Le 29 mars, Françoise Nyssen, la ministre de la Culture présentait son plan « Culture près de chez vous »: 6,5 millions d’euros en 2018 avec l’objectif d’atteindre 10 millions en 2022. Il s’agit de mieux “irriguer les territoires” délaissés par la culture. Un plan qui « ne répond en aucun cas aux problématiques qui traversent nos lieux et préoccupent nos équipes » explique l’association des Centres dramatiques nationaux dans une tribune parue sur le site de Libération.
Pour définir son plan Culture près de chez nous, le Ministère de la culture s’appuie sur une cartographie des bassins de vie culturelle. Il a repérer des “zones blanches” du service public, 86 au total. Comptant moins d’un équipement culturel pour 10.000 habitants, elles sont désormais qualifiées de “territoires culturels prioritaires”. Les disparités financières sont importantes : le ministère de la Culture dépense ainsi dix fois plus en Ile-de-France qu’en région (139 euros par habitant et par an en IDF contre 15 euros par habitant et par an sur le reste du territoire. La moitié de ces « territoires culturels prioritaires » sont concentrés dans huit départements : l’Eure, le Loiret, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Moselle, les Vosges et la Réunion.
Ce plan d’action prévoit de conclure des contrats de performance avec les établissements publics nationaux. Le ministère souhaite également que les productions des grands établissements publics nationaux, Chaillot, Comédie-Française et Opéra de Paris tournent plus sur le territoire. Alors que c’est déjà la mission des CDN – Centres Dramatiques Nationaux, des CCN – Centres Chorégraphiques Nationaux, des Scènes nationales et Scènes conventionnées.
« Une fois encore les «déserts culturels», les «zones blanches» sont regardées d’un point de vue surplombant et aérien. Quant à nos établissements, chevilles ouvrières de la structuration d’une véritable politique culturelle décentralisée sur le territoire, ils sont une nouvelle fois laissés sans perspectives et sans considération » commente le communiqué de l’ACDN. « Comment est-il possible, en partant d’un état des lieux aussi lucide, de répondre par encore davantage de centralisme ? Demander aux établissements nationaux parisiens de rayonner davantage dans nos campagnes et autres «zones blanches», en diffusant leurs productions sur ces territoires, relève au mieux d’une méconnaissance totale de la situation, au pire d’une irresponsabilité politique et d’un mépris pour l’ensemble des acteurs culturels. La décentralisation, c’est-à-dire la présence en région d’institutions d’envergure nationale, productrices d’œuvres à rayonnement national, est à l’œuvre depuis soixante-dix ans. N’aurait-il pas été plus intelligent et efficace de s’appuyer sur cette expertise ; plus glorieux, d’agir hautement pour que l’Etat redonne du souffle à cette politique d’ensemencement local et de coaction avec les collectivités territoriales et les opérateurs locaux ? »
Les directrices et directeurs des CDN regrettent que « au lieu de renforcer les projets d’établissements qui soutiennent au quotidien la création au service de tous les publics, au lieu de soutenir l’existence des compagnies indépendantes qui meurent à petit feu du resserrement drastique des marges budgétaires des Drac, on préfère investir dans un dispositif nommé «Pass culture», qui offrira aux jeunes un «pouvoir d’achat culturel», dont l’encadrement est mal défini, dont le coût est estimé à 400 millions d’euros et dont une grande partie des retombées profitera aux industries culturelles privées. » Et de conclure « Plus qu’un acte II de la décentralisation, c’est en vérité un acte II de l’industrialisation culturelle qui nous est proposé. » Cette tribune est publiée alors que ce matin dans les colonnes de la version papier de Libération, une large enquête pointe la fragilité de Françoise Nyssen au sien du Gouvernement.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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