souci premier de la démocratie. Cette décision n’amoindrit en rien la valeur des premières candidatures reçues pour la direction d’un des Centres dramatiques nationaux les plus emblématiques de notre pays, mais elle met en évidence le chemin qu’il reste à parcourir pour que celles et ceux qui s’en sentiraient a priori exclu.e.s puissent se permettre d’envisager, en toute légitimité, une candidature à la direction de ces maisons. Quel qu’en soit le résultat, nous souhaitons que cette décision ouvre, au présent et à l’avenir, une transformation de fond des fonctionnements du milieu du spectacle vivant, et plus largement des secteurs artistiques et culturels, à tous les niveaux, et une prise en compte réelle et concrète des parcours et talents de toutes et tous au sein de ces secteurs et au-delà.«
En matière artistique, la parité est un principe encore plus discutable qu’ailleurs comme division cardinale de l’humanité (Il y a aussi, non moins opérantes, les divisions blancs/noirs, hétéros/homos, handicapés ou non, chrétiens/musulmans, etc etc).
Par exemple, du point de vue paritaire, je suis un homme. Or je suis homosexuel. C’est à dire que mon rapport aux femmes n’est pas socialement de même nature que celui d’un homme hétérosexuel. Le point de vue paritaire est caduc.
Les artistes n’ont pas de sexe et Mmes de Lafayette et de Sevigné ont autant de gloire et de talent que Molière, quoi qu’il dît, et malgré qu’il les eût attaquées si vicieusement et férocement dans ses pièces (Précieuses ridicules, Femmes savantes…).
Il me paraît, concernant le vivier d’artistes capables de diriger le TNP qu’affirmer le principe de parité relève de la discrimination, positive si on veut, mais discrimination quand même.
L’histoire du théâtre français des 30 dernières années est ainsi constituée et on ne saurait inventer des personnalités artistiques qui n’existent pas.
On observera de surcroît que certaines nominations volontaristes récentes ont conduit à des choix de directrices remis en question parfois par les intéressées elles-mêmes (Malis, Backès, Brook..). N’est pas Ariane Mnouchkine, Ellen Stewart (La Mama) ou Lynne Meadow (Manhattan Theatre Club) qui veut.
Et dans le privé, il y eut de grandes directrices qui étaient des actrices ayant souhaité prendre ces responsabilités (Marie Bell, Helena Bossis, Myriam de Colombi, Marguerite Gourgue, Marie France Mignal, etc), la chose se faisant tout naturellement, sans intervention politique.
La vigilance sur les combats de la parité serait à mon sens mieux exercée ailleurs. Ainsi la récente mise au rebut par la société des comédiens français de notre plus grande tragédienne, Martine Chevallier (sans parler de l’éviction de l’admirable Cécile Brune) me semble une injustice très brutale, très criante.
« on ne saurait inventer des personnalités artistiques qui n’existent pas. » …ou comment faire des femmes les premières responsables de leur absence des « hautes » fonctions du champ théâtral…Argument hasardeux qui convoque Madame de Lafayette et Madame de Sévigné… Est-il besoin de rappeler que l’une fit publier ses œuvres sans nom d’auteur, et que l’autre était loin d’avoir l’intention que ses lettres entrent en littérature ? Ou non, peut-être qu’il vaut mieux croire que les femmes ont pu, de tous temps, développer leurs potentialités à égalité avec les hommes, parce que, bah oui suis-je bête, le génie est si fort qu’il transcende tous les contextes politiques, sociaux et culturels !
Votre argument tient sans doute pour le XVIIème siècle (moins pour les siècles précédents, si ma mémoire est bonne), mais aujourd’hui ? dans le monde du spectacle vivant, depuis, pour prendre la version basse, deux ou trois dizaines d’années, voyez-vous un fait objectif, un acte concerté qui vise à empêcher les femmes de « développer leurs potentialités à égalité avec les hommes » ? Les exemples que donne JM Besset sur les directrices de théâtre privé (et encore, en élargissant au temps passé on pourrait facilement allonger la liste, Simone Berriau – qui a été une directrice pleine de témérité -, Yvonne Printemps, Sarah Bernhardt, dans un autre registre Hélène Martini…) montrent il me semble qu’un peu de nuances ne nuit pas. Et dans le public, pour rester à Paris, pourquoi oublie-t’on Josyane Horville, Nicole Gautier, Catherine Anne, Muriel Mayette ?
Cher Hubert,
Oh, vous savez, les théories du complot, ce n’est pas trop mon truc ! Si vous voulez, il est probable qu’il y ait autres chose dans la vie que les « fait(s) objectif(s) » ou les « acte(s) concerté(s) ». Malheureusement, ce serait beaucoup trop long, et ce n’est pas le lieu, alors, je vous renvoie vers quelques ouvrages qui, peut-être, vous éclaireront sur la condition féminine occidentale.
– Le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir, Gallimard, 1949
– Une chambre à soi, Virginia Woolf, 1929
– Sexe, genre et sexualités, Elsa Dorlin, PUF, 2008
– Beauté fatale, Mona Chollet, La découverte, 2012
Je vous renvoie également vers ce site : http://www.mouvement-hf.org/
Voilà, et après…après… j’imagine que vous m’expliquerez encore que je vois le mal partout, que ce n’est pas bien, qu’il ne faut ni oublier Sarah ni Rachel (aaaah, sa sublime Hermione du 4 septembre 1838, c’était beau ça Hubert, non ?).
Bien à vous
Que Mme de Lafayette ait choisi de publier ses romans anonymement n’avait rien à voir avec sa condition de femme ! Mais plutôt avec sa condition de grande dame (malseant pour une comtesse de rechercher la faveur du public). Comme résumait Molière: « Si l’on peut pardonner l’essort d’un mauvais livre, ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre. Croyez moi résistez à ces tentations, dérobez au public ces occupations… » (Misanthrope). Il y avait en outre plusieurs raisons annexes. Ne pas mécontenter Mme Royale, alliée avec la famille de Nemours… ni une parente de Mme de Longueville, qui détestait son ami (et correcteur) La Rochefoucauld, etc…
Vous avez raison, mon argument ne tient pas face au vôtre. Je vois bien comme ils sont absolument contradictoires. C’est vrai quoi, être une femme qui appartient à la plus haute aristocratie n’a rien à voir avec la condition féminine. Mais rien, rien, rien. Mea culpa.
Bien cordialement.