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« La Fausse Suivante » et la comtesse aux pieds nus

A voir, Les critiques, Théâtre, Villeurbanne
Jean Liermier met en scène La Fausse Suivante de Marivaux
Jean Liermier met en scène La Fausse Suivante de Marivaux

Photo Lauren Pasche

L’amour en prend pour son grade dans La Fausse Suivante de Marivaux. Une comédie particulièrement piquante et théâtrale dont Jean Liermier fait entendre les nombreux échos, historiques et contemporains, mais surtout intemporels : comme notre besoin d’amour est impossible à raisonner !

Jean Bellorini accueille au Théâtre National Populaire (TNP) son… futur prédécesseur. Ainsi en va-t-il du monde du théâtre qui ressemble parfois à un jeu de chaises musicales. Le futur directeur du Théâtre de Carouge, en Suisse, reçoit donc dans la grande salle du mythique lieu villeurbannais qu’il dirige une Fausse Suivante déjà bien rodée – elle a été créée en 2020 – mise en scène par Jean Liermier, actuel dirigeant du théâtre helvète. Comédie relativement précoce de Marivaux, La Fausse Suivante (1724), comme l’a souvent fait l’illustre auteur, maltraite rudement le sentiment amoureux. L’intrigue en est simple – si l’on peut dire : une femme se déguise en homme pour espionner celui qu’elle doit épouser afin de s’assurer de son choix. Mais ce dernier, croyant donc que celle-ci est un homme, veut l’utiliser pour séduire une comtesse à qui il est actuellement promis afin que cette dernière le chasse, ce qui lui permettra, un contrat les liant, d’empocher la somme de 10 000 écus. Ajoutez-y quelques serviteurs avides, comme souvent au théâtre, de sexe, de vin et d’argent, et prompts à révéler bien des secrets, et une nature humaine bien faible dont Marivaux s’est toujours plu à rire, et nous voilà embarqués dans une comédie qui, aussi noire que drôle, enchaîne jeux de dupes, faux semblants et autres traîtrises et coups de théâtre en tous genres. Plaisir intellectuel garanti.

L’entame de la pièce laisse passer quelques échos d’un siècle en pleine mutation derrière les plaintes figaresques d’un Trivelin au sujet de son statut de serviteur et l’évocation d’une querelle entre anciens et modernes dont Marivaux fut l’un des acteurs. Ce début surprend toutefois par une certaine lenteur. Marivaux, artisan d’un théâtre écrit pour des comédiens italiens très physiques, qui ne jouaient pas dans leur langue maternelle, pour la plupart, est plutôt réputé pour son écriture vive, rapide, à coups de répliques courtes, qui s’allongent donc ici. Également parce que Jean Liermier n’a pas cherché la vitesse, mais plutôt à installer une cadence qui laisse à la mélancolie le temps de s’épanouir en parallèle. Le rire chez Marivaux côtoie souvent la désillusion de très près et ses finesses sur le langage – ce que les mots disent, cachent, mais aussi trahissent ou laissent aux multiples interprétations – irriguent les dialogues d’une ribambelle de personnages, dont aucun n’est jamais sincère.

Aucun, excepté la comtesse. Véritable victime de ces multiples entourloupes, qui, seule, reste toujours honnête, et se laisse embarquer par les promesses de l’amour, tout en gardant principes et lignes de conduite à l’esprit. Prête à tout dès lors qu’elle se sent véritablement aimée – quelle erreur de croire cela chez Marivaux –, elle finira pieds nus dans la neige, à digérer ses déconvenues que l’auteur agrémente d’un sournois reproche quant à son inconstance. Car, d’un autre côté, comme le laissait entendre le sous-titre de la pièce – le fourbe puni –, le méchant Lélio, qui veut user de ses charmes et de promesses d’amour pour s’enrichir, sera châtié. Entre ces deux derniers, la fausse suivante, donc, doublement travestie, sur son sexe, mais aussi quant à son statut de suivante, puisqu’elle est en réalité la femme noble et fortunée que Lélio envisage d’épouser. Interprétée par l’androgyne Lola Giouse, celle qu’on appelle « Le chevalier » soutient parfaitement le trouble et l’illusion de son identité, tant pour le spectateur que pour les personnages.

L’âge avancé de la comtesse par rapport à ses soupirants souligne combien notre besoin d’amour ne s’éteint jamais. Brigitte Rosset, en bourge trépignante, est parfaite dans sa maladive candeur, dont elle ne peut se débarrasser bien qu’elle soit, en même temps, une personnalité en contrôle, construite et affirmée, que l’irrésistible horizon de l’amour parvient encore et toujours à faire vaciller. Le tout aurait pu gagner en grotesque et en vivacité. Beaucoup de dimensions se superposent dans cette mise en scène de Jean Liermier. Transitions en musique, changements de décor actionnés par les personnages d’un claquement de doigts, clochard céleste en forme d’ange à la Wenders qui vient délivrer une épître aux Corinthiens, les signes délivrés par la scène empilent des strates de sens hétéroclites. Mais avec son intérieur dépouillé qui s’ouvre sur une forêt enneigée, le metteur en scène suisse offre à ses acteurs et actrices un très bel espace de jeu dans lequel ils font entendre toute la subtilité d’un texte particulièrement cruel et théâtral à la fois. Christian Scheidt en Trivelin y déploie notamment son irrésistible pouvoir comique. Et la comtesse aux pieds nus y finit cruellement sous les roucoulements quelque peu ironiques d’un Cucurrucucú Paloma, qui fait écho au si romantique Quand on n’a que l’amour de Brel qui avait initié la pièce.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

La Fausse Suivante
de Marivaux
Mise en scène Jean Liermier
Avec Pierre Dubey, Baptiste Gilliéron, Lola Giouse, Jean-Pierre Gos, Brigitte Rosset, Christian Scheidt
Assistanat à la mise en scène Katia Akselrod, Amélie van Berchem
Scénographie et costumes Rudy Sabounghi
Assistanat et réalisation des costumes Véréna Gimmel
Lumière Jean-Philippe Roy
Univers sonore Jean Faravel
Maquillage et perruques Cécile Kretschmar, assistée d’Emmanuelle Olivet Pellegrin
Construction décor Christophe Reichel, Jimmy Verplancke
Peinture décor Éric Vuille
Modélisation du décor Julien Soulier
Impression toile de fond Peroni
Couture Giulia Muniz, Cécile Vercaemer-Ingles
Réalisation teinture costume Aurore De Geer
Régie générale et plateau Manu Rutka
Régie plateau Mitch Croptier
Régie lumière Jean Philippe Roy, reprise par Mathilde Foltier-Gueydan
Régie son Brian d’Epagnier
Habillage et coiffure Cécile Vercaemer-Ingles

Production Théâtre de Carouge
Coproduction tkm – Théâtre Kléber-Méleau à Renens

Durée : 2h10

Théâtre National Populaire de Villeurbanne
du 5 au 14 juin 2025

7 juin 2025/par Eric Demey
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