Ce sont deux joyaux de la Ville de Paris installés au cœur de la capitale qui avaient perdu de leur éclat, mais 2023 pourrait bien être l’année de la renaissance du théâtre de la Ville et du théâtre du Châtelet.
Fermé depuis 2016 avec une programmation hors les murs, le théâtre de la Ville va enfin rouvrir ses portes en septembre, après des travaux interminables qui ont coûté 40 millions d’euros. En face, son « jumeau » espère voir arriver enfin, vers la mi-janvier, une nouvelle direction artistique dont il est privé depuis deux ans. A sa réouverture en 2019, après des travaux, ce théâtre historique s’est retrouvé avec une nouvelle direction artistique qui ne convainc pas et déstabilise la maison. En 2020, sa directrice artistique Ruth MacKenzie est écartée. Avec la pandémie en plus, « il y a eu une difficulté de retrouver des saisons pleines et de se reconstituer un public fidèle » à expliqué l’AFP Frédéric Ivernel, administrateur général du Châtelet. Le choix de la nouvelle directrice, ou du nouveau directeur devrait être connu dans les prochains jours. D’après nos confrères de La lettre du musicien, il reste 3 candidats en liste, Olivier Py, Valérie Chevalier et Sandrina Martins.
Si l’éclectisme des dernières saisons a été critiqué par la presse spécialisée, le théâtre se félicite de ses chiffres depuis la rentrée, emmenés par des chorégraphies d’Angelin Preljocaj et de Benjamin Millepied, un spectacle avec une star de l’électro, Rone, ou la reprise de la comédie musicale à succès 42nd Street, projet initié en son temps par l’ancien directeur Jean-Luc Choplin. « Depuis septembre, nous avons 95% de remplissage, avec 70% de primo-spectateurs et 30% de moins de 30 ans » précise Frédéric Ivernel.
Cela laisse espérer un assainissement des finances, le déficit s’élevant à 4 à 6 millions d’euros selon les sources (le Châtelet reçoit 15 millions de la Ville et génère 10 millions en recettes propres). Frédéric Ivernel a mis en place « un plan de redressement pour les années à venir » mais ça sera surtout à la future direction de redonner une identité forte au Châtelet, comme à l’époque de Jean-Luc Choplin qui en avait fait un temple de la comédie musicale. La maison veut également multiplier les initiatives hors spectacles pour attirer un nouveau public (ateliers de chants en famille, concerts sur le « rooftop », accueil de cérémonies comme celle du Ballon d’Or en 2022) et favoriser une accessibilité tarifaire.
Le théâtre de la Ville, dont la fermeture depuis six ans (au lieu des trois prévus) irrite fortement, se prépare lui au jour-J. Le bâtiment, inauguré comme le Châtelet en 1862 et rénové pour la dernière fois dans les années 60, était touché par une pollution au plomb et avait des cintres vétustes (désormais automatisés conformément à une exigence de l’assurance maladie afin d’éviter les accidents). En 2019, DAU, un projet immersif qui a viré au cauchemar artistique, a causé des trous dans les murs et le parquet. Selon l’adjoint communiste à la construction publique, Jacques Baudrier, la crise sanitaire a ajouté du retard et un surcoût pour la Ville (36 millions d’euros au lieu de 26), sans oublier l’inflation. La municipalité a aussi décidé d’ajouter un ravalement de façade. « Six ans, c’est long et c’est très cher », fustige l’opposant LR Aurélien Véron.
Contraint à l’exil à l’Espace Cardin, le directeur Emmanuel Demarcy-Mota va pouvoir reprendre possession des lieux et le théâtre sera rebaptisé, le Théâtre de la Ville Sarah-Bernhardt. Car en 2023, on commémore le 100e anniversaire de la mort de la comédienne légendaire, qui a dirigé le théâtre pendant de longues années.
Que faire de la place très fréquentée qui sépare les deux institutions ? La préfecture toute proche est réticente à une diminution trop importante de la place accordée à la voiture. Rêvant d’un « grand carrefour piéton », Ariel Weil se contentera pour l’instant d’un « toilettage » qui devra « rendre la place plus agréable ». Quant à une mutualisation de la gestion des deux scènes, subventionnées par la Ville de Paris, elle n’est « pas à l’ordre du jour » même si elles partagent… le même président, Xavier Couture. Sa double position doit en revanche « faciliter les synergies, la complémentarité et le dialogue entre les deux établissements », résume la Ville.
Rana Moussaoui et Pierre-Yves Yvon © Agence France-Presse
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