Le CNAC fait briller sa 37e promotion

Photo Christophe Raynaud de Lage

Comme chaque année, le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne dévoile le travail des élèves sortants de sa formation sous le regard d’Halory Goerger, qui met en valeur une 37e promotion pleine de vivacité et d’humour.

Le spectacle de la fin des études de la trente-septième promotion du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne. Avec un titre pareil, on pourrait se dire que personne ne s’est foulé pour montrer un peu d’inventivité. En réalité, ce titre est le premier indicateur du ton badin qui teinte ce spectacle de sortie de promotion mis en piste par l’inclassable Halory Goerger. Plus de théâtralité et plus d’humour, c’est le parti-pris du metteur en scène, auteur et scénographe issu davantage du théâtre de performance et d’installation que de l’univers circassien, même s’il s’était déjà penché sur l’esthétique du jonglage dans Il est trop tôt pour un titre lors d’un « Sujet À Vif » au Festival d’Avignon, en 2016, en mettant en scène Martin Palisse, jongleur et directeur du Sirque, Pôle National Cirque de Nexon. Avant même que les élèves ne fassent leur entrée, on se doute déjà que le décalage sera au cœur de la création, rien qu’en percevant les roulements de tambours et les trompettes qui nous accueillent, musique immanquablement associée au cirque traditionnel. Or, on sait bien que la vision de ces tout jeunes artistes sera tout sauf ancrée dans la tradition.

En témoigne l’étrange structure noire et ronde suspendue dans les airs, surmontée d’une couronne rectangulaire et affublée d’un énorme pompon à la manière… d’un immense chapeau de diplômé. Car il s’agit bien de performer ici le rituel qu’est la cérémonie de remise des diplômes, comme moment de vie majeur pour les jeunes artistes, mais aussi comme instant codifié, toujours un peu pompeux, et donc savoureusement théâtral.
Les quatorze élèves issus de la 37e promotion du CNAC font leur entrée en piste en rang d’oignons et viennent se positionner sous l’immense chapeau, qu’ils portent donc tous collectivement. Une ministre de la Culture surexcitée et doucereuse vient leur remettre leur précieux sésame et, sur un ton grinçant, leur donne un « kit du jeune circassien » composé d’un mini chapiteau (une toile de tente) format amovible pour pouvoir facilement se produire « dans tous les campings de France » – en référence au projet d’« été culturel au camping » lancé par Rachida Dati en mai 2025 –, avant de les inviter à « traverser la rue pour trouver un emploi » – clin d’œil à la petite phrase prononcée par Emmanuel Macron en 2018. Finalement, enterrant tout espoir que leur carrière ne décolle réellement un jour, la ministre attribue à chaque élève un métier afin « de faire gagner du temps à France Travail ». Celui-ci sera technicien de surface, celle-là manutentionnaire.

C’est ce ton un peu pince-sans-rire qui permet de se moquer gentiment de la situation, et de dédramatiser cette étape majeure et potentiellement angoissante pour de jeunes artistes qui, même diplômés de l’une des meilleures formations de cirque contemporain en France, doivent se confronter aux réalités de la vie active dans un secteur toujours plus exsangue. Ce sont leur virtuosité, leur solidité de groupe et leur sourire qui viennent démontrer sur la piste qu’ils continuent de porter en eux l’espoir d’une nouvelle génération pleine de talent. Preuve en est : les quatorze membres de la promotion ont exprimé le désir de former une compagnie à l’issue de la tournée du spectacle pour continuer l’aventure, ensemble. Cette énergie de groupe, c’est bien ce qui caractérise toutes les chorégraphies de cette création de sortie d’école – un format très codifié où chaque interprète doit être visible au moins trois minutes chacun sur son agrès respectif, afin de constituer sa carte de visite auprès des professionnels du secteur. Ici, pas d’enchaînement classique d’un numéro après l’autre, tout est réfléchi à plusieurs autour d’une théâtralité assumée et de la force du récit, pris en charge principalement par Matéo Motes en meneur de piste survitaminé. On retient en priorité les sangles époustouflantes et disco de l’Ukrainien Vladyslav Ryzhykh et de sa camarade belge Lucy Vandevelde, la corde molle si poétique de Viola Fossi et le mat chinois très expressif de Marc-Félix Fournier. Le tout accompagné du fil d’Anaïs Boyer, des roues Cyr d’Antonio Armone, Clarisse Baudouin et Iuna Lhomme, du trapèze fixe d’Alice Langlois, mais aussi des acrobaties et des portés d’Enrica Boringhieri, Mathilde Hardel, Federica Peirone et Shay Shaul.

C’est un cirque du commun qui se révèle ici, moins centré sur la technique et la recherche à tout prix de l’étonnement du spectateur, mais davantage ancré dans le récit d’individualités qui fonctionnent ensemble. La nouvelle magie n’est jamais loin non plus, comme lorsqu’une structure s’élève dans les airs façon cabane d’enfant perchée en haut d’un arbre et qu’elle révèle un porté à trois comme un tronc qui se hisse. Le tout est accompagné par la musique de Martin Granger, qui abandonne bien vite tambours et trompettes pour mener un set électro endiablé. On regrette seulement les séquences un peu faciles imaginées autour de la tente pliable préférée des campeurs, qui, si elle promet de nombreuses situations comiques de par sa forme si reconnaissable, laisse un petit goût de déjà-vu tant son potentiel burlesque semble avoir été exploité jusqu’à la corde. Plus dommageable, on peine à voir ce que la récurrence de cette toile de tente, tantôt chapiteau portatif, tantôt détourné en habit de mode, permet. L’objet devient alors un peu fourre-tout et illustre la narration plutôt qu’il ne la sert. Il n’en reste pas moins que Le spectacle de la fin des études de la 37e promotion du Centre National des Arts du Cirque porte haut la verve et l’espoir des talents du cirque de demain.

Fanny Imbert – www.sceneweb.fr

Le spectacle de la fin des études de la trente-septième promotion du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne
Mis en piste par Halory Goerger avec la 37e promotion du CNAC
Avec Antonio Armone, Clarisse Baudoin, Enrica Boringhieri, Anaïs Boyer, Marc-Félix Fournier, Viola Fossi, Mathilde Hardel, Alice Langlois, Iuna Lhomme, Matéo Motes, Federica Peirone, Vladyslav Ryzhykh, Shay Shaul, Lucy Vandevelde
Assistante Camille Paycha
Musique Martin Granger
Régie son Robin Mignot
Conseil mouvement Colline Etienne
Costumes Julie Brones
Renfort costume Majlinda Picaku
Régie générale Julien Mugica
Coordinatrice de l’insertion professionnelle Juliette Tardit Wagner
Régie son Thibaut Paris
Régie lumière Juliette Delfosse en alternance avec Vincent Griffaut
Réalisation scénographique Émile Galy, Ebrahem Koukach, Christian Laporte, Jean-Charles Le Gac, Éric Michel, Julien Mugica, Nicolas Raffaelli, Till Suty (sur une idée de Halory Goerger)

Production CNAC – Centre National des Arts du Cirque
Accueil en résidence La Brèche, Pôle National Cirque de Normandie / Cherbourg-en-Cotentin
En collaboration avec La Comète, Scène nationale de Châlons-en-Champagne
En partenariat avec Le Manège – Scène national de Reims

Le CNAC est un opérateur de l’État, financé par le ministère de la Culture – Direction Générale de la Création Artistique (DGCA). Il bénéficie du soutien du Conseil départemental de la Marne, de la Ville et de la Communauté d’Agglomération de Châlons-en-Champagne. Partenaire privilégié du CNAC, le Conseil régional du Grand Est contribue par son financement
aux dispositifs d’insertion professionnelle mis en place par le CNAC.

Durée : 1h20

CNAC, Châlons-en-Champagne
du 3 au 14 décembre 2025

La Villette, Espace Chapiteaux, Paris
du 4 au 22 février 2026

Cirque-Théâtre d’Elbeuf, Pôle national cirque Normandie, dans le cadre du Festival SPRING
les 27 et 28 mars

Cirk’Eole, Montigny-lès-Metz
du 2 au 4 juillet

Les Transversales, Verdun
les 15 et 16 juillet