Le comédien Serge Abatucci est en ce moment sur la scène de La Scala à Paris dans Moi Kadhafi, un spectacle de la Compagnie KS and CO installée à Saint-Laurent du Maroni depuis 2002, troupe qui a préfiguré la création du centre dramatique Kokolampoe, devenu scène conventionnée d’intérêt national pour un théâtre équitable, qui compte également une école.
Ewlyne Guillaume et Serge Abatucci codirigent la scène conventionnée Kokolampoe, installée à Saint-Laurent du Maroni, à l’extrémité nord-ouest du département de la Guyane. C’est l’arrondissement le moins peuplé du territoire national avec 2,4 hab/Km2, à 253 kilomètres de la capitale, Cayenne. Kokolampoe signifie en langue bushinengué : petite lampe à pétrole, lumignon, autour duquel les enfants font encore leurs devoirs, et plus tard dans la soirée, les adultes à leur tour forment le cercle pour raconter des histoires. Ce système d’éclairage est aujourd’hui utilisé dans les petits villages en Guyane et au Surinam, et autrefois aux Antilles.
Le théâtre s’est installé dans le bagne de Saint- Laurent du Maroni. « Nous avons transformé les cellules prison en cellules théâtre » explique Serge Abatucci. Pendant des années, des milliers de bagnards condamnés aux travaux forcés, dans le cadre de la « colonisation pénale » ont transité par ce camp pour être dirigés ensuite vers d’autres sites (Cayenne, les Iles du Salut). Aujourd’hui on y forme des comédiens et des techniciens au sein du TEK, Théâtre École Kokolampoe.
La formation de comédien est enseignée par Ewlyne Guillaume avec des professeurs de l’ENSATT (Lyon) et par certains des artistes accueillis dans le cadre de la scène conventionnée Kokolampoe et du Festival Les Tréteaux du Maroni. Le DUPMA, Diplôme Universitaire de Préparation au Métier d’Acteur est une formation diplômante Bac+2. La formation de technicien du spectacle vivant Son Lumière Plateau est dispensée sous la direction pédagogique de Serge Abatucci, par les formateurs du Centre national de formation professionnelle aux techniques du spectacle de Bagnolet.
« On n’a jamais imposé une quelconque mission théâtrale en Guyane » explique Ewlyne Guillaume. « Je crois que ça aurait été impossible d’ailleurs, parce que les communautés, les cultures auraient résisté à cela. Ce sont des cultures fortes avec lesquelles on travaille. Le mot théâtre, il a fallu l’expliquer. On est parti de tous petits points et on a agrandi notre surface pour se projeter en dehors du bagne. » Trois promotions sont déjà sorties du Théâtre École Kokolampoe prêtes à se lancer dans la grand bain du spectacle vivant. « Ce qui nous importe c’est la circulation des œuvres, la circulation des personnes et des savoir faire » poursuit Serge Abatucci.
Kokolampoe a aussi inventé des brigades théâtrales. Gràce au Pass Culture depuis le mois d’octobre 2023, plus de 70 représentations ont été données par les comédiens du centre dramatique Kokolampoe en direction de 1750 collégiens et lycéens dans les établissements scolaires de l’Ouest Guyanais.
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