Mis en scène par Mickaël Allouche, le jeune Carrelage collectif aborde dans Jules l’univers du fast-food d’une manière inattendue. Avec un humour, une énergie nourrie par sa pratique de l’impro.
Dès que Barthélémy Maymat entre sur le plateau nu avec son badge au nom de « Jules » accroché sur la poitrine – « Je ne m’appelle pas Jules, je m’appelle Barth », ne cessera t’il de répéter –, le Carrelage collectif créé en décembre 2018 pose les bases d’une drôle de fiction. Avec son air penaud, naïf, ses gestes un peu maladroits et sa manière de lancer à la ronde un grand « bonjour », il éloigne d’emblée la pièce des possibles craintes liées à l’équation « fast-food » plus « théâtre » posée par la jeune compagnie sur la feuille de salle du Théâtre de Belleville. Jules n’est pas une énième critique de la société de consommation. Du moins pas une critique classique, manichéenne et naturaliste. Ce que confirme la chorégraphie absurde mais bien huilée, mécanique, des trois autres comédiens formés eux aussi du conservatoire du XIIIème arrondissement dont est également issu le metteur en scène Mickaël Allouche. Entre le fast-food et Jules, c’est une cuisine complexe. Pleine de danse, de dialogues et de chant. Pleine de tendresse et d’humour, mais aussi de violence, de tragédie.
Écrit par Mickaël Allouche et ses quatre interprètes – Barthélémy Maymat, Juliette de Ribaucourt, Adrien Madinier et Paul Scarfoglio –, Jules est un récit initiatique ancré dans une époque, une génération précise. Celle des années 90, pour qui le fast-food est « un lieu de rencontre où l’on se croise, auquel on va en famille, avec des amis ». « Un lieu paradoxal », dit le metteur en scène dans le dossier de presse du spectacle. Un symbole du capitalisme, de la consommation, qui est aussi l’un des rares endroits de mixité sociale et culturelle des sociétés occidentales contemporaines. C’est un cauchemar doublé d’une utopie.
Sorte de Candide des temps actuels, catapulté dans un monde dont il ne connaît aucun des codes, Jules en incarne toute la complexité. Ses compagnons de plateau aussi, qui sont à la fois ses collègues du StarBurger et des personnes de l’extérieur. Un critique culinaire par exemple, qui projette d’incendier dans ses colonnes la chaîne de fast-food… Avant de tomber amoureux de la directrice du restaurant où Jules vient d’être embauché, une jeune femme dynamique qui parle un franglais tarabiscoté. Dans Jules, les langages font comme les sentiments : ils se mêlent et s’emmêlent. Joyeusement, avec un naturel qui doit beaucoup à l’improvisation que le collectif affirme utiliser comme un outil d’« exploration immédiate et spontanée d’une réalité sociale ».
La forme de Jules est au diapason du regard qu’il porte sur son sujet : ouverte et dynamique. Dans un mouvement permanent, qui permet la rencontre entre l’esprit du dessin animé, le trait de la bande dessinée, l’esthétique de la comédie musicale – les excellentes scènes des presque jumeaux « empileurs de boîtes », heureux dans leur sous-sol, sont un évident clin d’œil à Jacques Demy – et celle la comédie sociale ou du roman d’apprentissage, ou encore du théâtre de recherche. Jules est caméléon qui aime à se faire traquer. Comme son héros éponyme, idéaliste et capable de s’épanouir dans la malbouffe et d’y inventer un itinéraire personnel, Carrelage collectif ne chante et ne danse que pour nous mener ailleurs, vers la réflexion. Tout comme il prépare en direct une ratatouille pour parler frites et burgers. Dans Jules, personne n’échappe à son époque, mais tout le monde la modèle, la cuisine à l’envi.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
JULES
Mise en scène Mickaël Allouche
Écriture Mickaël Allouche, Juliette de Ribaucourt, Adrien Madinier, Barthélémy Maymat, Paul ScarfoglioProduction Carrelage Collectif
Durée du spectacle 1h15
Off 2022
Théâtre des Barriques
du 7 au 30 juillet 2022 à 13h05- relâche les 12, 19, 20 juillet
Wow quel texte magnifique, merci beaucoup pour cet aperçu pittoresque. Pour nous qui ne pouvons pas le voir s’est un grand cadeau. Vive fast food, vive Mickaël Allouche, el padrino!
J’y vais !
Un très bon moment, drôle et juste , j’ai adoré les Pascal…ces jeunes ont tout des grands…et on va parler d’eux….je vous l’assure….