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Léa Drouet met l’enfance en mode majeur

A voir, Amiens, Les critiques, Liège, Montpellier, Strasbourg, Théâtre, Valenciennes

© Simon Loiseau

Avec J’ai une épée présenté au Printemps des Comédiens, Léa Drouet poursuit sa quête d’un théâtre permettant de regarder le monde et ses problèmes autrement, à distance des représentations habituelles. Mêlant les langages des arts plastiques, des sciences humaines, de l’autofiction et du théâtre, elle aborde ici avec finesse l’enfance à travers les institutions qui l’encadrent, la cadrent.

Avant même que Léa Drouet entre en scène, la scénographie de J’ai une épée nous renseigne sur son approche de son sujet, l’enfance. Des rangées de rectangles de tailles diverses nous semblent receler une logique propre, un sens qu’il s’agirait de décrypter. Leur surface pailletée, dont la création lumière de Nicolas Olivier fait un paysage aux couleurs sans cesse changeantes, contraste avec l’ordre, avec la rigueur de ces formes. Un long tissu brillant, lui aussi très réactif aux variations lumineuses, inquiète autant qu’il plonge dans un monde de fantaisie, de contes de fée. Avec cette installation qui fait du plateau une sorte de boule à facettes géante, Léa Drouet renoue d’emblée avec son habitude du pas de côté par rapport aux représentations communes. Le spectacle ne dément pas ce que dit son décor. S’il est un objet à part entière, il s’inscrit aussi dans une recherche au long cours d’un langage à la croisée de nombreuses disciplines, capable de révéler les limites des discours dominants et leurs violences.

La courte durée du spectacle – 45 minutes – nous pousse à voir dans J’ai une épée comme la dernière étape d’une démarche entamée il y a une dizaine d’années. Il est un geste à l’apparence faussement légère, travaillé par une exigeante démarche débutée en 2014 avec la création du VAISSEAU, structure de production adaptée à la grande variété formelle des propositions de l’artiste et vouée à refléter l’une de ses préoccupations majeures : « comment partager des expériences esthétiques qui traduisent différentes problématiques politiques et sociales ? ». Dans sa pièce précédente, Violences, Léa Drouet abordait déjà le sujet qu’elle place au cœur de J’ai une épée. Dans une installation faite de sable, de cubes et d’autres formes colorées, elle commençait par raconter l’enfance de sa grand-mère pour en venir à celle de Mawda, rendue tristement célèbre par sa mort en 2018, à l’âge de deux ans. Elle rassemblait ainsi deux histoires d’exil, l’une causée par la Rafle du Vél d’Hiv, l’autre par la pauvreté et l’espoir d’une vie moins dure ailleurs. Il s’agissait ainsi de s’opposer à l’état de guerre permanent en incitant chacun à se faire le témoin actif des tragédies de l’époque.

Dans J’ai une épée comme dans Violences, Léa Drouet s’intéresse à l’enfance à partir des traces qu’elle laisse. De nouveau, elle va d’abord les chercher dans ses archives personnelles. À peine entrée dans son paysage ambigu, lentement et avec douceur, elle nous décrit un dessin retrouvé. C’est un dessin de salle de classe, où une petite fille à l’abondante chevelure blonde, belle, fait face à une autre élève complètement dégarnie et borgne, et où une mini Léa Drouet toute de rose vêtue sourit en pointant le doigt vers une pancarte : « L’école, c’est le bonheur ». La maîtresse, quant à elle, tout sourire aussi est coiffée d’une couronne. Joignant à la parole des gestes qui forment une partition à part entière, éloignée comme l’espace où elle se déploie de tout réalisme, elle constitue avec lui ainsi qu’avec la lumière et le son du spectacle un lieu qui ne vaut pas par sa personnalité propre mais par les rencontres et la pensée qu’il permet.

Ce lieu ne nous dépayse pas, il nous déterritorialise. En dirigeant notre regard vers les institutions qui encadrent l’enfance, il nous place à l’écart des deux représentations principales qui enferment cette dernière. Tournant à la fois le dos à l’image de « l’enfant à sauver » et à celle de « l’enfant à corriger, éduquer, former », Léa Drouet se fraie comme à son habitude un chemin à distance de ces clichés, tout en se nourrissant d’eux. Comme dans Violences, elle développe pour cela à la suite de son récit personnel, où un dessin acquiert une existence purement théâtrale, une histoire qui lui est parvenue par les médias : celle d’une enfant de dix ans accusée d’apologie du terrorisme. En utilisant pour relater ce fait le même vocabulaire, la même présence que lorsqu’elle décrivait la trouvaille faite dans ses propres cartons, Léa Drouet fait de l’enfance de l’Autre, et plus généralement de la société, un terrain à explorer avec un langage à soi. Non pas pour la ramener à sa propre personne, mais pour se laisser atteindre par elle malgré la différence, ou justement grâce à elle.

Pour raconter toutes les histoires qui composent son spectacle, Léa Drouet expose une partie de son processus de travail. Elle dit par exemple que pour interroger le cas de la petite fille accusée d’apologie du terrorisme, elle s’est basée sur le travail d’investigation de François Bonnet. Elle précise ainsi la place depuis laquelle elle parle : proche de celle du scientifique mais différent, à côté d’elle. Elle poursuit d’ailleurs pour cette pièce sa collaboration fertile avec la philosophe et dramaturge Camille Louis. Pour questionner le poids, les violences des institutions qui ont à faire avec l’enfance, et esquisser aussi quelques formes de résistance de la jeunesse à ces cadres, Léa Drouet mêle subtilement les outils du conte à ceux du savoir. Dans les interstices qui séparent les différents matériaux de sa pièce, elle laisse au spectateur la possibilité d’ajouter ses propres documents, ses fables, et tout ce qu’il souhaite. Pour réfléchir à ce que l’on fait à l’enfance et à ce qu’elle nous fait. Pour se forger une façon à soi de mettre en relation les humains et les choses, et créer ainsi de nouveaux récits.

Anaïs Heluin

J’ai une épée

Avec : Léa Drouet

Metteuse en scène, autrice : Léa Drouet
Dramaturge : Camille Louis
Scénographe  : Élodie Dauguet
Composition musicale : Èlg
Lumières : Nicolas Olivier
Costumes : Eugénie Poste
Régie générale : François Bodeux
Assistante à la mise en scène : Marion Menan
Développement production et diffusion : France Morin, Anna Six et AMA Brussels
Un spectacle de : Léa Drouet / Vaisseau asbl

Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Production : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Vaisseau asbl
Coproduction : Printemps des Comédiens – Montpellier, NEXT Arts Festival, Kunstenfestivaldesarts, Théâtre de Liège, Le Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène européenne, Mars-Mons – Arts de la scène, Centre Culturel André Malraux, Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, La Coop asbl, Shelter Prod
Avec l’aide de : La Fédération Wallonie- Bruxelles, Service Général de la Création Artistique – Direction du Théâtre
Avec le soutien de : Kunstencentrum Buda, La Bellone – House of Performing Arts, ING et du Tax Shelter du gouvernement fédéral belge

Durée : 45 mins

Le Printemps des Comédiens – Hangar Théâtre à Montpellier
Du 2 au 4 juin 2023

Festival Belluard Bollwerk International – Fribourg (CH)
Le 30 juin 2023

Le Phœnix – scène nationale Valenciennes
Les 14 et 15 novembre 2023

Maison de la Culture d’Amiens
Les 22 et 23 novembre 2023

Théâtre de Liège – (BE)
Du 13 au 15 décembre 2023

Le Maillon – Strasbourg (FR)
Du 17 au 19 janvier 2024

Mars-Mons (BE)
Les 25 et 26 janvier 2024

 

6 juin 2023/par Anaïs Heluin
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