Depuis plus de trente ans avec sa compagnie UBU, il mêle le jeu théâtral et les arts visuels. Il reprend ici le procédé vidéo qui a fait le succès des Aveugles de Maeterlinck : la projection d’images sur des masques en relief. Ainsi toutes les parties avec le chœur sont incarnées par ces masques qui avancent au devant de la scène et qui représentent le « moulage funèbre et la sculpture romaine du portrait réaliste ». [1]Denis Marleau utilise ce procédé lors de la première scène, lorsqu’apparaît le Fantôme de Thyeste, et là ce sont deux statues qui ornent l’encadrement de la scène de la salle Richelieu, à côté des loges, qui prennent vie. L’effet est saisissant. Ces statues d’habitude inertes se mettent à parler, leurs lèvres bougent, avec la voix chaude et grave d’Hervé Pierre. C’est tout simplement surprenant, magnifique, et astucieux.
La construction de la pièce de Sénèque est particulière. Elle alterne de longs monologues (celui de Michel Vuillermoz – Eurybate – racontant le naufrage de la flotte grecque à Troie est un moment de bravoure totalement réussi), quelques rares scènes dialoguées et des apparitions du chœur. Denis Marleau a choisi de faire interpréter ces scènes par les personnages de la pièce, grâce à ce procédé vidéo, tout en mixant subtilement les voix. L’ensemble donne ainsi une lecture très aisée de l’intrigue, et sans connaître sur le bout des doigts la mythologie grecque, on plonge dans cette histoire de trahison amoureuse. Clytemnestre (Elsa Lepoivre) ne supporte pas les infidélités de son mari Agamemnon (Michel Favory) revenu de guerre avec comme butin, une femme, Cassandre (Françoise Gillard). Elsa Lepoivre est sublime dans ce rôle de femme révoltée, rongée par la haine qui va la pousser à tuer Agamemnon, tout comme Cécile Brune dans le rôle de la nourrice.
Les entrées et sorties des comédiens s’effectuent grâce à des fondus enchainés, comme dans une réalisation vidéo. Des parois amovibles vont et viennent, coulissent, et laissent apparaître les personnages. Une mise en scène élégante, intelligente et qui rend compréhensible cette œuvre de Sénèque.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
[1] Propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française, d’après dossier de presse
Agamemnon
de Sénèque
traduction de Florence Dupont
mise en scène de Denis Marleau
Avec
Michel Favory, Agamemnon et Choeur I – Méditation sur la Fortune, Choeur IV – Hymne à Hercule
Cécile Brune, la Nourrice et Choeur II – Prière des femmes d’Argos
François Gillard, Cassandre et Choeur III – Chant funèbre des Troyennes
Michel Vuillermoz, Eurybate
Elsa Lepoivre, Clytemnestre
Julie Sicard, Électre
Hervé Pierre, le Fantôme de Thyeste et Égisthe
Collaboration artistique et conception vidéo, Stéphanie Jasmin
Scénographie, Michel Goulet
Costumes, Patrice Cauchetier
Lumières, Dominique Bruguière
Compositeur, Jean-Paul Dessy
Design sonore, Nancy Tobin
Montage et staging vidéo, Pierre Laniel
Maquillages, Suzanne Pisteur
Assistant lumières, François Thouret
Avec le concours d’UBU, compagnie de création (Montréal)
Avec le soutien de la Délégation générale du Québec en France.
Entrée au répertoire
Représentations Salle Richelieu, matinée à 14h, soirées à 20h30.
Prix des places de 5 € à 39 €.
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