Quasi inconnue en France, la québécoise Brigitte Poupart électrise les Nuits de Fourvière dans un grand cube noir au carrefour du voguing, de l’électro et du cirque.
Plus de 30 ans déjà que Brigitte Poupart travaille à faire du « Transthéâtre », du nom de sa compagnie qu’elle co-fondé en 1991, un après sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Montréal. La France la connait mal (voire pas) et désormais beaucoup mieux. Après sa création en 2022 à Montréal, Jusqu’à ce qu’on meure déboule en Europe, à Lyon.
En préambule, à regarder debout pendant que la jauge se remplit (300 à 400 personnes dans cette configuration) : un court-métrage qu’elle a réalisé, projeté sur un rideau de plastique où tous « ses » artistes se débattent dans des lieux vides et hostiles. Déjà, ils esquissent des gestes de circassiens. La fin du monde nous pend au nez comme elle transpire des cintres : au-dessus de nos têtes, des vestiges de matelas désossé, des poussettes abîmées. Flash-back. Tout l’enjeu de la metteuse en scène et autrice de ce travail est de remonter le temps et faire revivre ce qu’il y avait avant : de la vie.
Derrière cet écran : des plateaux de théâtres, des décors, des surfaces de jeu pour ces douze danseurs et circassiens canadiens, mexicain, biélorusse, brésilien, passés par le Cirque du Soleil (pour qui Brigitte Poupart a mis en scène Luzia), Eloize, mais aussi Decouflé, Michèle-Anne de Mey etc. Ils ont une technicité remarquable (vrilles suspendues, théâtre vertical en marchant à la perpendiculaire d’un mur…) et un espace de jeu rare. Figés sur estrade, se réveillant d’un trauma (accident ? catastrophe climatique ? attentat ?), ils se déplient, apprennent à se reconnaitre, furètent entre le public, tentent de lire, de manger, de survivre en attrapant la végétation restante ou sauvant des eaux de menus objets. La proximité avec eux et pouvoir déambuler est une force de ce spectacle « immersif » dont l’esthétique et les codes corporels flirtent avec (La) Horde version du très réussi Room with a view ou du plus mode Age of content. Il y a en commun la volonté de construire le spectacle avec la musique live. Il y avait Rone pour (La) Horde (certaines représentations étaient en musique enregistrée) et c’est la lyonnaise Romane Santarelli qui officie juchée sur un échafaudage comme dans les festivals électro auxquels elle est invitée. Une bonne partie du public est aussi venu pour elle et son set. Dans chaque ville de la tournée de Jusqu’à ce qu’on meure, une nouvelle artiste aux platines.
Comme dans la dernière création de La Horde, une voiture est prétexte à la danse pour une séquence trop appuyée et démonstrative à la West side story. C’est quand la troupe se démène sur un plan incliné, sur une cabine téléphonique dézinguée et surtout dans une cuisine renversée (toues les meubles sont fixés sur le mur du fond) qu’elle donne le meilleur d’elle-même, obligée d’inventer des gestes, des relations heurtées et ambivalentes. La lointaine trace du meilleur de Zimmermann et De Perrot apparait en filigrane. Avant que tout ne finisse (ou ne commence) par la furie du voguing et du waacking, et la libération des corps dès lors que la boule à facettes luit.
Brigitte Poupart parvient à tenir sa route entre entertainement heureusement contenu et réelle tentative de fabriquer un objet très singulier. Pas étonnant qu’elle s’associe à nouveau au chorégraphe Dave St-Pierre (et sa complice et interprète Marie-Eve Quilicot) tant il a su mêler dans ses pièces le morbide à la dérision, les danseurs aux circassiens. Comme ici.
Nadja Pobel – www.sceneweb.fr
Jusqu’à ce qu’on meure
Idée originale, écriture, direction artistique et mise en scène : Brigitte Poupart
Musique originale : Alex MacMahon
Interprètes : Yury Paulau, Claire Hopson, Jeff Hall, Michaël Hottier, Yuma Arias, Aurélien Oudot, Joy Isabella Brown, Bia Pantojo, Eduardo Grillo/Benjamin Courtenay, Axelle Munezero, Marie-Reine Kabasha, Lakesshia Pierre-Colon
DJ : Romane Santarelli
Chorégraphes : Marie-Ève Quilicot, Dave St-Pierre
Scénographie : Brigitte Poupart, Patrick Binette, Hugues Lettelier
Designer acrobatique : Mathieu Grégoire
Costumes : Cédric Quenneville, Dave St-Pierre
Maquillage/coiffure : Mélanie Belisle
Éclairages : Mathieu Roy
Son : Jacques Boucher
Opérateur : Joseph Perreault, Rémy Jannelle
Direction de production : Martin Fassier
Direction technique : Patrick Pépin
Gréeur : Thomas Roy
Régisseur plateau : Miro Ramirez
Productrice : Geneviève Lussier
Transthéâtre bénéficie de l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des Arts de Montréal, du Fonds National de création du CNA.
Transthéâtre remercie La Tohu et les membres du Conseil d’Administration pour leur
précieuse collaboration.Durée : 2h
Au Pôle Pixel de Villeurbanne. Dans le cadre des Nuits de Fourvière
Du 25 juin au 2 juillet 2024
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