« Monsieur Ubu est un être ignoble, ce pourquoi il nous ressemble. Il assassine le roi de Pologne puis étant roi il massacre les nobles, puis les fonctionnaires, puis les paysans. Et ainsi, ayant tué tout le monde, il fait le vide autour de lui et agit alors sans limite. Il peut déchirer les gens parce qu’il lui plaît ainsi et prie les soldats russes de ne point tirer devers lui parce qu’il ne lui plaît pas. Il est un enfant terrible que personne n’ose contredire. » Alfred Jarry Il décervelle, rançonne, pille, tue, torture. Il crève de trouille. Il est commun, banal, terriblement banal. La fameuse banalité du mal. Le « merdre » qu’il poussa pour la première fois lors de la création en 1896 fît scandale. Et si en 2009 le scandale d’Ubu consistait en ce que la réalité, tout autour de nous, a dépassé la fiction et plus encore en ce que l’intolérable de cette réalité soit devenu tolérable ? Chaque matin, des tristes clones d’Ubu semblent nous grimacer un sourire, au détour des pages du journal que nous survolons. Le manque de vouloir frise la déprime, vaguement débonnaire, où ce qu’on voudrait ne vaut pas le coup et où ce qu’on fait, ce n’est pas ça. Quant au pouvoir, ceux qui l’occupent obtiennent bien ce qu’ils veulent, à savoir garder la place, mais à un prix très onéreux : ils présentent à ceux qu’ils gèrent une surdose de médiocrité car ils pensent que le public est médiocre et que si on lui montre du médiocre où il peut se reconnaître, ça tiendra en place et évitera les révoltes. Ubu est un digne héritier de Macbeth avec des allures d’homme politique. Il faut le jouer tambour battant. C’est une charge au pas de course, une dynamique à l’assaut d’un bastion à emporter sur l’ennemi. Farce bouffonne, dénonçant la démagogie et la bêtise, il est sain et urgent de rire avec Jarry de notre réalité. Il est des heures où la dérision devient le remède à l’ignorance et la parodie à l’horreur. Avant que la déferlante nous submerge, espérons encore que le théâtre, nous offre l’espace nécessaire à notre survie. En somme, le scandale serait qu’Ubu ne fasse plus scandale. Plus besoin de théâtre pour nous montrer la banalité du mal, puisqu’il nous suffit d’allumer la télévision. Alors utilisons des supports à l’image, au son, à la vidéo. Mêlons la « réalité Show » aux grands discours politiques dont nous voilà les témoins, et embarquons pour une croisière qui s’amuse, dans laquelle tout peut être possible. Toute ressemblance avec la réalité, ou des personnages réels ne serait que pure fiction… Note d’intention de Franck Berthier.
UBU ROI d’après Alfred Jarry
Mise en scène Franck Berthier
Avec Jean-Philippe Ecoffey
Marie-Christine Letort
Teresa Ovidio
Patrick Palmero
Jean-Pierre Poisson
Assistante à la mise en scène Katia Soshalskaya
Adaptation et dramaturgie Stéphane Guérin, Franck Berthier
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