Dans la continuité formelle des spectacles simplissimes qui les ont fait découvrir en France, Daria Deflorian et Antonio Tagliarni présentent, au Festival d’Automne, Il Cielo non è un fondale, une pièce qui évoque l’agitation perturbante des paysages urbains mais s’en tient à l’écart sur le grand plateau nu et feutré des ateliers Berthier.
L’espace est grand et froid. Il transpire la grisaille et la morosité. Pourtant, il s’y produit quelque chose d’étonnamment doux, délicat, intime et généreux à l’image de la prise de parole plutôt fantaisiste d’une femme qui dit vouloir ériger le plus commun des radiateurs en « principe de communauté ». Selon elle, cet élément fondamental bien que trivial, répandu dans toutes les villes et banlieues, recouvrirait le monde de sa chaleur protectrice et enveloppante. Il serait un appui, un secours, pour l’humanité entière qui se trouverait ainsi préservée de l’urgence, la brutalité, le manque, la folie dont nos vies mouvementées sont ponctuées.
Quatre acteurs relatent par fragments divers témoignages abondant dans ce sens. Peu importe s’ils sont authentiques ou délirants. « Tout est vrai et tout n’est pas vrai », préviennent-ils, « ça veut dire quoi savoir ? »… Le vrai et le faux, volontairement entremêlés, sont emblématiques du geste singulier du duo d’auteurs-acteurs découvert la saison dernière avec deux spectacles présentés à la Colline.
Miroir de la pauvreté sociale et de la fragilité existentielle des individus, le geste théâtral revendique son caractère humble et élimine drastiquement toute artificialité, toute volonté de faire spectacle. D’ailleurs, les artistes déclarent : « Nous nous présentons au public avec une déclaration de profonde impuissance, une impuissance cruciale à représenter ».
Ils sont donc là, face à nous, dans le plus grand dénuement. Ils parlent du quotidien, trouvent intérêt à raconter une rencontre, un souvenir, un rêve, un tracas, autant de petits faits qui expriment avec légèreté une insatisfaction, une incapacité à se réaliser, à se projeter, une difficulté à rencontrer l’autre. Le texte d’une apparente banalité ressemble parfois trop à un catalogue de maximes bien pensantes mais discute différents sujets : Quel comportement adopter en passant devant une femme couchée dans la rue qui fait la manche ? Comment réenchanter son rapport au monde ?
Il y a quelque chose de naïf et d’intellectualisant en même temps, de complètement décalé et de déroutant dans cet Il Cielo non è un fondale insaisissable mais d’où se dégage une belle et réconfortante humanité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le ciel n’est pas une toile de fond de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini
avec Francesco Alberici, Daria Deflorian, Monica Demuru, Antonio Tagliarini
décor Cristian Chironi
assistant à la mise en scène Davide Grillo
lumière Gianni staropoli
direction technique Giulia Pastore
accompagnement et diffusion international Francesca Corona
organisation Anna Damiani
une production A.D., Sardegna Teatro, Teatro Metastasio – Stabile della Toscana, ERT – Emilia Romagna Teatro
en coproduction avec Odéon – Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris, Romaeuropa Festival, Théâtre Vidy-Lausanne, Sao Luiz – Teatro Municipal de Lisboa, Festival Terres de Paroles, théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse
avec le soutien de Teatro di Roma
en collaboration avec Laboratori Permanenti / Residenza San Sepolcro, Carrozzerie NOT / Roma, Fivizzano 27 / Roma
créé en novembre 2016 au Teatro India, Romaeuropa Festival
avec le Festival d’Automne à Paris
durée estimée 1h15
Odéon Berthier 17e
9 – 18 décembre 2016 à 20h sauf le dimanche à 15h
Un duo théâtral qui aborde des questions contemporaines, mais en les passant par le tamis modérateur d’un jeu tout en légèreté et en suggestion, aux confins du comique. On se plairait d’ailleurs à les voir dans un spectacle purement burlesque, tant leurs corps s’engagent (par cette manière de rompre avec l’attraction terrestre, la maitrise des gestes) dans un champ non réaliste, totalement épuré.