Au Théâtre des Champs-Élysées, le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine nous entraîne dans les paysages glacés de La Reine des neiges, une pièce adaptée du conte d’Andersen par la chorégraphe Aniko Rekhviashvili. Derrière la technique classique carrée et une féérie un peu désuète, se dessine un acte de résistance à l’invasion russe.
Si la tradition a érigé Casse-Noisette et Le Lac des cygnes en immanquables de Noël, le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine a, quant à lui, choisi de présenter La Reine des neiges pour la période des fêtes. La raison ? Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Opéra de Kiev a décidé de supprimer toutes les pièces russes de son répertoire. Une manière de s’opposer à l’invasion débutée en 2022 et à l’hégémonie culturelle de la Russie sur les pays slaves. Adapté du conte du Danois Andersen, ce ballet en deux actes raconte le périple de Gerda, qui part en quête de son ami Kai, ensorcelé par la cruelle Reine des neiges, et toutes ses rencontres sur le chemin. En toile de fond des décors aux maisons enneigés et des costumes scintillants, c’est la résistance ukrainienne qui se dessine. À l’Opéra de Kiev, où cette Reine des neiges a été créée, les cours et répétitions ont lieu dans la peur des bombardements ; au Théâtre des Champs-Élysées, chaque représentation apparaît comme un geste de courage.
Une fois monté sur scène, ce contexte funeste semble se dissiper, et ouvrir une porte vers le merveilleux. Les tableaux se succèdent, soulignés par le fond de scène un brin désuet : le village et sa patinoire où des enfants s’amusent, le miroir maléfique de la Reine des neiges cassé dans un nuage de fumée, un jardin magique verdoyant, la chaleur d’une chaumière où l’on se passe d’énormes bretzels. Dans cet écrin, la technique classique carrée du Ballet de l’Opéra National d’Ukraine se déplie. Les arabesques, pas de deux, tours de promenade et ensembles festifs jaillissent. Plutôt sage et sans prouesses techniques délirantes – mis à part un porté dans les airs à une main –, la chorégraphie d’Aniko Rekhviashvili est sertie de l’interprétation plutôt convaincante des premiers danseurs : la détermination de Gerda et la froideur de la Reine des neiges.
Elle brille aussi par des gestes et tableaux plus expressifs, qui confèrent une fluidité à l’ensemble : les enfants qui miment le glissement de leurs patins ou la scène des brigands, probablement la plus galvanisante de ce ballet, où les danseurs virevoltent dans les airs, reprenant visiblement la danse des cosaques. Ils sont entraînés par des airs célèbres interprétés par l’Orchestre Prométhée, de Ponchielli (Danza delle ore, extrait de La Gioconda) à Berlioz (Deuxième mouvement de la Symphonie fantastique) en passant par Grieg (Peer Gynt). Les compositeurs russes ont aussi été exclus du répertoire. Un autre geste qui raconte, sans le dire explicitement, cette résistance.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
La Reine des neiges
d’après le conte éponyme de Hans Christian Andersen
Livret et chorégraphie Aniko Rekhviashvili, Oleksiy Baklan
Avec Natalia Matsak, Tetiana Lozova, Kateryna Kurchenko, Sergii Kryvokon, Yaroslav Tkachuk, Oleksandr Skulkin, et le Corps de ballet de l’Opéra National d’Ukraine
Musique Oleksiy Baklan, Viktor Ishchuk, d’après des oeuvres de Grieg, Massenet, Offenbach, J. Strauss, Berlioz
Orchestre Prométhée
Direction Sergii Golubnychyi
Décors Stanislav Petrovskyi
Costumes Natalia Kucheria
Lumières Igor SamaretsCoréalisation Productions Internationales Albert Sarfati ; Théâtre des Champs-Élysées
Durée : 2h (entracte compris)
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
du 21 décembre 2024 au 5 janvier 2025
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