Pour la compagnie allemande Tanzmainz, Sharon Eyal déploie écriture intense et étrange qui corsètent les corps, pour contenir des émotions prêtes à déborder. A travers des états de corps extrêmes, la chorégraphe israélienne joue avec les dynamiques de groupe et touche intimement le public. La première française s’est déroulée à l’ONDE, le Théâtre Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay, le spectacle arrive au Théatre des Abbesses à Paris.
Son écriture singulière ne laisse pas indifférent. Depuis une dizaine d’années l’ancienne chorégraphe et directrice artistique associée de la Batsheva dance company, Sharon Eyal, déploie une patte viscéral et intense, qui combine énergie bouillonnante et gestes contenus, à travers une organisation corporelle étrange. Ce style frontière entre préciosité et étrangeté a séduit les scènes à travers le monde, tissant même des liens avec la mode (elle était chorégraphe d’un défilé pour Dior en 2019 et habillait ses interprètes de leurs créations en 2021). Avec Promise (2022), elle convoque sept danseurs de la compagnie allemande Tanzmainz, – pour qui elle avait déjà monté Plafona now en 2013 et Soul Chain en 2018. Elle pousse le geste à extrême pour faire jaillir des dynamiques de groupe et toucher intimement le public.
Vêtus de body bleu et de longues chaussettes grises, les danseurs et danseuses de la compagnie Tanzmain, se muent de concert, sur une même pulsation, comme un organisme. On pourrait croire qu’ils incarnent les cellules d’un organe, ou peut-être des ligaments, des vaisseaux sanguins. Juchés sur la pointe des pieds, tremblants, les danseuses et danseurs projettent leur cage thoracique en avant, ondulent par saccade, en équilibre entre sensualité et malaise. Les corps sont comme corsetés dans un étau, qui entrave l’intérieur qui lutte perpétuellement pour se libérer. En émane un trop plein émotionnel, où le débordement n’est jamais loin.
Plutôt abstraites et hypnotiques, les chorégraphies de Sharon Eyal sont souvent porteuses de thématiques concrètes, en témoigne sa trilogie crée entre 2016 et 2020 autour de l’amour composé d’OCD Love, Love Chapter 2 et de Chapter 3 : The Brutal Journey of the heart, qui évoquait l’intensité du sentiment amoureux. Dans Promise, ce sont les gestes qui sont parfois figuratifs : des petits mouvements de bras coudes collés au corps, qui laisse imaginer une course, un geste gracieux de la main vers la bouche, qui sont répétés pour créer un mouvement de groupe entraînant.
Ce groupe d’humains collés les uns aux autres, comme interdépendant, laisse toutefois émaner des bribes d’individualité, grâce à quelques pas de salsa, un porté ou une tête qui jaillit de la masse. Le toucher apparaît comme le liant de cet ensemble intense – à travers les mains qui pressent leur propre buste ou agrippent la chair des autres – qui contamine le public. Par empathie kinesthésique, la danse imprègne la salle, nous permettant de capter toutes ses nuances et ses ambigüités. Et les corps cadenassés dans une forme contraignante, prêts à exploser, nous maintiennent en alerte du début à la fin.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Durée : 45 min
Promise
Chorégraphie : Sharon Eyal
Tanzmainz Avec Zachary Chant, Finn Lakeberg, Cornelius Mickel, Amber Pansters, Maasa Sakano, Marija Slavec, Matti Tauru
Conseil artistique Gai Behar
Costumes Rebecca Hytting
Composition Ori Lichtik
Lumières Alon Cohen
Assistante à la chorégraphie Rebecca Hytting, Keren Lurie Pardes
Direction des répétitions Natalia Rodina
Direction compagnie Honne Dohrmann
Direction de la production artistique Lisa Besser
Coordination tournée Hannah Meyer-Scharenberg
Assistante à la direction de la danse Julia Kraus
Mise en place scène & son / performance invité Luka Curk
Equipement lumières/invité performance Dominik Hager
Chef de plateau / invité performance Matthew TusaPremière française – L’Onde
Le 27 novembre 2022Théâtre de la ville, Les Abbesses
Du 14 au 24 juin 2023
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