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Ranger ou le chant du cygne d’un veuf inconsolable

Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Louise Quignon

Pascal Rambert offre à Jacques Weber une partition de haut vol dont le comédien s’empare avec le brio qu’on lui connaît. Un monologue poignant, pétri de vécu, une déclaration d’amour par-delà la mort.

Argument. Répétition. Lac. Actrice. Reconstitution. Sœur. Architecture. Les titres chez Pascal Rambert s’en tiennent souvent à un mot. Concis, ferme et sans échappatoire. Qui annonce d’emblée l’enjeu empoigné par la pièce. Un mot, seul et debout, comme un bloc solide qui se tient au-dessus du vide. Un mot, clair, direct, sans ambiguïtés. Un monolithe linguistique qui renferme son secret, la forêt de nuances et de complexité que chaque texte vient labourer, creuser, explorer. Avec Ranger, le mot est un verbe. Un infinitif lapidaire. A prendre au sens propre et figuré, philosophique et métaphysique. Cet homme qui s’apprête à mettre de l’ordre dans sa vie avant de la quitter pour de bon, c’est Jacques Weber, monstre de présence et de vécu, qui l’incarne.

Seul en scène dans un décor aseptisé de chambre d’hôtel haut de gamme. Seul à Hong-Kong où il vient tout juste de recevoir un prix en tant qu’écrivain. Seul face au gouffre laissé par la mort de sa femme un an auparavant. La scénographie immaculée épouse sa douleur, le blanc est la couleur du deuil en Chine. Moquette, literie, mobilier, murs, tout est d’un blanc éblouissant, jusqu’à la chevelure de Jacques Weber, jusqu’à son visage, livide, terrassé de fatigue et de peine. Il est tard, 23h30 sur l’écran de son réveil, quand il rentre, une brassée de fleurs dans les bras, de la cérémonie qui vient de consacrer son œuvre. Mais ce n’est pas la fatigue qui l’abat, c’est l’absence. Alors, il lui parle, comme si elle était là, à son épouse défunte, s’adresse à son portrait dans un cadre, partage le moindre détail de sa soirée, ses réflexions, ses états d’âme. Et quand il se tait, c’est pour boire à grand trait, à même le goulot de la bouteille ou pour se faire une ligne de coke. Tirer un trait sur une existence qui ne fait plus sens, voilà son projet. « Tu es morte il y a un an et je n’ai plus envie de vivre » annonce-t-il d’emblée.

Pas de pathos pourtant, l’écriture de Pascal Rambert se tient toujours sur la crête de la vie qui prend le dessus, de l’humour aussi qui s’immisce. Au fur et à mesure, c’est une existence qui se dessine, celle d’un couple d’écrivains épris de littérature. Au fur et à mesure, celle qui n’est plus apparaît en creux, dans la déclaration que son veuf lui fait puis dans l’évocation plus tardive de son enfance. Et l’absence se remplit sous nos yeux. Les mots de Pascal Rambert, dans leur franchise, leur façon de faire corps avec ce qu’ils racontent, ont cette capacité à s’incarner dans l’espace, à faire naître des situations, des mondes, des sensibilités à fleur de peau. Jacques Weber se les approprie avec une perméabilité confondante, riche de tous les rôles qu’il a endossés, riche d’une vie vouée au théâtre. Tantôt à bout de souffle, le regard espiègle ou les traits figés dans la douleur, il passe par toutes les nuances émotionnelles, joue comme il respire.

Entre le comédien et le personnage, la frontière s’efface, on ne distingue plus l’un de l’autre, et c’est bouleversant de le voir accrocher la lumière, vivre chaque parcelle des phrases qu’il prononce, se mouvoir dans cet espace clos, de la table au lit, de la chaise au sol où il échoue un temps, vieil homme que le corps entrave. Chacun de ses gestes prend une dimension particulière, Jacques Weber est d’un magnétisme unique en son genre. Un trésor national vivant, dirait-on en Asie. Cet homme sur le seuil qui se retourne sur sa vie, esquisse des pas de danse avec une grâce insoupçonnable, cet homme broyé par la mort de sa femme que la parole tient debout, encore. Une fois de plus, Pascal Rambert rend hommage au langage, à sa dimension démiurgique autant que cathartique. Mais il aborde ici de nouvelles rives, de nouveaux enjeux, un nouveau sujet quand bien même tous ses spectacles s’agrippent à cette question fondamentale : comment vivre ? Ce que c’est que vivre, Ranger l’empoigne en un monologue calme et hanté à la fois. Ce que c’est que vivre et aimer d’un amour inaltérable.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Ranger
Texte, mise en scène Pascal Rambert
Collaboratrice artistique Pauline Roussille
Création lumières Yves Godin
Costumes Anaïs Romand
Scénographie Pascal Rambert et Aliénor Durand
Avec Jacques Weber
Durée : 1h15

du 31 mai au 29 juin 2024 aux Bouffes Parisiens
du mar au sam 20h, dim 15h, relâche sam 11 juin

5 juin 2024/par Marie Plantin
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