Robert Wilson revient à Paris avec le Berliner Ensemble. Après l’Opéra de quat’ sous de Brecht, il présente Lulu d’après Wedekind, dans une version chantée. Mais ce n’est celle d’Alban Berg. Il a demandé à Lou Reed d’écrire des chansons et une ambiance musicale « spatiotemporelle ». Le metteur en scène est parti d’un « plan de l’œuvre muet ». Sa version débute par la fin de la pièce de Wedekind, la mort de Lulu. On entend son cri strident. Des clowns blancs avec des gestes d’automates apparaissent un à un. Des bruitages accompagnent leurs pas, ils miment les dialogues. L’ouverture du spectacle est un hommage au cinéma muet et à l’expressionisme allemand. Puis le violoncelle et les guitares saturés emmènent l’action dans l’évocation de la vie tumultueuse et passionnée de Lulu.
Lou Reed a composé des mélodies plus pop que rock, il y a aussi des teintes de blues. Les voix des comédiens de la troupe sont parfois un peu justes pour la participation musicale, mais l’esthétisme dépouillé et si particulier de Robert Wilson crée un décalage intéressant avec cette musique plus ronde. Si la première partie est un peu décousue, elle se laisse regarder avec plaisir, ne serait-ce que pour apprécier les espaces colorés de Robert Wilson. Angela Winkler, plus âgée que le rôle mais qu’importe, incarne tout le mystère de cette femme dévastatrice . La comédienne qui a joué avec de grands metteurs en scène au cinéma (Schlöndorf ou Haneke) ou au théâtre (Zadek, Ostermeier) est envoutante.
La deuxième partie à Paris, puis à Londres est une pure merveille. L’arrivée d’Angela Winkler sur cette allée bordée de cyprès et de lustres en cristal restera une image forte du spectacle. Robert Wilson a commandé un remarquable travail sur le son, en 5.1. Des voix viennent susurrer à l’oreille des spectateurs des « Rodrigo» qui font frissonner. Il y a aussi plein d’esprit. Les acteurs jouent avec les accents, les traducteurs s’en sont donnés à cœur joie aussi dans les sous-titres. Puis la troupe en retrait dans l’obscurité pendant les derniers instants de la vie de Lulu entonne en cœur la dernière chanson « Amour glacé ». On sort émerveillé devant tant d’émotion.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Lulu
PREMIÈRE EN FRANCE
SURTITRÉ EN FRANÇAIS
MISE EN SCÈNE, DÉCOR, LUMIÈRES
Robert Wilson
MUSIQUE & CHANTS Lou Reed
COSTUMES Jacques Reynaud
COLLABORATION À LA MISE EN SCÈNE
Ann-Christin Rommen
COMPILATIONS DES TEXTES & DRAMATURGIE
Jutta Ferbers
COLLABORATION AU DÉCOR
Serge von Arx
COLLABORATION AUX COSTUMES
Yashi Tabassomi
DIRECTION MUSICALE Stefan Rager
LUMIÈRES Ulrich Eh
AVEC
Ulrich Brandhoff, Alexander Ebeert,
Anke Engelsmann, Markus Gertken,
Ruth Glöss, Jürgen Holtz,
Boris Jacoby, Alexander Lang,
Marko Schmidt, Sabin Tambrea,
Jörg Thieme, Georgios Tsivanoglou,
Angela Winkler
& Stefan Rager (BATTERIE, INSERTIONS MUSICALES),
Ulrich Maiß (CLAVIER, VIOLONCELLE),
Dominic Bouffard
(GUITARE), Friedrich Pravicini
(BUGLE, VIOLONCELLE, HARMONICA),
Andreas Walter (BASSE),
Joe Bauer (BRUITAGE)
PRODUCTION Berliner Ensemble.
CORÉALISATION Théâtre de la Ville-Paris, Festival d’Atomne à Paris
Durée: 2h45 (entracte après 1h45)
DU 4 AU 12 NOVEMBRE 19H30 I DIM. 13 NOV. 15 H EN ALLEMAND & ANGLAIS
Pour qui ne connait pas Lulu, il sera difficile de comprendre la trame de cette histoire et l’interprétation que Robert Wilson nous en donne. Lulu apparaît complètement en dehors de l’action, totalement indifférente aux hommes qui meurent autour d’elle. Elle est parfois enfant, parfois femme fatale, parfois manipulatrice. Ses différentes facettes ne sont pas assez prononcées. Le lien noué avec la Comtesse n’est pas assez souligné alors que celle-ci l’aidera à quitter la prison où elle fut enfermée après la mort de son époux. Certes, il y a la gestuelle, l’éclairage, le costume, le maquillage, le décor, le mobilier, la diction, tout ce que nous connaissons chez ce grand metteur en scène et en espace qu’est Robert Wilson. Mais, pour ce spectacle la magie tombe avec l’acte de Londres… Dommage. Je ne suis pas sorti émerveillé de la représentation, la première, de ce vendredi… Attendons donc l’Athénée et la mise en scène et interprétation qu’il donnera dans La dernière bande de Samuel Beckett début décembre.
Moi, non plus. Je ne suis pas sorti émerveillé. Bien au contraire. Un spectacle super esthétisant qui passe au-dessus de ce personnage de serial-désir-killer qu’est Lulu.
Après, la première partie j’ai eu envie de partir, mais je suis resté pour écouter la musique de Lou Reed, en imaginant que la mise en scène était au service de ce concert.
Je ne suis pas d’accord que les voix des comédiens de la troupe soient parfois un peu justes. Pour moi c’est le meilleur du spectacle, ils redonnent une couleur de cabaret allemand aux compositions de Lou Reed.
Finalement j’ai eu l’impression (j’étais le jour de la première) qu’on continue à faire de feux d’artifice pour Lois XIV.
(Excusez-moi pour mon français)