Sophie Perez et sa compagnie du Zerep en roue libre à partir de la plus violente des pièces de Shakespeare, Titus Andronicus. Dans La vengeance est un plat, ou la lamentable histoire de Titus et André Nicus, la troupe balance comme toujours entre le trivial et le savant dans un joyeux bordel où tous les monstres sont gentils.
Le cycle infernal des vengeances, on en a notre dose en ce moment. Indécrottable et horrible sauvagerie humaine dont le Zerep se fait un grand délire à base de l’immense Shakespeare et de sa première pièce, la plus sanglante, la plus grand-guignolesque, Titus Andronicus. Nul désir de porter un regard sur cette actualité qui lui fait écho dans le projet de Sophie Perez. Comme dans beaucoup des spectacles qu’elle construit avec la compagnie du Zerep, depuis 25 ans maintenant, simplement l’envie de partir d’une référence du théâtre – d’un classique comme on dit – pour la dynamiter à coups de masques freaks, de décors en carton pâte, d’ambiance carnavalesque et dada, « lubrique et énigmatique » comme l’énonce ici un des personnages, si tant est qu’on puisse les nommer ainsi.
Sur scène tout commence à l’envers. Chorale de majorettes juste avant un entracte. Début en fanfare qui précèdent dix minutes de préparatifs sur fond de musique douce. De la vieille série Mash, comédie noire – « Suicide is painless, it brings so many changes » – Sophie Lenoir part en impro dans la salle, sur le plateau, les acteurs s’installent. Le décor avec. Vestiges de temple antique, vieille colonne en ruine, pied de statue surdimensionné, décorum à la romaine pour cette histoire de succession d’empire où la violence de ceux qui aspirent au pouvoir s’exprime sans retenue. Meurtres en série, cannibalisme, torture. Le grand guignol du Zerep aime ça. Du slime et du sang, des viols, des ruines, des mains coupées et papi qui – changeant de sexe – veut désormais qu’on l’appelle mamie. Comme un fil rouge, allant même jusqu’à être un temps restituée dans le texte – à la manière Zerep bien sûr – la pièce de Shakespeare donne le la du grand carnaval, où Thanatos n’est que l’autre face d’Éros, où une citation de Deleuze précède un grand cycle de meurtres qui redémarre en boucle, façon dessin animé.
Jour de première à la MC 93, quelques spectateurs quittent la salle. Savaient-ils où ils mettaient les pieds. Tissé d’absurde et de références, un spectacle de Perez ne se donne pas comme ça. Et pourtant serait peut-être à prendre juste comme ça, comme il se donne et comme il vient. Faut-il chercher le sens ou arrêter de penser ? La compagnie a ses adeptes mais ça ne rigole pas des masses. Le spectacle est partout. Il y a toujours quelque chose à regarder. Une troupe de fidèles déjantés qu’on connaît. Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Erge Yu, Marie-Pierre Brébant, Adrien Castillo, Baptiste de Laubier. Des moments forts, d’autres plus faibles. Une sensation de provoc. Pas tant dans la grosse saucisse ou le petit théâtre de la chatte. Plus dans cette abnégation à ne pas vouloir donner au spectateur le minimum de ce qu’il attend, tout en lui en donnant tellement.
Eric Demey- www.sceneweb.fr
La vengeance est un plat, ou la lamentable histoire de Titus et André Nicus
Conception, mise en scène, scénographie Sophie Perez
Textes de Sophie Perez, Pacôme Thiellement (deux premiers actes), William Shakespeare
Avec Marie-Pierre Brébant, Adrien Castillo, Baptiste De Laubier, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana, Erge Yu
Assistanat à la mise en scène Baptiste De Laubier
Costumes Sophie Perez, Corine Petitpierre, réalisés par Anne Tesson
Bande originale Sophie Perez
Musique Xavier Boussiron
Lumière Sophie Perez et Fabrice Combier
Son Félix Perdreau
Régie générale Léo Garnier
Régie plateau et assistanat à la scénographie Adrien Castillo
Régie lumière Gildas Roudaut et Léo Grosperrin
Sculptures Dan Mestanza, Adrien Castillo
Décor Daniel Mestanza, Atelier de la MC93, Marion Duvinage, Théo Jouffroy
Administration, production Julie Pagnier assistée de Anaël Lallouette-Zylbersztain, Sacha Tricot
Production Compagnie du Zerep.
Coproduction MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Théâtre Saint Gervais – Genève.
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels, CN D – Centre National de la Danse, Carreau du Temple, Compagnie DCA.
Avec l’aide de la SPEDIDAM.
La Compagnie du Zerep reçoit le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France. Action financée par la région Île-de-France.Durée 1h40
Du 25 au 30 novembre 2023
MC 93 BobignyDu 9 au 21 janvier 2024
Athénée à Paris24 et 25 janvier 2024
CDN de Caen
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !