En quatre pièces aux atmosphères variées allant de Broadway à la post-moderne danse, le Ballet de l’Opéra de Paris propose, ce début de saison, une nouvelle soirée d’hommage à Jérome Robbins, le plus parisien des artistes new-yorkais. Celle-ci prend la forme d’une déambulation brillante et inspirante dans son oeuvre.
On y croise des marins badins qui sifflent les bières et coursent les femmes, un promeneur solitaire qui, comme Rimbaud égrène ses rimes, rêve en mouvements diaphanes. On assiste à la rencontre furtive et fantasmée d’une ballerine et d’un danseur dans l’intérieur feutré d’un studio de répétition, et on se grise enfin des allers-retours incessants d’une grouillante métropole. La ville, la rue, la nuit, la danse ont tant inspiré Robbins qu’elles se retrouvent concentrées dans la succession des œuvres proposées. Avec ou sans narration, la danse de Robbins est amplement évocatrice. Elle repose sur une variété de tons, de couleurs, de nuances, sur la multiplicité de lignes et de dynamiques d’une irradiante clarté et d’une superbe intensité qui font de ses ballets un théâtre musical éclatant de beauté et de vivacité.
Fancy Free ouvre le bal. Datant de 1944, c’est la plus ancienne des pièces mais elle vient tout juste d’entrer au répertoire du Ballet de l’Opéra qui compte déjà à son actif une quinzaine d’opus du chorégraphe. Première collaboration entre Jerome Robbins et le compositeur Leonard Bernstein, bien avant leur légendaire West Side Story, c’est un morceau de bravoure très en verve, aussi technique que léger.
La jeunesse et la créativité de cette pièce délicieusement taquine, comme de celles qui suivent, permettent aux danseurs de l’Opéra de déployer autant d’énergie que de sensibilité. Stéphane Bullion, Karl Paquette et l’irrésistible François Alu forment un parfait trio swinguant et bondissant. Ils trouvent un répondant charmant dans la présence piquante d’Eleonora Abbagnato, Alice Renavand et Aurélia Bellet. Paul Marque qui remplaçait au pied levé Mathias Heymann souffrant, s’est montré d’une élégante délicatesse dans le court solo A Suite of dances créé pour la star Mikhaïl Barychnikov en 1994. Tout vêtu de rouge, torche vive dans un climat diurne, il fait fi de la démonstration de virtuosité mais affiche une fausse désinvolture qui laisse croire qu’il invente tout sur l’instant, en faisant spontanément corps avec le violoncelle charnu de Sonia Wieder-Atherton, grande interprète de Bach. L’Après-midi d’un faune met en scène dans une gracieuse et onirique épure les deux Etoiles Léonore Baulac et Germain Louvet remarquables de séduction. C’est enfin tout le corps de ballet qui enchante dans Glass pieces, sorte d’apothéose vaporeuse et en même temps solidement architecturée. La simple marche puis la course de l’ensemble produisent une ébullition stimulante et étourdissante soutenue par les extraits pulsatifs et éthérés d’Akhnaten du génial Philip Glass.
L’écoute attentive et inspirée de la musique est une dimension notable de la danse de Robbins. Stylisation et expressivité sont au cœur de l’art du chorégraphe qui aurait eu cent ans cette année et dont l’oeuvre témoigne une nouvelle fois de sa grande liberté et toute sa modernité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Afternoon of a Faun
Danseurs en alternance :
Amandine Albisson
Léonore Baulac
Myriam Ould-Braham
Hugo Marchand
Germain Louvet
Mathias HeymannA Suite of Dances
Danseurs en alternance :
Mathias Heymann
Hugo Marchand
François Alu
Paul MarqueFancy Free
Danseurs en alternance :
Eleonora Abbagnato
Dorothée Gilbert
Alice Renavand
Valentine Colasante
Eve Grinsztajn
Muriel Zusperreguy
Stéphane Bullion
Karl Paquette
François Alu
Alessio Carbone
Paul MarqueGlass Pieces
Danseurs en alternance :
Laura Hecquet
Ludmila Pagliero
Hannah O’Neill
Stéphane Bullion
Audric Bezard
Florian MagnenetDurée : 2h15
Palais Garnier – du 27 octobre au 14 novembre 2018
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