Avec « La Guerre de Troie (en moins de deux !) », le Théâtre du Mantois résume, en 24 épisodes, l’un des conflits les plus fameux de la mythologie grecque. Doté d’une vertu pédagogique indéniable, le spectacle abandonne toutefois en cours de route l’objectif burlesque qu’il s’était fixé.
Au Théâtre 13, la Guerre de Troie a bien eu lieu. La compagnie du Théâtre du Mantois s’est engagée dans un pari audacieux : raconter en seulement 80 minutes un conflit long de plus de dix ans. En 24 épisodes, comme autant de chants de L’Iliade, le texte d’Eudes Labrusse prend appui sur les écrits d’Homère, Sophocle, Euripide, Hésiode ou encore Virgile pour relier les points saillants de cette guerre légendaire, considérée comme l’une des pierres fondatrices des cultures grecque et européenne.
De la naissance d’Hélène au massacre des Troyens, on retrouve, avec un certain plaisir, les moments mythologiques les plus célèbres – la Pomme d’Or, le choix de Pâris, l’enlèvement d’Hélène, le sacrifice d’Iphigénie et, bien sûr, le cheval de bois – et découvre, ou redécouvre, les évènements moins connus – la ruse de Palamède, le déguisement d’Achille, les jalousies d’Oenone ou le destin de Philoctète. A chaque fois, le même charme intellectuel opère, provoqué par ce voyage vers les origines littéraires, à la rencontre de ces héros, vieux compagnons de route, qui ont ensuite nourri et parfois donné leur nom à une kyrielle d’œuvres majeures telles Andromaque, Iphigénie, Ajax ou Philoctète pour ne citer qu’elles.
Limpide, volontairement – et heureusement – simplifiée, l’adaptation d’Eudes Labrusse démarre sur les chapeaux de roue. Avec la complicité de Jérôme Imard, le patron du Théâtre du Mantois opte pour un parti-pris burlesque qui donne un sérieux coup de fouet, et de jeune, à ce récit antique. Avec quelques chaises, deux tables et de minces accessoires, les comédiens, tels des trouvères accompagnés au piano par Christian Roux, se jouent de cette histoire, en épicent les contours les plus farfelus et se plaisent à grossir, voire à détourner, les traits déjà intensément sculptés des différents personnages.
Las, cette mécanique loufoque qui faisait pourtant tout le sel du spectacle se grippe rapidement. Nonobstant quelques pics légèrement fous-dingues, la compagnie est rattrapée, et avalée, par le seul récit de la Guerre de Troie. Comme si elle avait trop rapidement épuisé son capital créatif, elle bascule dans une rétrospective qui, par manque de lecture et de mise en perspective, patine et ne trouve jamais de souffle épique. Sous couvert de ne pas se prendre trop au sérieux, se dégage un certain amateurisme qui exacerbe les côtés les plus « cheap ». On y chante un peu plus faux, on y joue un peu moins bien et on s’y enferme dans des gimmicks qui, à trop être utilisés, s’usent jusqu’à la corde.
Théâtralement discutable, cette « Guerre de Troie (en moins de deux !) » trouve toutefois son salut dans sa dimension pédagogique. Dopé par des comédiens énergiques, conseillé pour les enfants à partir de neuf ans, ce travail de simplification, conçu à partir d’un substrat hautement riche et complexe, peut permettre d’intéresser les plus jeunes et ceux qui n’y connaîtraient pas grand-chose à la mythologie grecque. Leur démontrant que, loin d’être une vieille rengaine dépassée et compassée, elle rengorge avant tout d’histoires d’hommes et de femmes dont les plus grandes qualités et les pires défauts résonnent encore avec une grande acuité.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
La Guerre de Troie
(en moins de deux !)
Texte Eudes Labrusse,
d’après Homère, Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile…
Mise en scène Jérôme Imard et Eudes Labrusse
Compagnie Théâtre du Mantois (Ile-de-France)
1h20 sans entracte – conseillé à partir de 9 ans
Avec Catherine Bayle, Audrey Le Bihan, Hoa-Lan Scremin, Laurent Joly, Nicolas Postillon, Loïc Puichevrier, Philipp Weissert
Musique de scène (piano / guitare) Christian Roux
Durée: 1h20Théâtre 13 / Jardin
103A Boulevard Auguste Blanqui – 75013 Paris (métro Glacière)
du 2 mai au 10 juin 2018
du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche le lundi
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