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Laboratoire Poison : Adeline Rosenstein entre résistance et trahisons

Coup de coeur, Dijon, Les critiques, Marseille, Théâtre
Annah Schaeffer

photo Annah Schaeffer

Avec Laboratoire Poison 3, Adeline Rosenstein poursuit ses recherches à la croisée du théâtre documentaire et des sciences sociales. Un langage chorégraphique autant que verbal y interroge à travers plusieurs épisodes historiques les mécanismes de la trahison. Passionnante, l’expérience nous mène aussi aux frontières périlleuses du théâtre et du réel.

Depuis le premier confinement, le rapport d’Adeline Rosenstein au théâtre a changé, irrémédiablement. La metteuse en scène, comédienne et autrice explique ce tournant en introduction de Laboratoire Poison 3 : « durant le confinement, un acteur qui jouait avec nous, Olindo Bolzan, s’est donné la mort ». « Il est idiot de dire qu’il manque énormément et que tout vacille depuis son départ, poursuit-elle sur le plateau du Théâtre Dijon Bourgogne, où sa pièce a été créée le 22 mai dans le cadre de Théâtre Enfin ! (21 mai – 2 juillet 2021). La disparition de cet artiste a beau être étrangère à la Covid-19, l’hommage d’Adeline Rosenstein fait écho à la longue mise en sommeil forcée du théâtre, et plus généralement de la vie culturelle et sociale. Il dit les traces que laissent toute séparation et la force qu’il faut pour la surmonter, pour imaginer encore.

Des trous, des mots et des gestes

photo Serge Gutwirth

« Dans les scènes que vous allez voir, parfois il y a des trous. On s’habituera, on changera, on passera à autre chose », dit encore l’artiste avant de donner le signal d’envoi de Laboratoire Poison 3. Une réaction qui dit beaucoup du travail d’écriture et de mise en scène qu’elle mène depuis une quinzaine d’années à partir d’entretiens et d’une étroite collaboration avec des chercheurs en sciences humaines. Pour Adeline Rosenstein, le théâtre ne peut faire comme si ses accidents, ses limites n’existaient pas : au contraire, elles sont l’une des bases à partir desquelles un vocabulaire scénique capable d’interroger vraiment le réel peut être inventé. Dans Décris-ravage par exemple, sous-titré « spectacle documentaire consacré à la Question de Palestine », les images et les cartes d’un exposé très documenté étaient remplacés par de l’essuie-tout humide projeté sur un mur et par des « choré-cartographies » interprétées par Adeline et quatre autres interprètes, dont Olindo Bolzan.

Ce spectacle en six épisodes a beaucoup contribué à la notoriété d’Adeline en France – il obtient les prix de la critique 2014 et le prix SACD « découverte » 2016 –, où elle était jusque-là très peu connue. C’est en partie grâce à lui qu’elle a pu se lancer dans la grande aventure de Laboratoire Poison, qui s’inscrit dans la même démarche d’exploration des mécanismes de l’Histoire par une séparation entre paroles et jeu. Par la construction d’un langage chorégraphique et ludique qui, au lieu d’illustrer le sujet de la pièce, dit les questions que celui-ci pose au théâtre. La parenté de ce langage avec celui de Décris-ravage est évidente. Tout comme l’est la parfaite autonomie du nouveau-né, tout aussi ambitieux que son prédécesseur par l’ampleur et la complexité de son sujet : les mécanismes qui transforment une résistance, une révolution, en son contraire. Et toujours, en parallèle, la fabrication de la représentation.

Rire et trahison

Tout de suite après son hommage initial, Adeline Rosenstein expose l’air de rien un autre fondement de son travail. « Je vais m’assoir pour vous parler car je ne voudrais pas vous laisser croire que je suis convaincue d’une quelconque manière par ce que je vais dire », dit-elle avant qu’entrent en scène les neuf anciens élèves de l’École Supérieure d’Acteurs de Liège (ESACT) avec qui elle a créé la pièce. Ou le « laboratoire ». Comme dans Décris-ravage, l’autodérision et l’humilité sont de mise dans Laboratoire Poison pour aborder l’enquête historique. La formation de clown de l’artiste, auprès de Pierre Dubey à Genève, n’est pas étrangère à cette approche qu’elle partage avec tous ses jeunes interprètes ainsi amenés à tourner le dos aux techniques, à la virtuosité enseignées à l’école. De même qu’ils sont entraînés bien loin des récits historiques habituels.

Dans sa structure même, Laboratoire Poison garde trace de son singulier processus de création, tout à fait nouveau pour Adeline Rosenstein qui travaillait jusque-là avec un nombre très réduit de fidèles collaborateurs. Consacrée aux résistants communistes belges qui ont été soumis à la torture et à l’injonction à la dénonciation pendant la Seconde Guerre Mondiale, la première partie de la pièce est une version transformée de Laboratoire Poison 1, créé en janvier 2019 au Théâtre de la Balsamine à Bruxelles suite à un premier laboratoire avec les élèves de l’ESACT. À sa façon de rendre apparentes les coutures de sa pièce, ou de ne pas chercher à meubler les espaces qui séparent ses différentes parties, Adeline Rosenstein sous-entend que cette création n’était pas au départ pensée comme le début d’une recherche au long cours. Mais qu’elle l’est devenue par la force du propos et du collectif.

Un gai décalage

Les premiers « Labo Mobile » – rencontres entre l’équipe artistique et des historiens et témoins de milieux divers (foyers pour mineurs non-accompagnés, squats, maison du peuple Marseille, théâtres – qui ont donné lieu à Laboratoire Poison 1 sont suivis par d’autres rendez-vous du même type. Naît ainsi Laboratoire Poison 2, d’abord consacré uniquement à la fabrication des traitres pendant la guerre de libération algérienne, puis élargi à l’indépendance congolaise, également période de grandes trahisons. Laboratoire Poison 3 rassemble ces deux volets, et y ajoute de nouveaux venins : ceux du Portugal de 1961, qui fait face aux premiers mouvements de libération nationale en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, en Angola puis au Mozambique. Bien d’autres épisodes pourraient encore être ajoutés. Ils le seront peut-être.

L’ouverture de la pièce et tous les trous qui la composent le donnent à penser. Et c’est joyeux, à l’image des comédiens qui en dansant-mimant les violences et les trahisons évoquées plus tôt prennent visiblement un plaisir fou. Une joie presque enfantine, qui vient du décalage entre les faits historiques relatés par un narrateur – souvent Adeline Rosenstein, parfois d’autres – et le vocabulaire gestuel à la fois naïf et extrêmement structuré qu’ils déploient au plateau. Ce bonheur intellectuel et physique est communicatif. Il finit par brouiller les frontières entre les différents épisodes, très unis par le langage théâtral et chorégraphique dont on sent qu’il est le fruit d’une recherche collective qui marquera le parcours des jeunes comédiens qui y ont participé.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Laboratoire Poison 3

Avec Aminata Abdoulaye Hama, Marie Alié, Marie Devroux, Salim Djaferi, Titouan Quittot, Thomas Durcudoy, Rémi Faure, Anna Raisson, Adeline Rosenstein, Habib Ben Tanfous, Audilia Batista et Jérémie Zagba en remplacement de Michael Disanka et Christiana Tabaro

Conception, écriture et mise en scène Adeline Rosenstein

Assistante à la mise en scène Marie Devroux

Regard extérieur Léa Drouet

Direction technique Jean-François Philips

Composition sonore Andrea Neumann & Brice Agnès

Espace & Costumes Yvonne Harder

Eclairage Arié Van Egmond

Documentaliste Saphia Arezki

Regards historiques Jean-Michel Chaumont (Poison 1), Denis Leroux (Poison 2)

Coordination de production Hanna El Fakir & Edgar Martin

Diffusion Habemus Papam – Cora-Line Lefèvre & Julien Sigard

Une production des Halles de Schaerbeek et Théâtre Dijon Bourgogne – Centre Dramatique National

Producteur délégué Halles de Schaerbeek

Coproducteurs Maison Ravage, Festival de Marseille, Théâtre Océan Nord (Bruxelles), Festival Sens Interdits (Lyon), Théâtre des 13 vents CDN Montpellier Les Laboratoires d’Aubervilliers, La Balsamine (Bruxelles), Little Big Horn

Laboratoire Poison 2 a bénéficié d’une résidence longue au Théâtre Océan Nord (Bruxelles)

En coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod

Avec le soutien de Taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge

Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Photographies Annah Schaeffer

Durée : 2h

 Festival de Marseille

Les 3 et 4 juillet 2021

Les Halles de Schaerbeek (Bruxelles)

Octobre 2021

Festival Sens Interdit (Lyon)

Octobre 2021 (en cours de construction)

3 juillet 2021/par Anaïs Heluin
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