Après les violences qui ont éclaté dans le centre d’Aurillac, au soir du premier jour du festival de théâtre de rue, opposant les forces de l’ordre à un groupe d’émeutiers, la direction estime en être la victime collatérale.
Mercredi 20 août, un groupe de personnes, parfois masquées, s’est opposé aux forces de l’ordre sur une place du centre-ville d’Aurillac, s’en prenant à des abribus et à de nombreux commerces, lançant des projectiles sur les CRS, allumant des feux de poubelles. Dans un communiqué, la direction du festival « condamne ces violences avec la plus grande fermé. Elles n’ont rien à voir avec notre projet artistique et culturel. Le Festival n’en est ni l’origine ni l’acteur : il en est la victime collatérale. »
Selon une source policière, le groupe constitué de 300 personnes a descellé des pavés pour les lancer sur les forces de l’ordre et construit des barricades. Les CRS ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, finissant par repousser les groupes les plus virulents vers les rues adjacentes dans la nuit. Aucun bilan sur de possibles interpellations n’a encore été communiqué. « On ne peut pas laisser ces black blocs aux discours anarchistes casser notre ville et notre festival », avait déclaré à l’AFP le maire PS d’Aurillac, Pierre Mathonier. La direction du festival exprime sa « solidarité avec les commerçant·es touché·es par ces dégradations, avec les habitant·es choqué·es par ces images et avec les forces de l’ordre qui ont œuvré pour que la situation ne dégénère pas. »
L’avant-dernière nuit a été tendue, mais au lever du jour, vendredi 22 août, la préfecture du Cantal se réinvente en scène à ciel ouvert, fidèle à une tradition perpétuée depuis bientôt 40 ans. « À Aurillac, on respire le théâtre et la culture comme d’autres respirent l’océan », glisse Philippe, un habitant et festivalier, en observant une troupe hispano-argentine qui répète un numéro d’acrobaties sur une place publique. Partout, le théâtre reprend ses droits, loin du spectacle désolant des émeutes : les rues s’emplissent de musiques, de danses, de monologues. Les spectateurs affluent, les smartphones en main pour immortaliser cette magie fragile. « La violence détruit, mais l’art construit. On a choisi notre camp », lâche Camille, comédienne masquée, avant de disparaître dans la foule.
En arrière-plan, les stigmates de la nuit de mercredi à jeudi, au cours de laquelle huit policiers ont été blessés par des émeutiers cagoulés, sont visibles : vitrines fracturées, tags anti-police et anarchistes, forces de l’ordre quasiment à chaque carrefour. La préfecture a indiqué qu’aucun nouvel incident n’était à signaler vendredi. Pour autant, « le dispositif avec renfort est maintenu jusqu’à la fin du festival » samedi, a-t-elle précisé, en référence à l’envoi de la CRS 83, spécialisée dans les émeutes.
« Utopie »
Fondé en 1986, le festival international de théâtre de rue d’Aurillac qui attire près de 180 000 visiteurs repose sur un pari simple : transformer chaque rue, chaque lieu, chaque façade en scène. Les œuvres présentées ici portent souvent une réflexion critique sur la société, et l’événement a déjà été entaché par des violences. En 2023, à l’issue d’une manifestation de soutien à une femme poursuivie pour s’être promenée seins nus, des individus s’en étaient pris au tribunal, se livrant à des dégradations estimées à 250.000 euros par le gouvernement.
Mais les violences de cette édition « salissent l’image de cet événement », qui en est « victime », et n’ont « rien à voir avec notre projet, qu’il soit artistique, culturel ou social », tient à souligner Frédéric Rémy, directeur du festival. Selon lui, « ce festival rassemble des artistes, du public, des festivaliers, des habitants pendant quatre jours pour vivre une forme d’utopie, d’un monde peut-être différent, plus fraternel ». « On ne vient pas seulement pour voir des spectacles, on vient pour être traversé par eux, les vivre jusqu’au plus profond de soi », confirme Marion, 28 ans, spectatrice de Toulouse qui refuse de croire que les violences soient l’œuvre de festivaliers ou d’artistes.
« Répondre par le rire »
Pour que la fête continue, des petits groupes de CRS ont sillonné les avenues toute la nuit dernière. « C’est difficile de dormir après la nuit que l’on a vécue. J’ai défendu ma terrasse et mon commerce coûte que coûte », raconte Victorien Chauvet, propriétaire d’une brasserie près de laquelle ont éclaté les émeutes. Pourtant, dès l’aube, le commerçant a ouvert sa terrasse. « Je refuse de céder. Le festival, c’est une grande fête de mon chiffre annuel ».
Même état d’esprit du côté des entreprises. « On a eu peur que tout s’arrête, que le public fuie », admet Antonio, artiste d’origine espagnole. « Jouer dehors, c’est toujours accepter l’imprévu. Cette année, l’imprévu est plus brutal. Nous voulons répondre par le rire et l’émotion », relève Martha, une metteuse en scène brésilienne. « L’on ne peut pas faire comme si tout allait bien, reconnaît Laurent, professeur de théâtre. Mais peut-être que l’art sert justement à ça : nous rappeler que l’on peut encore se rassembler. »
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