Au théâtre du Rond-Point, Maryam Khakipour et Jean-Daniel Magnin mettent en scène une pièce où se télescopent un drame intimiste et une histoire d’attentat. Le résultat est décevant.
Au départ, il y a une histoire étonnante qui se déroule en Iran. À Téhéran, un homme, la petite quarantaine, perd son travail. Dans la foulée, sa femme le met à la porte et le prive de la garde de ses enfants. Retour à la case départ : le pauvre trouve refuge chez sa mère, mais les choses ne s’arrangent pas. Un jour, celle-ci trouve la chemise de son fils, en sang, dans le panier à linge. Elle comprend qu’il a essayé de mettre fin à sa vie. Le choc est si violent qu’elle perd les pédales… Étrangement. La voilà qui se met à prendre sa triste progéniture pour son mari, mort il y a des années. Alors, fatalement, les rôles s’inversent. Le suicidaire est obligé de venir au secours de sa mère. Et se faisant, il se ressaisit. Résultat, la projection maternelle délirante cesse : il ne sera plus question du père. Et tout rentre dans l’ordre.
Cette histoire, c’est celle Maryam Khakipour, qui est la sœur du pauvre homme en question (et donc la fille de la mère démente), mais aussi une réalisatrice de documentaire, dramaturge et metteure en scène. Elle en a tiré un scénario pour le cinéma, qu’elle espère tourner un jour en Iran. En attendant, elle signe un spectacle créé avec Jean-Daniel Magnin, le directeur littéraire du Rond-Point (le texte a été retravaillé pour les planches). Enfin, il ne s’agit pas tout à fait de cette histoire. Et malheureusement d’ailleurs. L’autrice a choisi de prolonger son récit dans une tout autre voie. Le protagoniste est bien suicidaire, mais, entre-temps, il se fait manipuler par un terroriste qui le pousse à commettre un attentat kamikaze au nom de Dieu ; l’homme est désespéré, autant se servir de son corps…
Mais sur scène, le greffe ne prend pas. Dans nos esprits, le djihadisme est si chargé de sens, d’histoires et d’affects qu’il cannibalise le drame intimiste et familial de Maryam Khakipour ; celui-ci se suffisait à lui-même ! On ne croit pas à ce quadra un peu simplet et complètement découragé qui accepterait de commettre un attentat. On perd de vue ce qui se noue entre ces deux personnages et l’on oublie (presque) de se poser la question sous-jacente à la pièce : la mère fait-elle exprès de projeter le fantôme de son mari pour faire réagir son fils ? C’est bien dommage, car les comédiens sont tous excellents – Christine Murillo en tête, pour sa présence mâtinée de tendresse . La mise en scène est joliment fantaisiste dans cet appartement biscornu. Et l’humour noir apporte une touche de légèreté bienvenue. Mais pourquoi s’encombrer d’un sujet de société aussi lourd ?
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
Une pièce de Jean-Daniel Magnin
Inspirée du scénario de Maryam Khakipour
Mise en scène Jean-Daniel Magnin et Maryam Khakipour
Avec Christine Murillo, René Turquois, Hélène Viaux et Benjamin Wangermée
Scénographie Jane Joyet
Lumières Léandre Garcia-Lamolla
Création vidéo Olivier Roset
Création sonore Stéphanie Gibert
Production Antisthène, coproduction Théâtre du Rond-Point, Sémiramis, Théâtre du Crochetan-Monthey (suisse), la Maison – Nevers – scène conventionnée art en territoire
Durée : 1h20
Théâtre du Rond-Point, Paris
du 2 au 20 février 2022
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