18e édition du Festival de Marseille. Que dit-elle ? La même chose que Kafka… Dans un monde déshumanisé, suffoqué de bruits inutiles et de superficialité, elle se fait l’écho de cette vérité dissonante qu’osent encore les artistes. En posant clairement en première ligne, la plus exposée, l’art, l’engagement, la pensée, l’humain.
Antonin Artaud nommait les artistes les ≪ athlètes du cœur ≫. C’est dire l’endurance et la générosité des hommes et des œuvres qui tracent une ligne de vie et d’union entre l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord, l’Afrique du Sud. Au moment même ou Marseille est sacrée Capitale européenne de la culture, c’est un symbole, un espoir.
Près de 4 semaines de Festival, 6 créations, 7 coproductions et premières en France, une en Europe, rappellent notre engagement. ≪ Si nous sommes rassemblés, ce n’est pas pour qu’on nous représente quelque chose pour la énième fois, mais pour nous laver par le rire, nous faire renaitre par les larmes, nous permettre de reprendre souffle, nous refaire esprit ≫, ainsi que l’écrivait Valère Novarina. Aristote est tout proche : ≪ Toute pensée est vie. ≫
C’est bien la vie avec toutes ses angulosités et aspérités cruelles mais avec aussi ses mille trésors d’humanité et de chaleur qui traverse et chahute cette édition. Les variations qu’elle déclenche sont sismiques, musicales, plastiques, chromatiques.
Les œuvres qui lui répondent sont libres de toute spéculation intellectuelle, subversives à certains moments, apaisées et plus ≪ classiques ≫ à d’autres.
Aucun thème particulier ou esthétique prédéfini ne les relie, et pourtant…
Comment ne pas être fasciné par le sentier lumineux dessiné entre le Japon et la Belgique par Ryoji Ikeda, Shiro Takatani ou par Pierre Droulers ? Chacun interroge la lumière et la matière orchestrant subtilement les apparitions et disparitions de ses danseurs-performeurs.
Animés par une force quantique et métaphysique chez Ryoji Ikeda dans superposition, hors du temps et de l’espace, mystérieux, dans Chroma de Shiro Takatani, qui inverse les aiguilles du temps, de la mort à la naissance, du noir a la lumière.
Ou encore chez Pierre Droulers, qui filigrane Soleils, des subtilités du bunraku japonais, de la fièvre d’Orfeu Negro et de l’incandescence de la poésie d’Emily Dickinson et de Dylan Thomas.
S’il est un chorégraphe pour lequel la lumière et l’ombre, le temps insécable et impitoyable ne sont pas des notions abstraites, c’est bien Bill T. Jones.
Lui qui écrivait dans son roman Dernière Nuit sur Terre : ≪ en 1955 le monde n’était que des ombres noires dans le soleil couchant ≫ sillonne le monde depuis 30 ans. Sans renoncer, jamais. Il vient à Marseille pour la première fois et ouvre le Festival le 19 juin avec 2 œuvres-clés de son répertoire : Continous Replay, D-Man in the Waters et une création récente : Ravel: Landscape or Portrait? dont la musique sera interprétée en direct par l’Ensemble C Barré.
De la côte Est à la côte Ouest, de New York à San Francisco, un autre chorégraphe mythique pose lui aussi pour la première fois à Marseille les initiales de sa compagnie AKLB : Alonzo King Lines Ballet. Ligne mélodique, ligne de vibration, frontière ou éternité… On découvrira Resin, un hymne méditerranéen à la musique séfarade et à la ≪ diaspora de la diaspora ≫ qui entrelace inlassablement musiques, peuples et cultures.
Une autre grande figure de la danse contemporaine internationale, Ohad Naharin a fait le choix de cette édition pour se découvrir et se livrer avec une puissance et une émotion rares. Au travers de Sadeh 21, sa dernière création, et de Deca Dance, calque sur sa vie : 10 ans de mémoire vive au sein de Batsheva, sa compagnie. Le temps toujours…
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