Il y a dix ans, Jacques Weber avait joué avec Jean-François Balmer les deux débats de l’entre deux tours de 1974 et de 1981 entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Cette fois-ci en compagnie de François Morel, se rejoue le débat Mitterrand/Chirac de 1988, pour quelques représentation au Théâtre de l’Atelier. Rencontre avec les deux comédiens.
Est-ce que ce débat de 1988 est une bonne matière théâtrale ?
Jacques Weber : C’est évident. Il y a une dramaturgie avec une situation extrêmement tendue entre les personnages qui doivent triompher l’un de l’autre. Il y a un roi et un prince. Le roi rappelant au prince qu’il n’est que prince et l’autre veut faire oublier au roi qu’il est roi. Ils doivent convaincre un grand public, c’est comme cela qu’est né le théâtre, mettre sur la place public les problèmes politiques. C’est du pur théâtre. Il ne s’agit pas pour nous de faire des imitations. On reprend cette confrontation comme une grande pièce pour la réinterpréter et lui donner d’autres accents. Et nous permettre de dramatiser certains instants.
Vous n’avez pas la voix de Jacques Chirac qui a souvent été imitée ?
François Morel : Je n’essaye pas de l’imiter. Je m’en tiens au texte et au sous-texte. Car dans ce débat il y a des choses qui se disent et qui ne se disent pas. Les allusions et les perversions sont nombreuses. C’est passionnant à jouer.
Est-ce que les hommes politiques sont aussi des comédiens quand ils se retrouvent dans ce genre de situation en face à face ?
François Morel : Ce n’est pas le même métier. Si je jouais comme Jacques Chirac, on dirait « qu’est ce qu’il joue mal Morel ! Il en fait beaucoup ! » Il faut oublier les tics de l’un et de l’autre car on en a tous une image très précise des deux personnages pour se focaliser sur la situation dramatique du duel.
Diriez-vous que c’est un duel à fleuret moucheté ?
Jacques Weber : Plus on étudie la chose plus j’ai l’impression qu’ils s’adressent des coups de sabre. Je n’ai pas le souvenir qu’en 74 ou 81 le débat ait été aussi féroce. Ils s’engagent frontalement dans ce duel, c’est comme du Shakespeare.
D’ailleurs certaines phrases sont devenues célèbres, comme les grandes répliques des classiques.
Jacques Weber : Absolument et c’est ce qui naïvement m’a donné envie de mettre en scène ces débats. On cite ces répliques comme les répliques célèbres de Cyrano ou d’Hamlet. « Vous n’avez pas le monopole du cœur » est devenu aussi célèbre que « Être ou ne pas être ».
Est-ce que c’est un grand texte ?
François Morel : En tout cas ce sont deux hommes de culture qui s’expriment formidablement bien. C’est intéressant de prendre des textes qui ne sont pas destinés au théâtre pour les mettre en scène. Je garde le souvenir de la rencontre entre Mao et Pompidou montée par Antoine Vitez et j’ai éclaté de rire devant ce spectacle. J’ai ensuite adapté les échanges de Charensol et Bory au Masque et la Plume. Tout cela se rejoint.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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