Bienvenue au cœur de l’absurdité de Nicolas Gogol. Lilo Baur, élève de Peter Brook propose une version très cocasse de la farce de l’écrivain russe, « le Mariage » dont c’est la première présentation dans une salle de la Comédie Française. Lilo Baur a forcé le trait de caractère de tous les personnages avec un bonheur aigue, permettant ainsi aux comédiens de la troupe du Français d’opérer de véritables transformations. Catherine Sauval est méconnaissable. Nicolas Lormeau en « Omelette » pèse 120 kilos ! Mais la palme revient à Clotilde de Bayser. Elle campe une Fiokla Ivanovna, marieuse de son état, totalement désopilante. Edentée, affublée d’une coiffure immonde, s’exprimant avec un zozotement parfait, elle apparaît sur scène avec de magnifiques bottes en caoutchouc crottées à souhait. C’est jouissif.
« Le Mariage » est une fable certes, mais ce n’est pas que cela. Elle traite de la convention du mariage. Kapilotadov, célibataire endurcis (premier grand rôle de Näzim Boudjenah depuis son entrée au français le 1er janvier 2010) est en quête d’un bon parti. Il fait appel aux services de Fiokla Ivanovna (Clotilde de Bayser), une marieuse un peu vénale qui le met en concurrence avec d’autres hommes. La promise est une fille un peu nigaude (Julie Sicard) qui finit par tomber amoureux de Kapilotadov. « Quelles que soient les motivations qui poussent les personnages à vouloir se marier, chacun est soumis à des conventions sociales où le célibat est marginalisé, souligne Lilo Baur. Le mariage est une affaire d’intérêts spécifiques à chacun, trouver une dot, être valorisé socialement »…
Dans son processus de création, Lilo Baur laisse beaucoup de place à l’improvisation avec les comédiens (c’est l’école Brook et Simon Mac Burney). Elle utilise aussi des références à Buster Keaton ou Charlie Chaplin. Elle aura pu cependant pousser encore un peu plus le côté burlesque des situations. On sent tout de même un peu de retenue dans sa mise en scène qui pourrait basculer un peu plus encore dans la folie. Il y a malgré tout des scènes où le comique de situation fonctionne à merveille, comme celle de l’antichambre lorsque les prétendants regardent par le trou de serrure pour tenter de discerner la prétendante. Sa mise en scène apporte en tout cas de la fraicheur et une sacrée bouffée d’oxygène aux comédiens du Français.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Nikolaï Gogol. Né dans une famille de petits propriétaires fonciers d’Ukraine, Nikolaï Gogol est très vite marqué par l’influence religieuse et morale de sa mère. Sentant le besoin de servir son pays, il devient fonctionnaire au ministère des Apanages, statut qu’il quitte pour se consacrer pleinement à l’écriture. Il se fait connaître au début des années 1830 par ses romans et ses nouvelles, dont Tarass Boulba, Le Journal d’un fou, Le Nez. Assignant à la littérature un pouvoir moral, il part en guerre contre les vices qu’il expose dans une œuvre hantée par la figure du diable. Bouleversé par la réception en 1836 du Révizor, accusé d’être une satire politique de la Russie tsariste, Gogol fuit la Russie pour l’Allemagne avant de s’installer à Rome. De plus en plus habité par des préoccupations religieuses, il entreprend alors la rédaction des Âmes mortes, roman écrit au moment où sa crise mystique confine à la folie. Après un pèlerinage à Jérusalem, Gogol revient finir ses jours à Moscou, où il meurt en 1852.
Lilo Baur. Après la mise en scène du Révizor par Jean-Louis Benoit à la Salle Richelieu, en 1999, c’est au tour de Lilo Baur de s’attaquer à l’œuvre de Gogol, avec Le Mariage traduit par André Markowicz. Née en Suisse, Lilo Baur débute sa carrière de comédienne à Londres au sein de la compagnie Théâtre de Complicité dirigée par Simon Mc Burney. Après avoir alterné les rôles au théâtre, où elle joue notamment avec la complicité de Peter Brook, et au cinéma, elle se consacre à la mise en scène. Fascinée par le théâtre russe, et plus particulièrement par Tchekhov, Lilo Baur se dit touchée par les personnages indécis qui peuplent l’œuvre de Gogol. Avec Le Mariage, elle nous invite à découvrir une peinture du mariage miné de l’intérieur par le burlesque et l’absurde.
Le Mariage
Comédie en deux actes de Nikolaï Gogol
Traduction d’André Markowicz
mise en scène de Lilo Baur
Avec
Yves Gasc : Stépane et Pépev
Véronique Vella : Arina Pantéleïmonovna (1ère fois) (en alternance)
Catherine Sauval : Arina Pantéleïmonovna (en alternance)
Alain Lenglet : Chikine
Clotilde de Bayser : Fiokla Ivanovna, la marieuse
Laurent Natrella : Plikaplov, ami de Kapilotadov
Julie Sicard : Agafia Agafonovna, fille de marchand, la fiancée (en alternance)
Nicolas Lormeau : Omelette, huissier
Clément Hervieu-Léger : Kapilotadov, fonctionnaire, conseiller surnuméraire (1ère fois) (en alternance)
Nâzim Boudjenah : Kapilotadov, fonctionnaire, conseiller surnuméraire (en alternance)
Jennifer Decker : Agafia Agafonovna, fille de marchand, la fiancée (1ère fois) (en alternance)
Laurent Lafitte : Mamimine et Ariane Pawin [contrat Vieux-Colombier] : Douniachka, la bonne d’Agafia (1ère fois)
Décor, James Humphrey
Costumes, Agnès Falque
Lumières, Christian Dubet
Création sonore, Mich Ochowiak
Assistante à la mise en scène, Clara Bauer
Assistante aux costumes, Luce Noyer
Pour la première fois à la Comédie-Française
Durée : 1h40
Paris – Théâtre du Vieux-Colombier
Du 19 janvier au 26 février 2012:
mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche lundi
Prix des places : de 8 € à 29 €
La tournée 2012
Nancy, samedi 10 mars
Avignon, vendredi 16 mars
Vevey (Suisse), vendredi 23 mars
Poissy, jeudi 29 mars
Fribourg (Suisse), samedi 31 mars
Arcachon, mardi 17 avril
Bayonne, jeudi 19 avril
Le Mans, jeudi 26 avril
Berne (Suisse), lundi 30 avril
Grenoble, jeudi 3 mai
Mezières (Suisse) jeudi 10 et vendredi 11 mai
Saint-Louis, mardi 15 mai
Bastia, samedi 19 mai.
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