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« La tête loin des épaules », déséquilibres assumés

A voir, Les critiques, Marseille, Théâtre
Kristina Chaumont crée La tête loin des épaules
Kristina Chaumont crée La tête loin des épaules

Photo Raphaël Arnaud

Travaillant volontiers l’instabilité, le seule en scène de Kristina Chaumont passe par l’intime pour interroger collectivement la stigmatisation entourant les troubles bipolaires et, plus largement, la « normalité ».

Dès son intitulé en mode clin d’œil et prise à rebrousse-poil de l’expression « la tête sur les épaules », La tête loin des épaules affirme et assume le décalage, le pas tout à fait raccord, l’once d’insensé comme horizon. Une position on ne peut plus cohérente au vu du propos de la pièce : pour sa première création en tant qu’autrice et metteuse en scène, la comédienne Kristina Chaumont – qui a notamment joué sous la direction de Clara Hédouin et Jade Herbulot, Tamara Al Saadi (qu’elle a également assisté à la mise en scène) ou encore Robin Renucci – se saisit de l’histoire de sa mère. Accompagnée à la conception de ce spectacle par la comédienne et metteuse en scène Justine Bachelet, Kristina Chaumont aborde ainsi les troubles bipolaires de sa mère. Scrutant la chute autant symbolique et sociale que psychique de cette femme qui, une fois diagnostiquée à l’âge de 39 ans, a vu sa vie basculer, la jeune artiste balance entre attaque en règle de la psychiatrie et exposé sensible de tout ce qui constitue le paysage d’une telle maladie. S’y coltinant frontalement, dépassant la honte et la culpabilité face à sa propre perception de cette affection, Kristina Chaumont met le déséquilibre au centre. Le décalage, le vrillage, l’irrationnel et les coups de sang, ces états et étapes liées à cette maladie, structurent également le spectacle. Si ce choix de tangage formel est porté par une nécessité à dire, à transmettre, à partager et bousculer, cela se fait également au risque de faiblesses dramaturgiques ou de surrégime de jeu.

Pour ses représentations printanières, c’est au Théâtre de l’Astronef – situé au cœur du Centre hospitalier Édouard Toulouse de Marseille – que La tête loin des épaules s’installe. Lorsque le public entre dans la salle, ce n’est pas pour prendre place dans les gradins habituels, mais dans un espace aménagé spécifiquement au plateau et favorisant une grande proximité entre la comédienne et les spectateur·rices. Là, Kristina Chaumont nous accueille, tandis que l’on découvre différentes phrases – des citations d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, des paroles de chansons, un témoignage de sa mère – inscrites sur les murs. Vêtue d’un t-shirt gris et d’un pantalon rouge, buvant du coca et en proposant allègrement à qui veut, écoutant More Than This de Roxy Music – qu’elle confie beaucoup aimer –, la comédienne semble high, soit dans un moment d’euphorie pouvant s’apparenter à une phase maniaque. Avec excitation, elle évoque succinctement ce morceau, sa mère, avant de nous faire écouter un dialogue entre elle et cette dernière. Ce moment émouvant – au cours duquel elle s’assied à une table face public, laissant parfois échapper, comme malgré elle, un lipsync des paroles maternelles – constitue l’une des multiples bascules du spectacle.

À cet instantané de la vie entre une fille et une mère, conversation ubuesque portant sur la prise de médicaments, succède une multiplicité de séquences, comme autant de facettes par lesquelles appréhender les troubles bipolaires. L’ensemble se déplie dans un dispositif scénique modeste, la comédienne travaillant par des adresses et des regards le lien avec le public (qui ne sera jamais dans l’obscurité). Du parcours de sa mère – dont la première crise eut lieu alors que la comédienne était âgée de 5 ans – à son entrelacement avec une présentation méthodique de cette maladie, jusqu’à un monologue aux accents hystériques d’une psychiatre, Kristina Chaumont explore tout ce que cette expérience intime a charrié en elle comme émotions, réflexions, analyses, rejet. Embrassant son sujet de façon directe et sans fard, le mettant en partage avec une générosité aussi juste que rare, l’artiste traverse les souvenirs, les analyses, les écrits d’auteur·rices – citons notamment Kae Tempest, Sarah Kane et Virginia Woolf –, mais aussi les espaces. Après l’exposé scrupuleux de la maladie, de ce qu’elle fait, de l’isolement qu’elle crée et dont elle se nourrit, après avoir laissé libre cours à la colère – celle de sa mère face aux défaillances du système psychiatrique, que l’artiste a faite sienne –, Kristina Chaumont prend la clé des champs. Formellement comme métaphoriquement : embarquant à sa suite les spectateur·rices, la comédienne guide – en prenant toujours le temps de s’arrêter sur de menues choses, d’évoquer des détails comme des interrogations – une déambulation en extérieur. Cette échappée poétique où d’autres protagonistes apparaissent, récitant des textes ou chantant, débouche sur un pique-nique partagé. Ultime moment où l’artiste tresse, là encore, les références et les sources, l’imaginaire et le documentaire avec ses propres questionnements, dans une grande proximité.

Il se dit dans les multiples changements de territoires, de personnages – la comédienne jouant alternativement et dans le désordre sa mère, elle-même, une soignante –, de registres de paroles – témoignage intime, écriture fictionnelle, convocation de sources documentaires, scientifiques et philosophiques –, le désir tenace de mettre au travail collectivement une réflexion sur la psychiatrie en tant que système. Pour autant, si l’on saisit la démarche d’arpentage ainsi que la pugnacité de Kristina Chaumont, la proposition pâtit de déséquilibres. Outre le jeu qui pourrait être plus percutant et incisif en étant plus retenu – le côté en force en venant à neutraliser le propos –, outre l’écriture qui pourrait être parfois plus subtile – le risque de bazarder toute la psychiatrie avec l’eau de bain n’est souvent pas loin –, le spectacle souffre de longueurs. Reste néanmoins une création aussi baroque que singulière, inventive que libre, et portée par une comédienne à l’énergie puissante.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

La tête loin des épaules
Écriture, mise en scène et interprétation Kristina Chaumont
En collaboration avec Justine Bachelet
Régisseur général Yannick Gonzalez Altmann

Production La Criée – Théâtre National de Marseille
Avec le soutien du Pôle Arts de la scène

Durée : 1h45

L’Astronef, Marseille
du 16 au 19 avril 2025

19 avril 2025/par Caroline Chatelet
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